Quel rôle peut jouer la presse ?

mardi 15 Déc 2020

Par Matthieu Delaloye, Zarina Charlesworth, Shaban Shabani, Camille Pellaton

L’épidémie mondiale liée au Covid-19 a suscité la diffusion d’une grande quantité de fausses nouvelles, de campagnes de désinformation et de théories complotistes. Dans ce contexte, l’OMS a déclaré début février une “infodémie” qui concerne tout aussi bien l’origine, l’ampleur, que la prévention et le traitement de la maladie. Ces informations sont diffusées à travers les médias sociaux ainsi qu’à travers certains médias professionnels et font peser sur nos systèmes de santé la menace d’une défiance généralisée de certains publics, aboutissant au non-respect des consignes sanitaires.

En contrepartie, les citoyens sont demandeurs d’informations fiables, à l’heure où les sources d’informations se multiplient et où chacun peut devenir créateur de contenus. Paradoxalement, l’infodémie se double d’une forme de retour en force des attentes vis-à-vis des acteurs traditionnels de l’information (presse, services publics). Les pics d’affluence pour assister aux conférences de presse du Conseil fédéral suisse en sont la preuve. Plusieurs études montrent qu’en Europe 90% des individus disent s’informer au minimum une fois par jour et 50% d’entre-deux le font plusieurs fois par jour. Les abonnements à certains journaux nationaux sont remontés en flèche. En temps normal, les médias sont intégrés dans le tissu social et passent presque inaperçus. En période de crise, le 4e pouvoir joue un rôle démocratique essentiel. La formation de l’opinion des citoyens ne peut se réaliser sans des médias indépendants et critiques, qui rapportent, questionnent et mettent en perspective l’actualité. Lorsque la diversité de la presse s’appauvrit, notre démocratie est en péril.
Or, le 4e pouvoir est aujourd’hui ébranlé. La pression mise sur les médias dits traditionnels les pousse à publier de l’information rapidement et à mettre l’accent sur les contenus sensationnels afin d’attirer l’audience du lectorat. De plus, certains médias régionaux ont dû réduire leur voilure à cause des baisses de revenus publicitaires dans un contexte où la demande en information est plus grande. La crise sans précédent qui secoue les médias met la diversité et la qualité de l’information en péril. Alors que la Suisse a pu compter jusqu’à 406 journaux payants en 1939, on en recense actuellement moins de 200. Cette fonte progressive du tissu médiatique doit être mise en perspective avec la concentration des titres au sein de quelques grands groupes, dont l’objectif n’est pas toujours la richesse de l’information, et la dépendance accrue vis-à-vis des groupes de presse internationaux.

Les réseaux sociaux poussent également des profils type d’utilisateurs à publier des fausses informations ou informations erronées Notre blog y consacre justement un article (lien). Cela créée une sorte de cynisme par rapport à l’information et par rapport à la politique. Cette méfiance envers les organes politiques et nos organes décideurs sont très dangereux pour notre démocratie. En effet, si la plupart des citoyens se retrouve à questionner et à penser que les informations fournies sont fausses cette méfiance-là peut mettre en péril notre démocratie.
Aussi, la façon dont le lectorat se forge une opinion sur le monde a changé. Il doit maintenant souvent trier et filtrer lui-même l’information, sans toutefois être toujours en mesure de le faire et d’éviter la dissémination involontaire de fausses nouvelles (fake news). Une telle désinformation a des effets extrêmement négatifs.

La liberté d’expression et le débat sont deux éléments fondamentaux de notre démocratie.