Cyberassurance ou comment se protéger des conséquences des cyberattaques

mardi 22 Fév 2022

Par une étudiante du MAS en Lutte contre la criminalité économique

Introduction

La digitalisation prenant de plus en plus d’ampleur, elle a inévitablement ouvert la porte à de nouvelles formes de criminalité que les malfaiteurs peuvent exploiter. Les cyberattaques sont devenues quotidiennes et peuvent toucher autant les particuliers que les entreprises, les institutions ou encore l’Etat. Pour exemple, en Suisse, l’année 2021 n’a pas été de tout repos pour certains acteurs de la vie économique. La commune de Rolle s’est vu arracher les données confidentielles de ses habitants à cause d’une cyberattaque qui avait visé le réseau informatique communal. On a appris par la suite que ces données avaient été publiées sur le Darknet[1]. Quelques semaines plus tard, c’est au tour de la commune de Montreux d’être la cible d’une cyberattaque[2]. S’ajoutent à cela toutes les attaques faites à l’encontre d’entreprises, comme par exemple, les cliniques privées Pallas, pour n’en citer qu’une[3]. Le Centre national pour la cybersécurité (NCSC)[4] indiquait dans son rapport du premier semestre 2021, un total de 10’234 annonces de cyberincidents. Ce nombre correspond au double d’annonces effectuées durant la même période l’année précédente[5]. Ces chiffres peuvent notamment être expliqués par la pandémie[6] : plusieurs employeurs ont demandé à leurs collaborateurs d’utiliser leur équipement informatique personnel pendant le télétravail. Ceci a donc engendré des risques supplémentaires au niveau de la sécurité informatique. En effet, en télétravail, l’employé ne bénéficie pas forcément de toute la protection cyber nécessaire. Parfois, la connexion à distance n’est pas sécurisée ou l’employé n’a pas d’autre choix que d’utiliser du matériel personnel dans le cadre professionnel.  Ces possibles failles de sécurité laissent la porte entrouverte aux cybercriminels.

Au vu des informations précédentes, il est donc facile pour un responsable informatique d’en tirer la conclusion suivante : la probabilité pour une entreprise de subir une cyberattaque est fort envisageable. La question à se poser est : quand va-t-elle se produire ?

Cyberassurance – qu’est-ce que c’est ?

Une cyberassurance est une police d’assurance qui permet de couvrir les individus et les entités face aux cyberrisques. Elle vise à protéger les assurés contre les conséquences des cyberattaques.

De manière générale, les conséquences d’une cyberattaque, comme la perte de données, la perte de crédibilité, etc., peuvent être désastreuses pour une entreprise. Les coûts financiers peuvent également être exorbitants. De ce fait, la demande d’assurance contre les cyberrisques ne fait qu’accroître. Comme indiqué par une courtière en assurance dans un article de la RTS publié le 7 décembre 2021[7], « (…) il y a vraiment un boom des contrats de cyberassurance cette année (…) ». Vu l’accroissement et l’ampleur des attaques, les assureurs n’hésitent pas à augmenter leurs primes. Dans l’article cité, on peut constater que la prime de la cyberassurance d’une société de gestion de fortune a doublé. Dans ce cas précis, elle est passée de CHF 20’000.- à 40’000.-.

Outre l’augmentation des primes par diverses assurances, certaines de ces sociétés ont retiré la cyberassurance de leur catalogue de services. L’indemnisation de nombreux sinistres qui sont étroitement liés à la hausse des cyberattaques en est la cause.

Cyberassurance pour une personne morale

Pour pouvoir bénéficier d’une assurance, il y a certaines conditions que le potentiel cocontractant doit remplir, notamment la mise en place d’un système de sécurité performant dans l’entreprise.

L’assurance souscrite par une société peut dépendre du domaine d’activité dans lequel elle évolue, « (…) [du] niveau de dépendance de la société à son système informatique et (…) [de] la durée d’interruption du système que l’entreprise peut supporter avant de subir un impact notable »[8]. Il est important pour l’assurance de bien comprendre le domaine d’activité de son client, car certains secteurs sont beaucoup plus touchés par les cyberattaques que d’autres. Les besoins diffèrent donc d’une entreprise à l’autre. La personne morale qui veut s’assurer doit également avoir la volonté de prévenir les cyberrisques qui lui font face, faute de quoi la souscription à l’assurance peut être mise en péril.

