Marketing multiniveaux et vente pyramidale : zone grise

mardi 08 Août 2023

Par Mathilde Chatton, étudiante du MAS LCE

Mots clés : Marketing multiniveaux ; vente pyramidale ; système de la boule de neige ; pyramide de Ponzi

Introduction

A ce jour, il n’est pas rare d’être interpelé(e) par des publications sur les réseaux sociaux notamment TikTok et Instagram. Les photos et vidéos attirent notre attention en indiquant des titres de type : « Avant, je gagnais un SMIC par mois. Depuis que je travaille sur les réseaux sociaux, je peux gagner jusqu’à 10’000 € par mois tout en restant à la maison à m’occuper de mes enfants » ou « Comment j’ai perdu 20 kilos grâce à CE produit », etc. Par ailleurs, le fonctionnement et les produits effectivement vendus ne sont pas précisés. Les « vendeurs » proposent aux visiteurs de les contacter directement par message privé.

En Suisse, des structures similaires ont vu le jour ces dernières années, notamment depuis le début de la crise du COVID-19 et l’essor des réseaux sociaux. Nous relevons par exemple les courtes vidéos virales de l’influenceur vaudois JP Fanguin faisant miroiter la richesse si la personne le contacte. Ce dernier n’énonce toutefois pas clairement de quelle façon l’argent arrivera ni comment la structure est construite.[1] Ce phénomène est également visible en Suisse orientale et des célébrités locales font la promotion de cette nouvelle façon de gagner de l’argent simplement.[2]

Il est également à relever que les cibles visées sont principalement des personnes à bas revenus ou cherchant à compléter leurs rémunérations comme des étudiants, de jeunes mères au foyer ou encore des travailleurs saisonniers. Les produits concernés peuvent être des pilules minceur, des substituts de repas, des gadgets de cuisine, des formations de trading, des voyages, etc.

La promesse est simple : n’importe qui peut générer des revenus rapidement et facilement depuis son smartphone. Définir où se situe la limite légale entre le marketing multiniveaux et le système pyramidal se révèle plus compliqué.

Définitions

Il convient de différencier la vente directe du marketing multiniveaux ou marketing de réseaux et la vente pyramidale.

La vente directe implique que le vendeur vende des biens et services à des clients par le biais de démonstrations, représentations à domicile ou encore en ligne. Elle se distingue donc du commerce de détail par l’environnement dans lequel les produits sont vendus (hors d’un magasin) et par le cercle des clients visés. Souvent, il s’agit de petits groupes de personnes (famille, collègues de travail, amis, etc.).[3] La vente directe n’implique pas forcément le recrutement de nouveaux vendeurs.

Le marketing multiniveaux (ci-après MLM) correspond à une structure de vente de produits ou services dans laquelle les vendeurs, également appelés ambassadeurs, perçoivent des commissions sur la vente desdits produits ou services et sur celles des personnes qu’ils doivent recruter et parrainer[4]. Ce type de commerce est davantage basé sur le relationnel et la recherche de nouveaux membres à former et soutenir pour obtenir une commission sur leurs ventes.[5] Ceux-ci doivent parfois acquérir un kit de démarrage afin d’entamer la commercialisation.

La vente dite pyramidale[6] ou à la boule de neige repose principalement sur une structure dans laquelle une ou plusieurs personnes se situent au sommet et sont rémunérées par les nouveaux membres qui sont recrutés et qui doivent payer une somme importante pour entrer dans le réseau.  Elle est quant à elle illégale dans de nombreux pays car elle est considérée comme une escroquerie et comme une variante de la Pyramide de Ponzi rendue célèbre par Bernard Madoff. Ses caractéristiques sont notamment le recrutement de nouveaux membres, un enrichissement garanti et une obligation de paiement pour entrer dans la structure. Parfois, il n’existe même pas de produits commercialisés ou ces derniers occupent une place accessoire dans la construction.

La différence entre les deux systèmes peut souvent être fine et opaque. En effet, les entreprises de ventes multiniveaux se défendent en invoquant le fait qu’elles ont pour principal but de vendre un produit ou un service. Toutefois, l’origine de la rémunération des vendeurs peut être floue, à savoir s’il s’agit principalement des ventes du produit ou de commissions pour le recrutement de nouveaux membres.[7]

Exemple d’illustration : M. X se fait approcher par M. Y sur Instagram, qui publie de nombreuses photos de ses entrainements sportifs. Ce dernier propose à M. X de devenir aussi musclé que lui grâce à un complément alimentaire miracle et, en sus, de gagner de l’argent facilement. Pour pouvoir en bénéficier, M. X doit acheter à M. Y le kit de départ pour un montant de CHF 1’000.00. Afin de rentabiliser sa mise de départ, il sollicite ses 2 meilleurs amis M. A et M. B et leur énonce le même discours que M. Y. Le schéma en pyramide peut ainsi se poursuivre.

Historique

Le marketing de réseaux est né aux Etats-Unis par la création de la société California Perfume Company en 1886 par David H. McConnell.  Pour vendre ses produits, des parfums au début, il sollicitait des femmes au foyer qui étaient rémunérées sur les ventes réalisées. Il s’agit du premier MLM connu de l’histoire. Cette société deviendra plus tard Avon Products Inc, aujourd’hui cotée à la bourse de New York, réalisant plus de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires.[8]

Par la suite, plusieurs entreprises ont repris ce système pour se développer. Par exemple, la société américaine Tupperware, également très populaire en Europe, est basée sur un système de vente pyramidale. Néanmoins, ce terme qualifie le fait que les vendeurs sont formés par des personnes qui les ont recrutées. Les vendeurs sont rétribués uniquement par des commissions sur les ventes mais pas pour le recrutement de nouveau vendeurs. De plus, les produits proposés ont, dans ce modèle d’affaires, une place prépondérante.[9]

Par ailleurs, la société américaine Herbalife, active dans le commerce de produits nutritionnels et compléments alimentaires, a été condamnée à maintes reprises et dans plusieurs pays pour des chefs de ventes pyramidales. En effet, il a été prouvé que la majorité de son chiffre d’affaires correspond aux fonds obtenus lors du recrutement de nouveaux vendeurs. La part de chiffre d’affaires correspondant aux ventes des produits était moindre. Il a également été reproché à la compagnie de garantir des rémunérations à des vendeurs sans pour autant leur verser le moindre centime.[10]

A ce jour, il est difficile de trouver des chiffres probants et sur le nombre de personnes impliquées et sur  les revenus que le marketing multiniveau génère en Suisse et même en Europe. Aux Etats-Unis en 2021, l’industrie du MLM, qui est la plus importante du monde, a enregistré des ventes pour la somme record de 42.7 milliards de dollars. Elle compte 7.3 millions de vendeurs et 44.6 millions de consommateurs.[11] Les réseaux MLM qui génèrent le plus de revenus sont des entreprises actives dans le domaine du bien-être et de la santé. Herbalife est deuxième du classement avec un revenu de 5.8 milliards de dollars en 2021.

Le cadre légal

En Europe, la Cour de justice européenne a établi trois conditions cumulatives[12] pour qualifier une structure pyramidale. La première condition est que les personnes recrutées reçoivent une promesse de profit. La seconde est que ce profit dépende du recrutement de nouveaux collaborateurs. La troisième est que le profit ne soit pas forcément financé par une activité opérationnelle réelle (existence réelle d’un produit ou d’un service).

