Projet PHR (SECO) – Economie de l’Arc jurassien

Financé par des fonds de la Confédération (fond « PHR » SECO) et du Réseau des villes de l’Arc jurassien, ce projet a été réalisé entre 2018 et 2019. Dirigé par le Prof. Nicolas Babey, ce projet poursuivait deux buts : 1° Identifier les causes de la stagnation démographique et économique de l’Arc jurassien. 2° Imaginer des solutions concrètes permettant de corriger les problèmes structurels constatés.

Le territoire de l’Arc jurassien tel que défini par ce projet englobait les cantons du Jura et de Neuchâtel, le Jura bernois et le Jura nord vaudois. Ce projet a également bénéficié de l’apport d’autres projets parallèles concernant partiellement l’Arc jurassien tel que défini ici, notamment un mandat confié par la Coordination des villes de Suisse romande, consistant à réaliser une étude comparative sur l’évolution économique des centres-villes commerciaux de 16 villes de Suisse romande. Les villes de Neuchâtel et de Delémont en faisaient partie.

Mobilisant la théorie de l’économie résidentielle, la méthodologie de l’IMVT s’est déployée sur deux axes : tout d’abord l’analyse quantitative de flux financiers territoriaux générés par les dépenses des ménages et des entreprises et l’analyse de flux pendulaires. Deuxième axe : l’analyse qualitative du comportement d’entreprises industrielles à l’égard de leur territoire (politiques de domiciliation des employés, politiques énergétiques, politiques contractuelles avec des entreprises de services) ainsi que leurs pratiques en matière de coopération avec d’autres entreprises.

L’IMVT a ajouté l’analyse d’une entité supplémentaire : l’environnement, compris à la fois comme stock de biomasse renouvelable et comme ressource paysagère et symbolique indispensable au bien-être de la population comme à tout projet de domiciliation des ménages.

Le constat est sans appel : cette région souffre essentiellement de fuites financières massives dues à des pratiques prédatrices d’entreprises de services externes à l’Arc jurassien, qui captent une partie non négligeable des dépenses des ménages ainsi que les dépenses de services des entreprises publiques et privées. Elle souffre également du comportement consumériste des ménages eux-mêmes (tourisme d’achat) et de leur nomadisation (déménagement dans d’autres cantons). Dans leur grande majorité, les entreprises publiques et privées de l’Arc jurassien ne perçoivent pas les ressources biotiques et financières considérables que représentent les entités naturelles et sociétales déjà présentes, et qui sont sous-utilisées.

Pour résumer, si cette région est un modèle de vertu en matière d’innovation technologique et de capacité à produire et exporter des richesses, elle est en fait dépossédée des richesses qu’elle a créées et qui ne circulent plus sur le territoire, à cause de comportements économiques prédateurs externes comme internes.

Les solutions à ces problèmes sont nombreuses. L’IMVT en a listé une trentaine permettant de relocaliser des flux, des chaînes de valeur et des marchés. Cependant, leur réalisation passe par une vision renouvelée et « holistique » des entreprises comme des ménages, en lien avec leur territoire et leur environnement. En cela, la comptabilité carbone globale – directe et indirecte – des activités des entreprises comme des ménages peut être une piste intéressante pour visualiser ces liens.

Cependant, cette comptabilité ne suffira pas. Selon l’IMVT, il faut un nouveau modèle de développement intégrant aussi bien les entités humaines – population et personnes morales – que les entités non humaines – ressources biologiques et énergétiques, infrastructures construites, etc. – ainsi que les flux financiers, énergétiques, matériels, sociaux et symboliques qui les lient. C’est par l’intensification de ces flux que l’Arc jurassien se développera.

L’IMVT est parvenu à construire ce modèle en hybridant la théorie de l’économie résidentielle avec la fameuse théorie de l’anthropologie symétrique développée par Philippe Descola (Par-delà nature et culture, 2005). Ainsi, les ressources environnementales matérielles, énergétiques et symboliques sont désormais intégrées à l’analyse, ce que la théorie de l’économie résidentielle ne parvenait pas à faire. L’IMVT dispose maintenant d’un modèle complet de comptabilité territoriale. Ce modèle est dorénavant utilisé par l’IMVT comme modèle d’analyse des territoires, comme outil heuristique permettant de produire des solutions, et comme objet d’enseignement.