Il existe bien évidemment beaucoup d’éléments sur lesquels les entreprises peuvent s’assurer en matière de cybersécurité. Les risques assurés peuvent notamment être les suivants : perte de données, fraude de paiement en ligne, fraude à la carte de crédit, l’installation de logiciels malveillants, manipulation et publication de données, défaillance du système informatique, etc.

Le ransomware, une cyberattaque bien connue

Pour rappel, un ransomware est un logiciel informatique malveillant qui prend en otage des données en les chiffrant. Une rançon est demandée par les malfaiteurs en échange de la clé de déchiffrement. Avec celle-ci, la victime est censée pouvoir récupérer ses données.

Dans le cas où l’entreprise victime de la cyberattaque décide de payer la rançon indiquée, celle-ci s’attend à être indemnisée par son assureur. Mais tout dépend de l’assurance contractée. Certaines assurances ne paieront rien dans ce cas précis, comme le fait « La Mobilière ».

D’autres assurances fixent une limite. Le préjudice financier supérieur à cette limite n’est pas remboursé. D’autres encore remboursent un pourcentage sur la somme assurée.

Pourquoi ne remboursent-elles pas la totalité du dommage ? Sûrement car payer la rançon demandée n’est de loin pas la solution. En effet, dans un grand nombre de cas, les données ne sont pas entièrement récupérées par la victime. Il est aussi possible que les informations soient déchiffrées mais endommagées. De ce fait, elles ne sont plus utilisables pour la société. De plus, obéir aux ordres des malfaiteurs encouragent ces derniers à continuer leurs activités criminelles. Par la suite, ils peuvent notamment développer de nouvelles formes de cyberattaques avec les fonds obtenus.

Conclusion

Avant de s’assurer, il faut déjà avoir conscience qu’on peut être potentiellement victime d’une cyberattaque. Beaucoup d’entreprises sous-estiment les cyberrisques et ne prennent donc pas de mesures à ce sujet.

Ensuite, il n’est pas évident pour une entreprise de bénéficier d’une couverture contre les cyberattaques. Tout d’abord, à cause du prix élevé des primes d’assurance et des conditions à remplir exigées par les assureurs. Le fait pour une entreprise de se doter d’un système de sécurité performant et qui répond aux critères de l’assurance, est déjà un réel coût qui n’est pas forcément accessible pour toute société. L’accès à une telle couverture d’assurance n’est donc pas facilement envisageable pour les petites entreprises.

En sus, comme nous avons pu le voir avec l’exemple du ransomware, l’entreprise victime n’est pas forcément toujours indemnisée par l’assurance si la rançon demandée est payée. De plus, le ransomware est un type d’attaque utilisé de manière fréquente par les malfaiteurs. Ce phénomène aura pour effet d’augmenter les primes d’assurances ou, dans certains cas, les assurances retireront ce type d’attaque des prestations de services offerts.

N.B. Bien que les personnes morales sont principalement évoquées dans cet article, les cyberattaques touchent également les personnes physiques et ces dernières peuvent aussi bénéficier de cyberassurances.

Sites web consultés

Swissriskcare. Assurance cyber risque entreprise, pourquoi est-ce important d’y penser ? [en ligne]. [Consulté le 17.12.2021].Disponible à l’adresse : https://www.swissriskcare.ch/actualites/cyberattaques

Altospam. Ransomware ou rançongiciel, vos données prises en otage [en ligne]. [Consulté le 17.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.altospam.com/glossaire/ransomware.php .

ICT journal. Comment les assureurs suisses couvrent-ils les victimes de ransomware ? [en ligne]. [Consulté le 17.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.ictjournal.ch/articles/2021-06-01/comment-les-assureurs-suisses-couvrent-ils-les-victimes-de-ransomware

Axa. Assurance Cyber pour les entreprise [en ligne ]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.axa.ch/fr/clients-entreprises/offres/responsabilite-civile-choses/cyberassurance.html

La Mobilière. Cyberassurance [en ligne ]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.mobiliere.ch/assurances-et-prevoyance/habitat-et-propriete/assurance-cyberprotection

RTS. L’ombre des ransomwares plane sur l’économie suisse. [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse suivante : https://www.rts.ch/info/economie/10641218-lombre-des-ransomwares-plane-sur-leconomie-suisse.html