En Suisse, l’article 3 alinéa 1 lettre r de la Loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD)[13] « Méthodes déloyales de publicité et de vente et autres comportements illicites » dispose : Agit de façon déloyale celui qui, notamment: subordonne la livraison de marchandises, la distribution de primes ou l’octroi d’autres prestations à des conditions dont l’avantage pour l’acquéreur dépend principalement du recrutement d’autres personnes plutôt que de la vente ou de l’utilisation de marchandises ou de prestations (système de la boule de neige, de l’avalanche ou de la pyramide);

Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) met en garde les Suisses contre la vente à paliers multiples, notamment contre le risque de pertes financières pour les vendeurs recrutés. En effet, il arrive souvent que ces vendeurs ne parviennent pas à écouler leur marchandise, déjà payée par leurs soins, à cause d’un marché saturé.[14]

Une décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 19 janvier 2021 (BStGer BG.2020.44) concernant un conflit de for juridique mentionne que le SECO a déposé des plaintes avec demande de condamnation pour une infraction à l’art. 3 al. 1 let. b et r de la LCD. Selon le SECO, une certaine société américaine se trouvait être une structure pyramidale active dans le domaine de la formation en trading de cryptomonnaies dans plusieurs pays et notamment en Suisse. Populaire auprès des jeunes, cette société se qualifiait toutefois elle-même de MLM. L’adhésion à cette société ne pouvait être effectuée que par l’intermédiaire de membres existants et moyennant des frais d’adhésion. Si le nouveau recruté enrôlait à son tour de nouveaux membres, il n’avait pas à payer les frais mensuels d’adhésion. Les revenus des membres se basaient sur le recrutement de nouveaux vendeurs. Les plaintes visaient des personnes impliquées dans cette société. Celles-ci avaient notamment organisé un évènement afin d’attirer des participants. Ces derniers devaient payer un droit d’entrée de CHF 10.00 afin de prendre part à cette « révolution financière ».

La FINMA a été interrogée et a indiqué que les activités commerciales de la société ne nécessitaient aucune autorisation ni surveillance prudentielle de sa part. Finalement, le Ministère public cantonal compétent a émis une ordonnance pénale à l’encontre de l’une des personnes impliquées pour une infraction à l’art. 23 LCD en relation avec l’art. 3 al. 1 let. b et r. LCD.[15]

L’arrêt de la cour suprême du canton de Zurich UE150133[16] précise l’art. 3 al. 1 let. r LCD en indiquant qu’un système est déloyal si les recruteurs incitent les nouveaux participants à acquérir trop de produits à vendre sans parvenir à réaliser des profits (système de boule de neige). Le système est également déloyal lorsque les avantages patrimoniaux découlent principalement du recrutement de nouveaux membres. Dans ce cas, le produit commercialisé se trouve au second plan.

Conclusion et avis critique

Le marketing multiniveaux est un système de vente utilisé dans le monde entier depuis de nombreuses années. Néanmoins, la proximité toujours plus intense entre les personnes découlant de l’avènement des réseaux sociaux permet aujourd’hui à tout un chacun de se lancer dans le MLM. Pour des personnes non sensibilisées à la problématique des systèmes pyramidaux, il existe de nombreux risques à se retrouver au cœur d’une arnaque.

Pour les personnes concernées, il convient de déterminer si le produit ou le service vendu est au cœur du modèle d’affaires, en s’assurant de sa qualité notamment. Par ailleurs, il faut se méfier lorsque le recruteur ou la société se permet de garantir un profit et s’il demande de payer une somme importante pour entrer ou pour acquérir les produits de démarrage.

Les entreprises et les vendeurs indépendants peuvent notamment être accusés de concurrence déloyale au sens de la LCD. Les personnes arnaquées peuvent quant à elle subir des pertes patrimoniales importantes si elles n’écoulent pas leur marchandise ou si le système s’effondre.

En tant qu’étudiante en Master en lutte contre la criminalité économique, je ne recommanderais pas le marketing multiniveau comme modèle d’affaires à des personnes souhaitant se lancer dans l’entreprenariat ou voulant compléter leurs revenus. En effet, ce type de structure manque souvent de transparence quant aux produits vendus en termes de qualité et de provenance. Ensuite, je pense que malgré l’essor des réseaux sociaux, il est difficile de vendre de tels produits et de recruter suffisamment de personnes pour rentabiliser ses investissements de départ.

En conclusion, le marketing multiniveau ne doit en aucun cas être considéré comme un moyen miracle de gagner de l’argent facilement. Les personnes réalisant réellement des profits sont rares, soit les personnes placées en hauteur dans la structure.


[1] PAULINE RUMPF. De Melius à JP Fanguin, les schémas pyramidaux en plein essor. 20 Minutes [en ligne]. Le 18 juin 2020. [Consulté le 5 mai 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.20min.ch/fr/story/de-melius-a-jp-fanguin-les-schemas-pyramidaux-en-plein-essor-775812680987

[2] MICHAEL SAHLI. Stefan Angehrn lebt von umstrittener Multilevel-Marketing-Firma – gegenüber Blick räumt er nun ein «90 Prozent der Teilnehmer verdienen nichts». Blick [en ligne]. Le 2 octobre 2022. [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.blick.ch/schweiz/stefan-angehrn-lebt-von-umstrittener-multilevel-marketing-firma-gegenueber-blick-raeumt-er-nun-ein-90-prozent-der-teilnehmer-verdienen-nichts-id17925694.html

[3] FÉDÉRATION DE LA VENTE DIRECTE. La vente directe. FVD [en ligne]. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.fvd.fr/la-vente-directe/

[4] BERTRAND BATHELOT. Marketing multi-niveaux. Définitions Marketing [en ligne]. [Consulté le 3 avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.definitions-marketing.com/definition/marketing-multi-niveaux/

[5] ALINE GÉRARD. Distinguer vente multiniveau et système pyramidal. Rebondir [en ligne]. Le 7 mars 2022. [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible sur le site PressReader.

[6] INSTITUT POUR L’ÉDUCATION FINANCIÈRE DU PUBLIC. Système de vente pyramidale. La finance pour tous [en ligne]. Le 22 janvier 2022. [Consulté le 5 mai 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/fonctionnement-du-marche/systeme-de-vente-pyramidale/

[7] CÉLINE DELBECQUE ET ALEXANDRA SAVIANA. Les arnaques du marketing multiniveau. L’Express (France) [en ligne]. Le 8 décembre 2022. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible sur le site PressReader.

[8] GILLES SIMON. Marketing de réseau : les origines. Gilles Simon [en ligne]. Le 8 juin 2015. [Consulté le 4 avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.gilles-simon.com/marketing-de-reseau-les-origines/

[9] KATE WATSON-SMYTH. Secret History Of: Tupperware. Independent [en ligne]. Le 8 octobre 2010. [Consulté le 3 avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.independent.co.uk/property/interiors/secret-history-of-tupperware-2100910.html

[10] LE JOURNAL DE QUEBEC. Herbalife doit payer 200 millions $. Le Jours de Québec [en ligne]. Le 16 juillet 2016. [Consulté le 4 avril 2023]. Disponible sur le site PressReader.

[11] AMEEN AHSAN. MLM companies in USA for 2023: An elementary analysis. Epixel Solutions [en ligne]. [Consulté le 5 mai 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.epixelmlmsoftware.com/blog/top-mlm-companies-in-usa

[12] STÉPHANIE ZEIDENBERG. Précisions sur la notion de promotion pyramidale. Journal d’actualité des droits européens [en ligne]. Le 3 juin 2014. [Consulté le 5 avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://revue-jade.eu/article/view/573

[13] Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD ; RS 241)

[14] PORTAIL PME. Vente à paliers multiples : les risques. Confédération suisse [en ligne]. [Consulté le 5 avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.kmu.admin.ch/kmu/fr/home/savoir-pratique/creation-pme/creation-entreprise/premiers-pas/idee-commerciale/vente-paliers-multiples.html

[15] Tribunal pénal fédéral, BStGer BG.2020.44 du 19 janvier 2021. [Consulté le 4 avril 2023]. Disponible en ligne dans la base de données du Tribunal pénal fédéral.

[16] Obergericht des Kantons Zürich, UE150133 du 11 novembre 2015. [Consulté le 4 avril 2023]. Disponible en ligne dans la base de données des tribunaux zurichois (Gerichte Zürich).

Petites annonces sur Internet, trop beau pour être vrai ?

mardi 04 Juil 2023

Par Sophie Grandjean, étudiante du MAS LCE

Mots clés : petites annonces ; classified ads ; arnaque ; scam ; fraud

Introduction

Assise sur mon canapé, confortablement installée, je me décide à publier une annonce pour vendre ma voiture. Soucieuse de l’écologie, je préfère m’en séparer. Publier une annonce sur Internet, c’est facile, gratuit, rapide. Alors pourquoi passer par un garagiste qui prendra une commission ?