Usine digitale. Cyberassurances : Face aux ransomwares, les prix augmentent et les professionnels s’inquiètent. [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse suivante : https://www.usine-digitale.fr/article/cyberassurances-face-aux-ransomwares-les-prix-augmentent-et-les-professionnels-s-inquietent.N1134529

2si. Télétravail : sécurité informatique en péril. [en ligne]. [Consulté le 03.01.2022]. Disponible à l’adresse suivante : https://2si.fr/bonnes-pratiques/teletravail-securite-informatique-en-peril/

Zdnet. Cyberassurance :Tout ce que vous devez savoir sur son fonctionnement. [en ligne]. [Consulté le 03.01.2022]. Disponible à l’adresse suivante : https://www.zdnet.fr/pratique/cyberassurance-tout-ce-que-vous-devez-savoir-sur-son-fonctionnement-39919171.htm


[1] RTS. La gravité de la cyberattaque de la commune de Rolle sous-estimée par les autorités [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.rts.ch/info/regions/vaud/12442317-la-gravite-de-la-cyberattaque-de-la-commune-de-rolle-sousestimee-par-les-autorites.html

[2] 24heures. La commune de Montreux victime d’une cyberattaque [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.24heures.ch/la-commune-de-montreux-victime-dune-cyberattaque-257699560990

[3] RTS info. Les cliniques Pallas victimes d’une cyberattaque [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021] Disponible à l’adresse : https://www.swissinfo.ch/fre/les-cliniques-pallas-victimes-d-une-cyberattaque/46871336

[4] NSCS. Centre nation pour la Cybersécurité[en ligne]. [Consulté le 13.12.2021] Disponible à l’adresse : https://www.ncsc.admin.ch/ncsc/fr/home.html

[5] Centre national pour la cybersécurité NCSC. Sécurité de l’information. Situation en Suisse et sur le plan international [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021] Disponible à l’adresse : https://www.ncsc.admin.ch/ncsc/fr/home/dokumentation/berichte/lageberichte/halbjahresbericht-2021-1.html

[6][6] RTS. La cybercriminalité génère des milliards et pousse des sociétés vers la faillite [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.rts.ch/info/sciences-tech/12173038-la-cybercriminalite-genere-des-milliards-et-pousse-des-societes-vers-la-faillite.html

[7] RTS. S’assurer contre le cyber-risque devient plus difficile et plus cher [en ligne]. [Consulté le 12.11.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.rts.ch/info/economie/12695159-sassurer-contre-le-cyberrisque-devient-plus-difficile-et-plus-cher.html et L’usine nouvelle. Le coût des assurances contre le risque cyber s’envole…Et ce n’est pas le seul problème [en ligne]. [Consulté le 13.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.usinenouvelle.com/editorial/le-cout-des-assurances-contre-le-risque-cyber-s-envole-et-ce-n-est-pas-le-seul-probleme.N1138238

[8] Swissriskcare. Assurance cyber risque entreprise, pourquoi est-ce important d’y penser ? [en ligne]. [Consulté le 17.12.2021].Disponible à l’adresse : https://www.swissriskcare.ch/actualites/cyberattaques

Les Pays-Bas, un narco-état ?

mardi 08 Fév 2022

Par une étudiante du MAS en Lutte contre la criminalité économique

Depuis plusieurs années, nous pouvons lire dans la presse néerlandaise le récit d’événements qui inquiètent de plus en plus les citoyens du pays, les politiques, la justice et d’autres. Que se passe-t-il dans ce pays pourtant reconnu comme un exemple unique dans la gestion des drogues ? [1]

Derrière l’image d’Epinal du Gouda, des sabots et des tulipes, un scénario digne d’une série Netflix s’y déroulerait.

En septembre 2019, en plein jour, l’avocat Derk Wiersum[2] a été abattu devant son domicile à Amsterdam. Il défendait un témoin clé dans le procès dit Marengo contre la Mocro-maffia (organisations mafieuses marocaines). Ces réseaux mafieux d’origines marocaines sont spécialisés dans le trafic de cocaïne, de cannabis et de drogues de synthèse. Ils sont établis dans les différents ports d’Europe grâce à la corruption de douaniers, policiers et politiciens[3]. Le procès Marengo, en raison de son ampleur et des risques avérés, se déroule de manière singulière : avocats anonymes, journalistes, caméras et publics interdits d’entrer dans le tribunal. La violence qu’engendrent ces guerres de réseaux criminels et leur force de frappe a provoqué au fil des ans des craintes toujours plus vives auprès de la population. L’assassinat de Derk Wiersum a marqué la population. Jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat, on parle d’un acte terrifiant qui remet en doute toute la politique des drogues du pays.