Cette facilité d’utilisation, attirante pour les utilisateurs honnêtes des sites de petites annonces, l’est tout autant pour des personnes malintentionnées. Cachées derrière un pseudonyme, se trouvant dans un lieu inconnu, ces dernières vont utiliser divers stratagèmes pour mettre en confiance leurs victimes et les persuader de remettre de l’argent ou un bien. Elles peuvent se montrer très patientes[1], [2], [3], [4].

Les arnaques dans le domaine des petites annonces font partie des cyber-délits les plus fréquemment signalés à la police[5]. Le présent article a pour but de déterminer le profil des victimes et d’exposer les différents stratagèmes dont se servent les fraudeurs. Il a également pour vocation de sensibiliser les utilisateurs des plateformes de vente en ligne aux comportements à adopter et d’indiquer quoi faire lorsqu’on est victime.

Qui se fait avoir et pourquoi ?

Si les sites de petites annonces prennent bien des mesures pour détecter les fraudes, comme le fait de devoir fournir un numéro de téléphone pour ouvrir un compte, et s’ils suppriment les faux comptes et les fausses annonces, ils sont souvent tributaires des dénonciations des utilisateurs. Ces derniers, souvent peu conscients des techniques utilisées par les fraudeurs, ont du mal à reconnaître les arnaques, et donc à les dénoncer[6], [7].

Les fraudeurs exploitent chez leurs victimes potentielles les difficultés financières, la cupidité, le désir d’acquérir un bien à un bon prix, la peur de passer à côté d’une bonne affaire. Ils jouent sur la naïveté et l’ignorance pour les mettre en confiance et les induire en erreur. La personne âgée se trouvant dans une situation financière précaire, désirant vendre rapidement un bien et manquant de vigilance est un bon exemple de victime toute désignée. Une fois la relation de confiance établie, les fraudeurs vont parfois utiliser la stratégie du « doigt dans l’engrenage » (foot-in-the-door technique – consistant à demander d’abord de petites sommes d’argent, puis à demander des sommes plus importantes), en prétextant par exemple des frais de transport ou de douane, poussant les victimes à verser plusieurs sommes d’argent[8], [9].

Le but est financier : soutirer de l’argent directement, se servir des coordonnées bancaires pour procéder à des achats ou utiliser les données personnelles pour ouvrir des faux comptes sur les sites de petites annonces et commettre d’autres fraudes[10], [11].

A quoi faut-il veiller ?

En cas de vente d’un bien

Pour ma part, j’ai choisi le site autoscout24.ch. Il s’agit d’une référence en matière d’achat/vente de véhicules. Peu de temps après la publication de mon annonce, je reçois un courriel d’une personne intéressée :

« La Voiture me convient parfaitement et donc je suis prêt à l’acheter mais compte tenu de ma situation (Français à l’étranger pour des raisons professionnelles) je vous propose comme mode de paiement un virement bancaire. Pour le retrait de la voiture ne vous faites aucun souci, une fois que vous aurez encaissé le prix sur votre compte bancaire, mon transitaire se rendra à votre adresse pour la récupérer avec tous les papiers. »

Ce message semble prometteur. Pourtant, y donner suite serait une mauvaise idée.

Quand on souhaite vendre un bien, il arrive – comme dans mon cas – que le vendeur reçoive rapidement une réponse d’un intéressé. Si ce dernier a envoyé un message via une application de messagerie pour téléphone portable ou un courriel, au lieu de se servir du service de messagerie de la plateforme de petites annonces, il faut déjà commencer à se méfier. Les arnaqueurs invitent souvent leurs victimes à communiquer hors du site de petites annonces pour échapper à une éventuelle surveillance dudit site Internet[12], [13], [14].

Lorsque le prétendu acheteur dit ne pas pouvoir se déplacer et vouloir passer par un transporteur, il souhaite en réalité inviter le vendeur sur un site Internet frauduleux ou sur le site Internet d’une entreprise de transport réelle mais ayant été piraté, pour que celui-ci fournisse ses données personnelles (adresse postale, adresse e-mail, numéro de téléphone, numéro de carte bancaire, notamment). Ainsi, il pourra subtiliser lesdites données pour commettre d’autres fraudes, par exemple. Il arrive qu’il prie le vendeur d’avancer les frais de livraison (voir à ce sujet la vidéo de prévention de la Prévention suisse de la criminalité : https://www.youtube.com/watch?v=C5IEJSJHhHg). Cependant, comme précité, derrière le site Internet de la prétendue entreprise de livraison se cache le fraudeur. Par conséquent, lorsque le vendeur paie pour des frais de livraison, le fraudeur encaisse la somme. Et, bien entendu, il ne remboursera jamais celle-ci. Dès lors, il vaut mieux couper court à l’échange avec le prétendu acheteur lorsque de telles demandes sont formulées[15], [16], [17], [18].

Il arrive que le faux acheteur prétende avoir versé le montant dû et qu’il présente une (fausse) preuve de paiement, incitant ainsi le vendeur à expédier la marchandise. Avec les outils informatiques actuels, il est aisé de créer des faux documents. Plus malicieux encore, il déclare avoir commis une erreur et avoir versé trop d’argent. Il demande alors au vendeur de lui rembourser la différence. Le premier versement n’a en réalité jamais été effectué et le vendeur est doublement lésé : il n’a plus son bien et il a perdu de l’argent. Il faut dès lors ne pas faire confiance à des preuves de paiements fournies par l’acheteur, mais vérifier soi-même si l’argent a bien été versé, même si cela peut prendre quelques jours. Le fraudeur pourra tenter de mettre la pression sur le vendeur pour le pousser à expédier la marchandise, mais mieux vaut prendre des précautions plutôt que de se dessaisir d’un bien sans être sûr d’avoir été payé[19], [20], [21].

Le vendeur doit également éviter d’indiquer dans l’annonce ou dans la communication avec le (prétendu) acheteur, l’adresse où se trouve le bien. Le risque de cambriolage ne doit en effet pas être négligé[22]

En cas d’achat d’un bien

Celui qui souhaite acquérir un bien doit aussi faire preuve de prudence. Il peut arriver que la marchandise prétendument à vendre n’existe pas et que le faux vendeur se serve de photographies prises sur des sites de vente. En cas de doute, il vaut mieux demander de nouvelles images. Si le vendeur se trouve dans l’impossibilité de les fournir, il faut renoncer à l’achat [23], [24]

Il faut se méfier des personnes demandant un versement via un service de transfert d’argent (Western Union ou Paypal, par exemple), ou qui demandent à être payées par cartes ITunes, Google Play ou Paysafecard. Si le vendeur se trouve en Suisse comme il le prétend, pourquoi utiliser un service permettant de transférer des fonds à l’étranger ? En outre, l’acheteur pourrait recevoir un courriel avec un lien le dirigeant prétendument vers le site de Paypal, puis se faire soutirer ses données personnelles. Il vaut mieux préférer un virement bancaire. Si l’argent doit être versé sur un compte bancaire dont le détenteur n’est pas le vendeur, il faut demander des explications, voire renoncer à l’achat[25], [26], [27]

A quoi faut-il veiller dans tous les cas ?

Si l’offre semble trop belle pour être vraie, si le prix demandé pour le produit est étonnamment bas, ou si le faux acheteur propose une somme supérieure au prix figurant dans l’annonce, il est préférable de ne pas conclure l’affaire. Dans le premier cas, demander une preuve d’achat peut être une bonne idée, mais ladite preuve peut être falsifiée aisément[28], [29].

Auparavant, certains messages pouvaient être détectés facilement comme étant frauduleux, par leurs fautes d’orthographe ou leur mise en page étrange. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle permet aux personnes malintentionnées de rédiger des textes parfaits. Dès lors, il vaut mieux se référer aux exemples précités pour détecter une fraude et ne pas se fier à la qualité du texte[30].

Chercher des informations sur l’acheteur ou le vendeur sur Internet paraît une bonne idée, mails il faut savoir que ces personnes malintentionnées créent de faux profils sur les réseaux sociaux, avec photographies, listes d’amis, etc. De telle sorte, elles paraissent bien réelles[31].

Selon la police vaudoise (citée par LE BEC[32], les arnaques ont désormais lieu plutôt sur le « Marketplace » de Facebook que sur le site de petites annonces Anibis. Les mécanismes de contrôle de cette plateforme et, à l’inverse, le manque de contrôle sur le réseau social, ont en effet rendu « Marketplace » plus attractif.

Dans tous les cas, il faut communiquer seulement les données personnelles nécessaires et ne jamais fournir une copie de sa pièce d’identité. En cas de doute, il vaut mieux contacter l’administrateur du site Internet et/ou signaler l’annonce au Centre national pour la cybersécurité (https://www.report.ncsc.admin.ch/fr/)[33], [34], [35]

Que faire si je suis victime d’une arnaque ?

En cas de perte financière, il faut porter plainte auprès des autorités cantonales de poursuite pénale et informer les administrateurs du site Internet. Ces derniers pourront bloquer ou supprimer les faux profils et supprimer les fausses offres. Si une copie de la pièce d’identité a été fournie, il est recommandé de signaler l’incident au service des documents d’identité de sa commune[36].

En outre, il est conseillé de changer le mot de passe utilisé sur le site de petites annonces et d’informer sa banque[37].

Bonne nouvelle (tout de même)

Selon une idée largement répandue, le fait de fournir son nom, son adresse, son numéro de téléphone, une copie de la pièce d’identité et son numéro IBAN augmente le risque de voir son compte e-banking piraté. D’après le Centre national pour la cybersécurité (NCSC), cette idée est fausse[38].

Conclusion

Selon ROSSY & BORISOVA[39], « la rencontre, virtualisée, évite les contacts physiques, sources potentielles de risques, rend les déplacements inutiles, ce qui limite les efforts, s’abstrait de limites spatiales devenues redimensionnables, car virtuelles, et étend ainsi le nombre d’opportunités et les gains potentiels ». Mais cette facilité ne devrait pas endormir notre vigilance. En cas de doute, il vaut mieux renoncer à la vente ou à l’achat.

Il est surprenant que les sites de petites annonces ne fassent pas davantage de prévention auprès de leurs utilisateurs. Un message d’information lors de la publication d’une annonce, ou un avertissement sur la page d’accueil du site Internet serait sans doute judicieux. Mais peut-être qu’avec ce type de messages, ces sites seraient moins attractifs, et donc moins rentables. De quoi se demander si le manque de prévention n’est pas délibéré.

Dans ma situation, tout s’est bien terminé. J’ai été contactée par une personne sérieuse, se trouvant dans le canton voisin. Elle s’est déplacée pour voir le véhicule et pour l’essayer. Et nous avons pu conclure l’affaire. J’ai préféré le virement bancaire au paiement en mains propres, car comment aurais-je pu être sûre que les billets de banque étaient authentiques ?


[1] AL-ROUSAN, Suhaib, ABUHUSSEIN, Abdullah, ALSUBAEI, Faisal, COLLEN, Lynn, SHIVA, Sajjan, « Ads-guard: Detecting scammers in online classified ads », in 2020 IEEE Symposium Series on Computational Intelligence (SSCI) At: Canberra, Australia, 2020.

[2] ROSSY, Quentin, BORISOVA, Betina, « Escroqueries par Internet », in Fortin Francis (eds.), Cybercrimes et enjeux technologiques. Contexte et perspectives, Presses internationales Polytechnique, chap. 11, 2020, pp. 189-212.

[3] STENGER, Thomas, GARCIA-BARDIDIA, Renaud, BAILLY, Adrien, « The rules of trust between individuals: An ethnography of transactions on Leboncoin.fr », in Recherche et Applications en Marketing, Vol. 37(4), 2022, pp. 50–67.

[4] HOREL, Tangui, « Vente en ligne : comment reconnaître les arnaques ? », RTBF, 03.11.2020, https://www.rtbf.be/article/vente-en-ligne-comment-reconnaitre-les-arnaques-10621574 (consulté le 17.03.2023).

[5] Centre national pour la cybersécurité (NCSC), « Fraude aux petites annonces », 2021, https://www.ncsc.admin.ch/ncsc/fr/home/cyberbedrohungen/kleinanzeigen.html (consulté le 08.04.2023).

[6] Réf. 1.

[7] ALZGHOUL, Jamil R., ABDALLAH, Emad E., AL-KHAWALDEH, Abdel-hafiz S., « Fraud in Online Classified Ads: Strategies, Risks, and Detection Methods: A Survey », in Journal of Applied Security Research, 2022.

[8] BRAUCHER, Jean, ORBACH, Bark, « Scamming: The misunderstood confidence man ». In Yale Journal of Law and the Humanities, Vol. 27:2, 2015, pp. 249-292.

[9] Réf. 2.

[10] Centre national pour la cybersécurité (NCSC), « Mythe d’Internet : les cybercriminels peuvent pirater mon compte e-banking s’ils connaissent mon IBAN et mon adresse et disposent d’une copie de ma carte d’identité », 2023, https://www.ncsc.admin.ch/ncsc/fr/home/aktuell/im-fokus/2023/mythos-iban.html (consulté le 05.04.2023).

[11] Réf. 2.

[12] LOUIS, François, « Market place, Vinted, 2emain… De faux acheteurs veulent vider votre compte bancaire », RTBF, 20.01.2022, https://www.rtbf.be/article/market-place-vinted-2ememain-de-faux-acheteurs-veulent-vider-votre-compte-bancaire-10918788 (consulté le 02.04.2023).

[13] Police cantonale bernoise, « Escroquerie sur les plateformes de petites annonces (escroquerie à la commande) », https://www.cyber.police.be.ch/fr/start/aktuelle-phaenomene/bestellbetrug.html (consulté le 02.04.2023).

[14] Réf. 2.

[15] DHL, « Sensibilisation à la fraude », 2020, https://www.dhl.com/ch-fr/home/bas-de-page/sensibilisation-a-la-fraude.html (consulté le 07.04.2023).

[16] LE BEC, Erwan, « Comment les escrocs du Net essaient de vous avoir », 24heures.ch, 03.02.2023, https://www.24heures.ch/comment-les-escrocs-du-net-essaient-de-vous-avoir-608563392025 (consulté le 02.04.2023).

[17] Réf. 12.

[18] Prévention suisse de la criminalité (SKPPSC), « Escroquerie sur les places de marché en ligne », https://www.skppsc.ch/fr/sujets/internet/escroqueries-sur-les-places-de-marche-en-ligne/ (consulté le 05.04.2023).

[19] AutoScout24, « Conseils de sécurité d’AutoScout24 – Protégez-vous contre la fraude », 2022, https://guide.autoscout24.ch/fr/achat-d-une-voiture/conseils-de-securite/ (consulté le 17.03.2023).

[20] Réf. 18.

[21] Réf. 2.

[22] Police cantonale vaudoise, « Escroqueries aux petites annonces », https://votrepolice.ch/cybercriminalite/petites-annonces/ (consulté le 02.04.2023).

[23] Réf. 2.

[24] Réf. 4.

[25] Réf. 16.

[26] Réf. 13.

[27] Réf. 22.

[28] Réf. 19.

[29] Réf. 18.

[30] WASSMER, Pascal, « Les arnaques en ligne toujours plus crédibles grâce à l’intelligence artificielle », RTS Info, 27.03.2023, https://www.rts.ch/info/sciences-tech/13895482-les-arnaques-en-ligne-toujours-plus-credibles-grace-a-lintelligence-artificielle.html (consulté le 28.05.2023).

[31] Réf. 16.

[32] Réf. 16.

[33] Réf. 19.

[34] Réf. 12.

[35] Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) / Bureau fédéral de la consommation (BFC),« Données personnelles », Guide des achats en ligne, https://www.e-commerce-guide.admin.ch/ecommerce/fr/home/kauf/persdaten.html (consulté le 07.04.2023).

[36] Réf 5.

[37] Réf. 18.

[38] Réf 10.

[39] Réf. 2.