En juillet 2021, le journaliste spécialisé dans les affaires criminelles, très connu aux Pays-Bas, Peter R. de Vries a également été abattu en plein jour. Depuis 2010, Peter R. de Vries focalisait son travail autour de la Mocro-maffia. Il se savait sur la liste des personnes à éliminer.

Dernièrement, en septembre 2021, c’était au tour du premier ministre néerlandais Mark Rutte de se retrouver sous protection policière très rapprochée à la suite de menaces émanant d’un groupe de narcotrafiquants marocains. Cela est dû à ses prises de positions et promesses de « gagner la bataille contre la drogue ».

Ces trois affaires pointent le risque accru que court actuellement toute personne qui travaille de près ou de loin sur le trafic de drogue aux Pays-Bas.

Une histoire singulière

Les Pays-Bas ont une approche unique en matière de drogues. Au 19ème siècle, les USA et les pays européens font face à de grandes difficultés avec les soldats toxicomanes, tandis que les soldats de la Hollande n’ont pas de problèmes récurrents. Dès le 20ème siècle, le pays, grâce aux colonies, a fait de l’opium et de la cocaïne sa vache à lait, ce qui en a fait un état très riche. Ces activités ont mis la Hollande au 1er rang des producteurs mondiaux de cocaïne et d’opium[4].

Sur le plan international, les Néerlandais avaient des intérêts économiques à protéger, ceci explique en partie leur lenteur à ratifier la Convention internationale de l’opium du 23 janvier 1912. Ce n’est qu’en 1919 que prendra effet la Loi sur l’opium, qui visait principalement la lutte contre le commerce de la cocaïne et des opiacés.

En 1953, une modification de la Loi sur l’opium ajoute le cannabis à la liste des substances illicites et en condamne la production, la possession et la vente. Les interventions pour réprimer le commerce de drogue ont surtout visé les trafiquants et les dealers, mais peu les consommateurs. Les années 60 marquent un tournant dans la répression. Les Pays-Bas vont appliquer plus rigoureusement la loi. En 1966, la police d’Amsterdam a été épinglée pour un usage excessif de la force lors d’émeutes. Dès lors la répression est devenue un sujet très épineux dans l’opinion publique. Ces événements ont provoqué une évolution qui, dans les années 70, ont forcé le gouvernement néerlandais à créer deux groupes de travail sur les drogues : Commission Baan et Commission Hulsman. Leurs recommandations ont largement influé sur l’évolution de la politique en matière de drogues des Pays-Bas et ont abouti à la refonte en 1976 de la Loi sur l’opium qui dépénalisera la consommation de cannabis et distinguera deux groupes de drogues[5].

Actuellement, le système néerlandais fonctionne sur l’idée d’une atténuation des risques et des dangers liés à la prise de drogue plutôt qu’à une interdiction drastique de la consommation[6]. Toutefois, au vu des dernières affaires, ce système est remis en cause autant par les citoyens que par la justice ou les politiques qui jugent le système actuel bien trop laxiste.

Une législation néerlandaise spéciale

« The Opium Act »[7] édicte les règles relatives aux drogues. Une différence est faite entre les drogues dites douces (hash, marijuana, pilules, sédatifs de type Valium et Seresta) et dures (héroïne, cocaïne, amphétamine, ecstasy et GHB).

Par principe toute forme de drogue est illégale aux Pays-Bas, mais une politique de tolérance est appliquée envers les Coffee Shops. Ils sont acceptés, tolérés, pour la vente et la consommation de cannabis. Cela signifie que la vente de drogues douces au sein des Coffee Shops est une infraction pénale, mais que le Ministère public s’engage à ne pas poursuivre les établissements. De plus, pour le public, la possession d’une quantité ne dépassant pas 5 grammes de cannabis ou la possession de 5 plantes de cannabis ne sont pas poursuivies par le Ministère public [8].

La légalisation permet une lutte plus efficace contre le trafic de drogue, étouffe le marché noir et protège la santé des consommateurs.