Manipulations de compétitions sportives : une coopération internationale impossible ?

mardi 20 Juin 2023

Par un étudiant du MAS LCE

Mots clés : match-fixing ; coopération internationale ; paris sportifs ; Convention de Macolin

Introduction

Le dernier rapport publié par les Nations Unies en 2021 estimait à quelque 1700 milliards de dollars par année le marché des paris sportifs illégaux[1]. Conscients depuis bien longtemps de l’ampleur du phénomène, les États membres du Conseil de l’Europe ainsi que les autres signataires se sont réunis dès 2014 à Macolin afin de dessiner les contours de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives. Cette Convention[2], entrée en vigueur le 1er septembre 2019, s’inscrit dans une volonté de combattre la manipulation de compétitions sportives en protégeant l’intégrité du sport et l’éthique sportive, dans le respect de l’autonomie du sport. Ce traité offre ainsi une base légale internationale pour prévenir, détecter et sanctionner les manipulations dans le sport, ainsi que fournir un outil législatif en matière de coopération entre les entités impliquées. Le présent travail va dans un premier temps s’intéresser à la définition du phénomène, mais aussi à l’impact induit par ce traité sur les investigations et les divers protagonistes jouant un rôle dans la répression. La question traitée dans cet article sera d’évaluer si ces efforts suffisent à répondre de manière adéquate à la lutte ou si la coopération des acteurs impliqués serait illusoire ? Le dernier cas échéant, de nouvelles approches seront abordées pour tenter de répondre au mieux à cette problématique.

Définition du phénomène

Le Rapport explicatif de la Convention explique bien que le terme « manipulation de compétitions sportives » englobe plusieurs comportements, tels que le dopage ou l’arrangement de matchs. Cependant, le choix s’est porté sur l’utilisation du terme générique de « manipulation de compétitions sportives » pour désigner le dernier comportement cité[3]. Ainsi, l’article 3 chiffre 4 de la Convention propose la définition suivante pour la « manipulation de compétitions sportives » :

              « Désigne un arrangement, un acte ou une omission intentionnels visant à une modification irrégulière du résultat ou du déroulement d’une compétition sportive afin de supprimer tout ou partie du caractère imprévisible de cette compétition, en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou autrui »

En parallèle, la littérature différencie les cas de matchs truqués pour des motifs sportifs ou pour l’appât du gain. Dans la première catégorie, les corrupteurs se focalisent sur le résultat final d’une rencontre afin d’obtenir un avantage purement sportif. Dans le second cas, les auteurs visent uniquement à maximiser les gains issus des paris sportifs. Même si elle est attestée depuis longtemps, cette seconde catégorie a connu un essor considérable depuis une vingtaine d’années. Ceci s’explique essentiellement par la modification de l’offre des paris sportifs, qui permet aujourd’hui aux parieurs de faire du live betting, soit miser de l’argent sur des faits de matchs en direct (p. ex. nombre de cartons jaunes), alors qu’auparavant l’offre se limitait au dénouement de la rencontre. Cette innovation a ouvert une brèche pour les groupes criminels, les personnes corrompues ayant moins de scrupule à influencer des aspects anecdotiques du déroulement d’une partie. Cette forme de manipulation est celle qui retient particulièrement l’attention des différents acteurs face aux divers scandales survenus ces dernières années. En septembre 2013 par exemple, Eng Tan Seet à la tête d’une des Triades de Singapour ainsi que treize autres personnes étaient arrêtés. Ils étaient suspectés d’avoir truqué environ 500 matchs de football durant les dix dernières années, avec un chiffre d’affaires estimé à 90 milliards de dollars. L’enquête avait par ailleurs mis en lumière des liens très étroits entre les Triades de Singapour et des groupes d’Europe de l’Est et des Balkans pour mener à bien leur activité illicite[4]. Ce dramatique événement a pu dévoiler le caractère transnational du milieu des matchs truqués et a mis en exergue le besoin d’une collaboration efficace.

Impacts du traité sur les acteurs

Comme expliqué par Serby (2015), trois acteurs majeurs se démarquent du traité de Macolin et sont essentiels dans la lutte contre ce phénomène. Il s’agit des pouvoirs publics, des instances sportives ainsi que des opérateurs[5]. Concernant les pouvoirs publics, la ratification de la Convention implique une modification des bases légales pénales pour incriminer ce comportement déviant. En Suisse, cela s’est traduit par l’adoption de l’art. 25a de la Loi sur l’encouragement du sport[6]. Outre l’aspect répréhensible, les pays signataires ont dû se doter d’une plateforme nationale qui assure l’échange d’informations entre partenaires privés et publics, ainsi que nationaux et internationaux. Cette entité, nommée GESPA pour la Confédération suisse, constitue le point de signalements de tout soupçon de manipulation sportive en Suisse en vertu de l’art. 110 de l’Ordonnance sur les jeux d’argent[7]. Elle est l’entité principale qui coordonne l’échange d’informations au niveau national et international. Afin de compléter son appareil opérationnel, le Conseil de l’Europe a mis en place en 2016 un groupe consultatif de la Convention de Macolin, nommé Groupe de Copenhague. Il permet aux représentants des États signataires de se réunir et d’échanger sur l’aspect opérationnel ainsi que sur la détection de manipulations sportives[8].

S’agissant des opérateurs de paris sportifs, ceux-ci ont très rapidement identifié le risque que généraient les matchs truqués pour leur activité économique. En effet, au-delà du risque à court terme des pertes directes auxquelles ils peuvent faire face lors d’un événement sportif manipulé, l’impact à long terme sur la confiance des consommateurs vis-à-vis des plateformes ne doit pas être négligé. Ainsi, ces entités privées n’ont pas attendu la Convention de Macolin pour mettre en place des méthodes de détection de matchs truqués et initier la collaboration avec les organisations sportives[9]. De plus, afin de minimiser les risques, elles ont développé des systèmes de surveillance qui permettent d’analyser l’évolution des cotes dans le temps.  De cette manière, ces systèmes peuvent générer des alertes lorsqu’une suspicion de manipulation est détectée[10].

Finalement, les organisations sportives ont elles aussi rapidement pris conscience des répercussions que pouvaient avoir les matchs truqués sur leur réputation. Elles se sont alors dotées d’unités consacrées à l’intégrité dans le sport. Historiquement, les organisations sportives ont toujours vu d’un mauvais œil l’idée que les autorités publiques s’immiscent dans leur activité et se sont montrées peu enclines à collaborer. On a régulièrement recouru au caractère unificateur du sport pour justifier une autonomie, comme si une lex sportiva se suffisait à elle-même[11]. Outre les unités dédiées à l’intégrité dans le sport, diverses organisations sportives ont signé des partenariats avec des entreprises privées, telles que Sportradarqui collabore depuis 2005 avec l’UEFA et qui permet de mettre en place des détections de suspicions de matchs truqués basées essentiellement sur la variation des cotes[12].

Une coopération sans faille ?

Le caractère transnational des matchs truqués présenté précédemment démontre clairement la complexité du phénomène ainsi que la nécessité d’une coopération fonctionnelle pour pouvoir répondre au mieux à ces activités illégales. Certaines affaires ont pu mettre en lumière l’importance et la réussite de la coopération entre les entités. C’est le cas par exemple d’une affaire de matchs truqués dans le tennis qui concernait quelque 300 affrontements et qui s’était finalisée par l’arrestation de treize personnes impliquées dans le crime organisé, dont Grigor Sargsyan qui était à la tête d’un réseau international de 181 joueurs. Ce dossier avait pu être constitué grâce à la coopération entre les autorités belges, allemandes, slovaques bulgares, françaises et encore américaines qui avait été maintenue par la plateforme nationale belge[13].

Malgré cet exemple montrant l’intérêt de l’entraide, certains doutes quant à l’efficacité de cette coopération demeurent sur le long terme. Tout d’abord, certains policiers avouent être parfois méfiants à l’idée de collaborer avec les organisations sportives par crainte de tomber dans une spirale de corruption. Ceci impacte grandement la collaboration entre les entités, et donc le partage d’informations. Par conséquent, les interactions entre entités publiques et privées restent parfois limitées[14]. Cette confiance pourrait être améliorée en organisant régulièrement des conférences durant lesquelles toutes les entités représentées auraient l’occasion de se rencontrer et d’échanger.

En outre, bien que les autorités publiques se munissent de plus en plus d’unités ayant des compétences spécifiques dans le domaine du sport, cette thématique demeure loin d’être une priorité pour ces entités[15]. Ce manque de ressource allouée par les organes étatiques dans la répression pourrait être un facteur limitant dans la constitution d’un dossier pénal. Les polices pourraient très rapidement se trouver submergées par les demandes et se verraient dans l’incapacité de répondre aux requêtes des partenaires. Ainsi, les mesures légales et techniques des autorités de poursuite qui offrent une latitude plus large que celles des entités privées, risqueraient de faire défaut à certains dossiers.

Finalement, le dernier facteur ayant une incidence sur la coopération réside dans le but poursuivi par les diverses entités. Comme expliqué précédemment, les organisations sportives et les opérateurs de paris sportifs ont connaissance de la menace que font planer les matchs truqués sur les activités économiques. C’est pour cela que des mesures ont été prises depuis longtemps pour détecter les potentiels matchs truqués. Néanmoins, que se passerait-il dans le cas d’un scandale qui pourrait entacher grandement l’image et/ou l’activité économique de ces entités ? Le risque serait que ces acteurs privés privilégient leur activité et renoncent à pleinement collaborer avec les organes publics pour éviter de trop grandes répercussions.

L’évaluation de cette coopération entre les entités n’est clairement pas une tâche aisée à effectuer. Néanmoins, en 2019, l’UEFA avouait à demi-mot l’échec de la lutte et émettait un appel à l’aide pour trouver des partenaires. De l’aveu du président de l’UEFA, l’organisation a reconnu qu’individuellement et collectivement, des efforts supplémentaires devaient être produits pour remédier à ce problème[16]. En outre, le dernier rapport annuel de Sportradar évoque que leur logiciel de détection a généré 1’212 alertes de suspicion de manipulation en 2022, soit une augmentation de 34 % par rapport à l’année précédente déjà record[17]. Bien que ce nombre soit considérable, il est nécessaire de prendre en considération divers facteurs qui peuvent l’influencer (nombre de matchs monitorés, nombre de faux positifs, affinement des patterns de détection). Néanmoins, il semble clairement refléter une tendance vers la hausse et témoigne du travail conséquent qui reste à faire pour endiguer ce phénomène.

Vers un modèle plus centralisé ?

Face à ces limites concrètes qui pourraient porter atteinte à la collaboration, et par extension au travail de répression, divers auteurs suggèrent de créer un organisme spécifique qui veillerait à la « gouvernance » du sport international. Cette idée n’est pas nouvelle puisque dès le début des années 2000, cette approche avait déjà été envisagée[18]. A l’instar de ce qui a été mis en place contre le dopage avec la création de l’Agence mondiale antidopage en 1999, cette nouvelle entité permettrait d’harmoniser aux niveaux mondial et régional les standards de gouvernance et vérifierait leur application auprès des organisations sportives. Verschuuren (2021) propose ainsi la création d’une « maison de l’intégrité du sport » qui possèderait un champ d’action extrêmement large. Divers rôles lui incomberaient tels que l’administration du système d’alerte, la prévention auprès des sportifs et arbitres et l’harmonisation des critères de gouvernance[19]. Cette autorité semble offrir une opportunité de gommer les limites citées précédemment. En effet, le problème de ressource ne serait plus à l’ordre du jour avec une entité consacrée uniquement à ce domaine. Par ailleurs, tout l’aspect relatif aux conflits d’intérêts des acteurs privés n’aurait plus autant d’importance et permettait de former un cadre de travail serein.

Conclusion

Ce travail a permis d’avoir un aperçu du phénomène de manipulation de compétitions sportives et de l’aspect coopératif entre les protagonistes de sa répression. Des efforts considérables ont été mis en place ces dernières années afin d’améliorer la collaboration entre les entités privées et publiques, notamment grâce à la Convention de Macolin. Néanmoins, divers facteurs intrinsèques à chaque partenaire peuvent faire douter de la viabilité de cette approche de travail. Adopter un nouveau modèle plus centralisé permettrait de répondre aux limites soulevées, mais nécessiterait un travail profond de réorganisation. Quoiqu’il en soit, les éléments montrent qu’il reste beaucoup de travail pour améliorer cette coopération.

Bibliographie

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[1] « Illegal bets add up to 1.7 trillion dollars each year: new UN report | UN News », 09.12.2021, https://news.un.org/en/story/2021/12/1107472, consulté le 07.05.2023.

[2] Convention du 18 septembre 2014 du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives (Convention de Macolin; RS 0.415.4). 

[3] Conseil de l’Europe, « Rapport explicatif de la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives », Série des traités du Conseil de l’Europe, Macolin : Conseil de l’Europe, 2014.

[4] « Calcioscommesse, a Singapore 14 arresti », Calcio: ultime news – Gazzetta dello Sport, //www.gazzetta.it/Calcio/Speciali/Calcio_Infetto/18-09-2013/calcioscommesse-singapore-14-arresti-boss-dan-tan-201187400519.shtml, consulté le 08.05.2023.

[5] Serby Tom, « The Council of Europe Convention on Manipulation of Sports Competitions: the best bet for the global fight against match-fixing? », The International Sports Law Journal, vol. 15, no 1, 2015, p. 83‑100.

[6] Diaconu Madalina et Kuhn André, « Match-fixing, the Macolin Convention and Swiss Law: An Overview », 2019 ; Loi fédérale du 17 juin 2011 sur l’encouragement du sport et de l’activité physique (Loi sur l’encouragement du sport; LESp; RS 415.0) .

[7] Autorité intercantonale de surveillance des jeux d’argent « Fr – gespa », https://www.gespa.ch/fr, consulté le 08.05.2023 ; Ordonnance du 7 novembre 2018 sur les jeux d’argent (OJAr; RS 935.511).

[8] Vandercruysse Louis et al., « Macolin and beyond: legal and regulatory initiatives against match manipulation », The International Sports Law Journal, vol. 22, no 3, 2022, p. 241‑258 ; « Réseau des Plateformes nationales (Groupe de Copenhague) – Sport – publi.coe.int », Sport, https://www.coe.int/fr/web/sport/network-of-national-platforms-group-of-copenhagen-, consulté le 16.03.2023.

[9] Van Rompuy Ben, « The role of the betting industry », in Sweeney Gareth (dir.), Transparency International Global Corruption Report: Sport, New York : Routledge, 2016, p. 236‑241.

[10] Ibid.

[11] Caneppele Stefano, « Prévention, détection et dissuasion des fraudes et de la corruption dans le sport professionnel », in Nouveau traité de sécurité, 2019, p. 223‑231 ; Vidal Laurent, Protecting the Integrity of Sport Competition – The Last Bet for Modern Sport, 2014.

[12] Boniface Pascal et alii, Paris sportifs et corruption: comment préserver l’intégrité du sport, Colin, 2012, 162 p. ; Van Rompuy, « The role of the betting industry », art. cit. ; Tak Minhyeok et alii, « The politics of countermeasures against match-fixing in sport: A political sociology approach to policy instruments », International Review for the Sociology of Sport, vol. 53, no 1, SAGE Publications Ltd, 2018, p. 30‑48 ; Sportradar Integrity Services, « Betting corruption and match-fixing in 2022 », Rapport d’activité, 03.2023, p. 32.

[13] Diaconu et Kuhn, « Match-fixing, the Macolin Convention and Swiss Law: An Overview », art. cit. ; « Matches de tennis truqués : le procès prévu en Belgique reporté », RTBF, https://www.rtbf.be/article/matches-de-tennis-truques-le-proces-prevu-en-belgique-reporte-11169306, consulté le 08.05.2023.

[14] Van Rompuy, « The role of the betting industry », art. cit. ; Caneppele et al., « Those who counter match-fixing fraudsters », art. cit.

[15] Caneppele et alii, « Those who counter match-fixing fraudsters », art. cit.