Dans le dernier rapport de monitoring national sur les drogues au Pays-Bas, il ressort que plus du tiers de la population adulte du pays consomme de manière régulière (chaque jour) du cannabis [9]. Le taux de THC reste stable pour la production indigène contrairement aux importations qui voient leur taux de THC augmenter [10]. Depuis 2019, les Pays-Bas testent la production légalisée de cannabis afin de mettre toute la chaîne de production et consommation sous contrôle de l’Etat.

Le rôle du port de Rotterdam

Idéalement situé au nord-ouest de l’Europe, c’est un port qui borde une vaste zone industrielle et couvre la vallée du Rhin et ses affluents. Cette situation centrale fait du port de Rotterdam une des plaques tournantes des drogues à destination de l’Europe.

Il est le plus grand port Européen, environ 444 millions de tonnes de marchandises y sont traitées par année. Le transit des marchandises est si important que les contrôles et la détection des drogues y sont complexes.

Une unité de police spéciale y est dédiée, elle doit contrôler environ 45 km de long sur 5 de large [11]. Un travail titanesque !

Quelques articles de presse résument l’année 2021 :

31 octobre 2021 : marchandise interceptée cocaïne, 4000 kilos pour une valeur de 331 millions d’euros sur le marché. Provenance Paraguay, via Uruguay, direction Portugal dans un conteneur de sacs de soja [12].

17 septembre 2021 : marchandise interceptée cocaïne, 4022 kilos pour une valeur de 301 millions d’euros sur le marché. Provenance du Suriname, direction Pologne dans un conteneur de bois [13].

16 juillet 2021 : marchandise interceptée cocaïne, 3000 kilos pour une valeur de 225 millions d’euros sur le marché. Provenance d’Equateur, direction Bâle dans des cuves à bananes [14].

29 juin 2021 : saisie de cocaïne dans une ferme non loin du port de Rotterdam, 3000 kilos pour une valeur de 195 millions d’euros sur le marché [15].

6 juin 2021 : marchandise interceptée cocaïne, 2000 kilos pour une valeur de 151 millions d’euros sur le marché. Provenance Equateur, direction Hongrie dans des conteneurs de bananes [16].

18 mars 2021 : marchandise interceptée cocaïne, 4000 kilos pour une valeur de 300 millions d’euros sur le marché. Provenance Equateur, passage par Anvers pour Rotterdam dans des conteneurs de fruits [17].

23 février 2021 : marchandise interceptée héroïne, 1500 kilos pour une valeur de 45 millions d’euros sur le marché. Provenance Pakistan, direction inconnue dans des conteneurs de sel d’Himalaya [18].

Schéma des flux de drogues

Outre les saisies les plus importantes de l’année citées ci-dessus, il ne faut pas oublier que certaines ont lieu quasiment quotidiennement. Par exemple, en septembre 2021, la somme des saisies quotidiennes ont atteint près de 318 millions d’euros [19][20].

Ces montants et ces saisies ainsi que le rapport d’Europol [21] de septembre 2021 attestent de la place des Pays-Bas comme une des plaques tournantes majeures du trafic de drogue en Europe. En effet, ses capacités portuaires et sa localisation renforce le pays dans la stratégie des groupes mafieux.

Blanchiment d’argent

Selon Roberto Saviano (auteur de Gomorra, spécialiste du crime organisé) la montée en puissance du trafic de drogue aux Pays-Bas met en lumière un système économique qui a rendu le pays équivalent à un territoire offshore.

Par une législation ultra favorable avec des allégements fiscaux conséquents, le pays a attiré de grands groupes apportant une manne financière très importante (Nike, Netflix ou Ferrari, par exemple). Mais ces facilités ont aussi permis aux groupes criminels d’y développer durablement leurs activités de blanchiment d’argent [22]. Une politique d’investissement libérale, sans restriction réglementaire pour les investissements étrangers directs. Le pays possédant des secteurs à hauts potentiels d’investissement tel que les logiciels, services informatisés, automobiles, aviation, etc., présente un intérêt tout particulier pour ses réseaux maffieux.

Le système Hawala [23] est très largement utilisé par cette organisation. Il s’agit d’un système bancaire parallèle qui permet au réseau de blanchir son argent dans des proportions jamais vues [24]. Fin 2016, ces manipulations ont été découvertes lors d’une enquête mêlant différents pays européens. A une échelle internationale, sur quatre années, les sommes blanchies sont estimées à 400 millions d’euros [25].