[16] UEFA.com, « UEFA kicks off feasibility study regarding the fight against match-fixing in European football | Inside UEFA », UEFA.com, 18.10.2019, https://www.uefa.com/insideuefa/protecting-the-game/news/0256-0f8e7103ae5d-43c274de29d9-1000–uefa-kicks-off-feasibility-study-regarding-the-fight-against/, consulté le 19.03.2023.

[17] Sportradar Integrity Services, « Betting corruption and match-fixing in 2022 », doc. cit.

[18] Chappelet Jean-Loup, « Une commission d’éthique pour la gouvernance du mouvement olympique », Éthique publique. Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale, vol. 7, n° 2, Éditions Nota bene, 2005.

[19] Verschuuren Pim, « Les organisations sportives internationales doivent-elles déléguer la régulation de l’intégrité sportive ? », in Régulation du sport mondial, Lausanne : IDHEA, 2021, p. 262.

Journée mondiale des océans

jeudi 08 Juin 2023

Aujourd’hui, le 8 juin 2023, nous célébrons la Journée mondiale des océans (https://worldoceanday.org/about/). C’est l’occasion pour l’ILCE de sensibiliser le public à la problématique de la surpêche. Je vous invite donc à lire le court article de Hazel Bunning intitulé, « Combattre la corruption, c’est combattre le déclin de la biodiversité marine », dont un extrait se trouve ci-dessous.

La corruption dans le secteur de la pêche est répandue et complexe, et a des effets dévastateurs sur les communautés et l’environnement marin. La corruption dans l’industrie de la pêche peut prendre diverses formes, notamment les pots-de-vin, la délivrance illégale de licences de pêche, l’application laxiste de la loi, l’extorsion, la corruption politique et le favoritisme. Bien que l’on puisse fortement soupçonner l’existence de corruption, parfois les preuves manquent. La corruption dans la pêche est présumée contribuer à de nombreux autres crimes dans le domaine, associés à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (communément appelée la pêche INN). La corruption constitue une menace importante pour la gestion durable de la pêche dans le monde entier. La surpêche résulte à un déclin de la biodiversité, des écosystèmes marins en difficulté, et la difficulté financière pour les communautés côtières qui dépendent de la pêche.

La lutte contre la corruption dans le domaine de la pêche est essentielle pour garantir une gestion durable des pêches et la protection des écosystèmes marins. Cela nécessite des efforts concertés de la part des gouvernements, des entreprises, des organisations non gouvernementales et des communautés locales.

Blanchiment d’argent par abstention : condamnation possible ?

mardi 30 Mai 2023

Par Yasmine Gnädinger, étudiante du MAS LCE

Mots clés : blanchiment ; omission ; pression internationale

Introduction

Le blanchiment d’argent est principalement réprimé en Suisse par l’art. 305bis al. 1 du Code pénal suisse[1] (ci-après : « CP ») ainsi que par l’art. 305ter CP. Le présent article n’abordera pas les questions liées à l’art. 305ter CP dans la mesure où il s’agit d’un délit propre pur[2]. Ainsi et a contrario, selon le texte légal de l’art. 305bis CP, n’importe quel citoyen est susceptible d’enfreindre l’art. 305bis CP. La question qui se pose néanmoins est la suivante : Est-ce que réellement « n’importe qui » peut se rendre coupable de blanchiment d’argent par abstention ? C’est principalement ce qui sera analysé dans le présent article, étant précisé que nous aborderons la question en premier lieu sous l’angle du droit tel qu’il est en vigueur actuellement, puis sous l’angle de potentielles évolutions législatives.

L’acte de blanchiment

Rappelons en premier lieu que l’art. 305bis CP incrimine les actes propres à entraver l’identification de l’origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales issues d’un crime ou d’un délit fiscal qualifié. Constituent plus précisément des actes de blanchiment, les manœuvres visant à dissimuler le lien de provenance ou l’appartenance réelle des biens et qui sont, dès lors, propres à entraver le « tracing » et le séquestre des avoirs[3]. Peu importe que le résultat ait effectivement été atteint[4].

En ce qui concerne l’acte propre à entraver la confiscation, il se définit par rapport à l’art. 70 CP. Il s’agit d’un comportement susceptible d’entraver la mainmise des autorités pénales sur la valeur patrimoniale dans le but de la confiscation[5] ou, le cas échéant, de la restitution au lésé avant confiscation, sur la base de l’art. 70 al. 1 CP in fine.

Voici quelques exemples de blanchiment d’argent : le change d’argent[6] ; la dissimulation physique[7] ; la vente, l’achat, l’échange, le troc[8] ; le transfert à l’étranger[9] ; le virement de compte à compte[10]. Sur la base de ces exemples, on pourrait croire que seul celui qui adopte un comportement actif viole l’art. 305bis al. 1 CP. Ce n’est toutefois pas le cas.  

Le blanchiment par abstention

Le blanchiment peut être commis par omission, dès lors que les conditions de l’art. 11 CP ou 29 CP sont réunies.

Le blanchiment d’argent par abstention fondé sur l’art. 11 CP[11]

En vertu de l’art. 11 CP, une personne peut être condamnée pour blanchiment d’argent par abstention si elle reste inactive au mépris d’un devoir juridique spécial d’agir et que ce comportement ait pour conséquence le blanchiment d’argent.

C’est dans le domaine de l’intermédiation financière que les devoirs juridiques d’agir pour empêcher le blanchiment sont les plus nombreux et les plus détaillés, à commencer par ceux découlant de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier du 10 octobre 1997[12] (ci-après : « LBA »).

Selon le Tribunal fédéral[13], la punissabilité de l’abstention peut se fonder sur la violation, par un intermédiaire financier[14], des devoirs de diligence et de communication découlant de la LBA, en particulier le devoir de clarification (art. 6 LBA) et le devoir de communication (art. 9 LBA) et des dispositions de l’OBA-FINMA[15].

La doctrine admet que, selon la LBA, les intermédiaires financiers sont, dans une certaine mesure, tenus de collaborer à la lutte contre le blanchiment et, dans cette limite, ont une position de garant[16]. La position de garant de l’intermédiaire financier peut également être déduite des articles 3 et 10a LBA qui les placent expressément dans une situation juridique particulière[17].

Cela étant, une violation des devoirs incombant à l’intermédiaire financier n’est constitutive de blanchiment d’argent par abstention qu’à condition que le lien de causalité hypothétique entre l’omission contraire au devoir d’agir et le blanchiment d’argent au sens de
 l’art. 305bis CP soit établi.

Ainsi, si l’intermédiaire financier a le moindre doute et qu’il n’a pas procédé aux vérifications nécessaires et/ou s’il n’a pas avisé le MROS alors qu’il disposait de doutes quant à l’origine des fonds, il pourra, pour autant que les autres conditions soient remplies (notamment celles décrites aux point I et II ci-dessus), être condamné pour blanchiment d’argent par abstention au sens des articles 305bis CP et 11 CP.

Le blanchiment d’argent par abstention fondé sur l’art 11 CP ne vise toutefois pas uniquement les intermédiaires financiers. Les négociants[18] sont également soumis aux obligations de diligence et de communication en vertu de l’art. 8a LBA, lorsqu’ils reçoivent un montant égal ou supérieur à CHF 100’000.-. Ils sont dès lors, au même titre que les intermédiaires financiers, considérés comme des « garants » et peuvent, par conséquent, se rendre coupables de blanchiment d’argent par abstention, aux mêmes conditions que citées supra concernant l’intermédiaire financier[19].

Le blanchiment d’argent par abstention fondé sur l’art. 29 CP[20]

En vertu de l’art. 29 CP, lorsque l’intermédiaire financier est une personne morale, telle qu’une banque, l’infraction de blanchiment d’argent au sens de l’art. 305bis CP pourra être imputée à une ou plusieurs personnes rattachées à la personne morale en question en raison d’un lien particulier. Plus particulièrement, selon la forme juridique de la personne morale en question, l’infraction pourra être imputée à l’un de ses organes, à ses associés, à ses dirigeants effectifs, ou encore à ses collaborateurs dirigeants. Précisons à ce sujet que tout employé considéré comme un « cadre moyen » – ne faisant ainsi pas forcément partie du « dernier échelon » dans la hiérarchie de l’entreprise – peut être considéré, compte tenu de la taille de l’entreprise et de l’organisation et la répartition des tâches au sein de l’établissement, comme étant un collaborateur dirigeant[21].