« Des collecteurs récupèrent l’argent des trafics et le remettent à un niveau supérieur. L’organisation fonctionne ensuite par « compensation entre les pays » effaçant toute traçabilité tout en limitant les transferts internationaux. L’argent collecté dans un pays est disponible ailleurs sur le territoire ou dans un autre Etat. « Le montage repose à la fois sur le numéraire et sur la confiance entre les interlocuteurs », ainsi que « sur l’importance du trafic de stupéfiants » a souligné M. Tarabeux, procureur de la République de Marseille, en 2016, en présence d’un magistrat d’Eurojust, d’un représentant d’Europol et d’enquêteurs français, hollandais et belges [26].

Europol tente d’alerter sur l’expansion des narco-trafiquants en Europe et l’urgence de revoir législations et volontés politiques pour protéger la population.

Le ministre néerlandais de la Justice et de la Sécurité, Ferdinand Grapperhaus a rejeté en février 2018 le terme de « narco-Etat », employé à l’encontre des Pays-Bas par un syndicat, dénonçant un manque de moyens humains pour lutter contre la criminalité [27].

Un rapport commandité par la maire d’Amsterdam et publié au début du mois de septembre souligne le grave problème de drogue dont souffre la ville. Intitulé « L’autre côté d’Amsterdam », il révèle que « le crime organisé lié à la drogue exerce une influence notable sur la ville»[28].

Le principal syndicat policier du pays, NPB, estime que le gouvernement, et la classe politique en général, sous-estiment les réseaux criminels liés à la drogue et son implantation au sein de la société néerlandaise.

Ce que les Pays-Bas vivent au travers du procès Marengo est l’exemple même d’un réseau criminel tentaculaire et profondément ancré dans la société. Une société qui, par son histoire, sa position géographique et ses décisions politiques, a indirectement facilité l’implantation de réseaux criminels. Bien que les dirigeants politiques et les forces de l’ordre soient conscients de la gravité de la situation, il parait extrêmement complexe et difficile de mettre à disposition et de coordonner les ressources pour démanteler ces organisations.


[1] GESTESS, LA LÉGALISATION DE LA CONSOMMATION DU CANNABIS À DES FINS RÉCRÉATIVES…OÙ EN SOMMES-NOUS ? [en ligne]. [Consulté le 01.09.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.gestess.com/info-sst/la-legalisation-de-la-consommation-du-cannabis-a-des-fins-recreatives-ou-en-sommes-nous/

[2] Le Parisien, Pays-Bas : un avocat abattu en pleine rue à Amsterdam. Le Parisien [en ligne]. [Consulté le 10.10.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.leparisien.fr/faits-divers/pays-bas-un-avocat-abattu-en-pleine-rue-a-amsterdam-18-09-2019-8154477.php

[3] WIKIPEDIA, Mocro Maffia [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mocro_Maffia

[4] WIKIPEDIA, Drogue aux Pays-Bas [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Drogue_aux_Pays-Bas#Historique_et_lois_sur_la_drogue

[5] Marianne M. J. van Ooyen-Houben, 2008. Usage de substances illicites et politique néerlandaise en matière de drogues : vue d’ensemble et évaluation exploratoire [en ligne]. [Consulté le 24.11.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2008-3-page-325.htm

[6] Benjamin Dolin, 2001. POLITIQUE NATIONALE EN MATIÈRE DE DROGUES : PAYS-BAS [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://sencanada.ca/content/sen/committee/371/ille/library/dolin1-f.htm

[7] Overheid.nl, Opium Act [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://wetten.overheid.nl/BWBR0001941/2010-05-29

[8] Governement.nl, Difference between hard and soft drugs [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.government.nl/topics/drugs/difference-between-hard-and-soft-drugs

[9]National Drug Monitor, Annual Report – Summary 2019 [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.trimbos.nl/docs/a323a00f-3822-4587-bf08-64ccfbcba037.pdf

[10] UNODC Research, Drug Market Trends : Cannabis Opioids [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.unodc.org/res/wdr2021/field/WDR21_Booklet_3.pdf

[11]WIKIPEDIA, Port de Rotterdam [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Port_de_Rotterdam

[12] JNEWS-France, Pays-Bas : saisie record de cocaïne au port de Rotterdam. JNEWS-France [en ligne]. [Consulté le 31.10.2021]. Disponible à l’adresse : https://jnews-france.fr/pays-bas-saisie-record-de-cocaine-au-port-de-rotterdam/

[13] Le Figaro, Pays-Bas : énorme saisie de cocaïne dans le port de Rotterdam. Le Figaro [en ligne]. [Consulté le 17.09.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.lefigaro.fr/flash-actu/pays-bas-enorme-saisie-de-cocaine-dans-le-port-de-rotterdam-20210917

[14]Le Parisien, Pays-Bas : saisie à Rotterdam de trois tonnes de cocaïne cachées dans de la purée de banane. Le Parisien [en ligne]. [Consulté le 17.09.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.leparisien.fr/faits-divers/pays-bas-trois-tonnes-de-cocaine-cachees-dans-de-la-puree-de-banane-saisies-a-rotterdam-16-07-2021-QD6KJYM7OZA3XDCPWKYP6THZ5Y.php

[15] L’essentiel, Trois tonnes de cocaïne saisies dans une ferme. L’essentiel [en ligne]. [Consulté le 17.09.2021]. Disponible à l’adresse : http://www.lessentiel.lu/fr/news/europe/story/trois-tonnes-de-cocaine-saisies-dans-une-ferme-29260345?redirect=tmpl

[16] van den Berg S., 2021, Plus de 2 tonnes de cocaïne saisies dans le port de Rotterdam. Boursier.com [en ligne]. [Consulté le 17.09.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.libertasoccidentalis.com/?p=112252

[17] MIROIRINFO, Pays-Bas: 4 tonnes de cocaines saisies à Rotterdam. MIROIRINFO [en ligne]. [Consulté le 01.11.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.lemiroirinfo.ca/pays-bas-4-tonnes-de-cocaines-saisies-a-rotterdam/

[18] Tvanouvelles.ca, Pays-Bas: saisie d’1,5 tonne d’héroïne d’une valeur de 68 M$ à Rotterdam. Tvanouvelles.ca [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.tvanouvelles.ca/2021/02/23/pays-bas-saisie-d15-tonne-dheroine-dune-valeur-de-68-m–a-rotterdam

[19]Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, Rapport européen sur les drogues 2021 [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/13838/2021.2256_FR_02_.pdf

[20] secret-defense.org, Les Pays-Bas, nouvelle plateforme pour l’écoulement de la cocaïne en Europe. secret-defense.org [en ligne]. [Consulté le 28.11.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.secret-defense.org/10/09/2021/les-pays-bas-nouvelle-plateforme-pour-lecoulement-de-la-cocaine-en-europe/

[21] Feditobxl.be, Rapport 2019 sur le marché des drogues dans l’UE (EMCDDA/EUROPOL). Feditobxl.be [en ligne]. [Consulté le 28.09.2021]. Disponible à l’adresse : https://feditobxl.be/fr/2019/11/rapport-2019-sur-le-marche-des-drogues-dans-lue-emcdda-europol/

[22]Corriere.it, La “Mocro Maffia”, l’uccisione di Peter de Vries e le colpe dell’Olanda, paradiso dei narcos. Corriere.it [en ligne].  [Consulté le 15.11.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.corriere.it/esteri/21_agosto_02/roberto-saviano-olanda-paradiso-narcos-f0668978-f2f8-11eb-9e5d-11e1603bb92c.shtml?refresh_ce

[23] WIKIPEDIA, HAWALA [en ligne]. [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hawala

[24]CASH Investigation, Cannabis, la multinationale du blanchiment 2019 [en ligne].  [Consulté le 01.12.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=nExuv6BH3Ws

[25] L’INDEPENDANT, Un gigantesque réseau de blanchiment démantelé entre l’Europe et le Maroc. L’INDEPENDANT [en ligne]. [Consulté le 01.11.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.lindependant.fr/2016/11/29/un-gigantesque-reseau-de-blanchiment-demantele-entre-l-europe-et-le-maroc,2279193.php

[26] Idem 25

[27] TENRE S., 2019. Pays-Bas : le meurtre d’un avocat luttant contre la mafia indigne jusqu’au sommet de l’État. Le Figaro [en ligne]. [Consulté le 05.09.2021]. Disponible à l’adresse : https://www.lefigaro.fr/international/pays-bas-le-meurtre-d-un-avocat-luttant-contre-la-mafia-indigne-jusqu-au-sommet-de-l-etat-20190918

[28] Idem 27