Certains auteurs estiment que seuls les responsables de l’obligation de communication au MROS conformément à l’organisation interne de la société morale en question, doivent être concernés par une telle imputation[22].

Cela étant, il ressort d’un arrêt du Tribunal fédéral[23] que, même lorsque l’employé (en l’occurrence il s’agissait du chef du service compliance d’une banque) n’est pas seul compétent pour effectuer une communication au MROS (dans le cas d’espèce, cette tâche revenait à un comité de due diligence dont l’employé en question était membre), celui-ci peut être individuellement recherché en cas de carences organisationnelles au sein de la société ayant entraîné la survenance de la violation du devoir de communiquer, et/ou lorsqu’il n’œuvre pas dans le sens d’une communication qui aurait dû intervenir[24].

Bien que l’arrêt du Tribunal fédéral susmentionné traite de la responsabilité de l’employé au sens des art. 37 LBA et 6 de la Loi fédérale sur le droit pénal administratif[25] (ci-après : « DPA »), nous estimons que le principe qui y est développé pourrait être transposé à une responsabilité fondée sur les art. 305bis CP et 29 CP, dans la mesure où l’art. 6 DPA est le corolaire de
l’art. 29 CP[26]. Dans une telle hypothèse, les membres du Conseil d’administration/les associés d’une petite structure (telle qu’une fiduciaire), dont les compétences et responsabilités de chacun sont de manière générale moins bien définies que dans les grandes structures (telles que les banques), devraient être d’autant plus vigilants dans le cadre de la répartition des tâches et des responsabilités notamment en cas de soupçon de blanchiment et de communication au MROS, afin d’éviter de se voir imputer une carence au sein de l’organisation de la société et, partant, une responsabilité pénale au sens des art. 305bis CP et 29 CP.

Compte tenu de ce qui précède, les intermédiaires financiers et négociants ne sont pas les seuls à pouvoir être recherchés pour blanchiment d’argent par abstention. Toute personne travaillant au sein d’une personne morale remplissant les conditions de l’intermédiaire financier au sens de l’art. 2 al. 2 LBA et ayant le statut de « collaborateur dirigeant » ou membre d’un organe pourrait l’être aussi.

L’évolution législative et ses conséquences sur d’autres corps de métiers

Nous savons que c’est en raison de pressions de normes internationales, et notamment des recommandations du GAFI[27] que la LBA et l’art. 305bis CP ont été modifiés à plusieurs reprises ces dernières années[28]. A titre d’exemple, c’est en raison des normes du GAFI que
l’art. 305bis CP a été modifié en 2016 pour y inclure certains délits fiscaux[29]. C’est en outre également en raison des recommandations du GAFI que la liste des personnes considérées comme étant des intermédiaires financiers au sens de l’art. 2 al. 2 LBA ne cesse de croître. On relèvera que lors de la dernière modification, datant du 1er janvier 2023, les gestionnaires de fortune et les trustees, ainsi que les essayeurs du commerce ont été ajoutés à ladite liste[30].

Il est ainsi évident, compte tenu du développement constant des techniques utilisées par les criminels pour blanchir leur argent sale, que les moyens de lutte contre le blanchiment d’argent continueront également d’évoluer[31]. Les normes suisses sont ainsi contraintes de s’adapter aux recommandations du GAFI et de plus en plus de professions se verront répertorier sur ladite liste.

Nous pouvons néanmoins nous questionner sur les éventuelles répercussions des recommandations du GAFI. En effet, relevons que, lorsque le GAFI rend ses rapports d’évaluation, il fait fi d’autres normes fondamentales pouvant être ancrées dans certaines juridictions. Citons en particulier le secret professionnel de l’avocat, un principe fondamental ancré dans l’ordre juridique suisse.

La Suisse a été critiquée par la communauté internationale et, dans son rapport de décembre 2016,[32] le GAFI a blâmé la Suisse en raison du champ d’application trop limité de la LBA. Monsieur Eric MARTIN, président de Transparency International Suisse, estime que la LBA doit inclure les activités ne relevant pas de l’intermédiation financière, telles que la création de personnes morales et de trusts et la prise en charge du rôle d’organe, mais aussi le conseil en ingénierie financière et en placement ainsi que le négoce de biens immobiliers ou d’œuvres d’art et produits de luxe. Il estime dès lors que toutes les professions traitant ces domaines doivent être soumises à des obligations de diligence et de communication, notamment les avocats, les fiduciaires, les experts-comptables, etc[33].

Or, inscrire les avocats sur la liste de l’art. 2 al. 2 LBA porterait atteinte au secret professionnel de l’avocat, lequel est sérieusement ancré dans notre ordre juridique et nos mœurs. La Suisse n’a dès lors, jusqu’à présent, pas suivi les recommandations du GAFI. Cela étant, et notamment en raison des faits révélés dans le cadre de l’affaire des Panama papers (selon lesquels certains avocats auraient prêté leur assistance, dans le cadre de leur activité « standard » d’avocat (laquelle n’est pas soumise à la LBA) à la création à grande échelle de sociétés de domicile suspectes[34]), la Suisse se retrouve à nouveau sous pression[35].

Dans la mesure où une révision de la LBA est en cours auprès du Parlement suisse, on peut sérieusement craindre de voir la liste de l’art. 2 al. 2 LBA s’agrandir encore très prochainement pour y inclure toute personne ayant une activité dans le négoce de biens immobiliers ou d’œuvres d’art et produits de luxe, les notaires, employés de fiduciaires, conseillers financiers, et même les avocats[36].

En effet, il sied de rappeler que la Suisse tenait également profondément, il y a quelques années, au secret bancaire. Or, on peut aisément considérer que celui-ci n’existe actuellement plus. A tout le moins, il n’est plus ce qu’il était et ce, en raison justement de la pression internationale exercée sur la Suisse. Nous estimons ainsi qu’il n’existe aucune limite à la mise en œuvre, en Suisse, des recommandations du GAFI.

Conclusion

En conclusion, bien qu’actuellement les personnes pouvant être recherchées pour blanchiment d’argent par abstention sont limitées, il n’est pas impossible qu’in fine, « n’importe qui » – pour reprendre le terme utilisé dans notre introduction – touchant de loin ou de près le conseil financier et/ou le transfert d’argent (quel qu’il soit) puisse être concerné par cette infraction.


[1] RS 311.0.

[2] C’est-à-dire un délit ne pouvant être commis que par des personnes ayant une activité dans le secteur financier et qui, dans ce cadre-là, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers (art. 305ter CP ; message FF 1989 II, p. 988).

[3] U. CASSANI, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 35 ad art. 305bis CP.

[4] ATF 127 IV 26.

[5] Précisons à ce sujet que le Tribunal fédéral considère que l’art. 305bis CP ne permet pas de réprimer des actes propres à entraver l’identification et la découverte de valeurs patrimoniales qui ne sont pas (ou plus) sujettes à la confiscation, par exemple du fait que la confiscation est prescrite (CASSANI Ursula, in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 34 ad art. 305bis CP).

[6] ATF 122 IV 215.

[7] ATF 119 IV 63 ; ATF 122 IV 215 ; ATF 127 IV 26.

[8] ATF 127 IV 20.

[9] Arrêt TF 6B_1013/2017 du 17 mai 2011.

[10] Arrêt TF 6B_217/2013 du 28 juillet 2014 ; TPF SK.2011.22, JdT 2015 IV 287.

[11] « Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d’un comportement passif contraire à une obligation d’agir » (art. 11 al. 1 CP) ; « Reste passif en violation d’une obligation d’agir celui qui n’empêche pas la mise en danger ou la lésion d’un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu’il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu : a. de la loi ; b. d’un contrat ; c. d’une communauté de risques librement consentie ; d. de la création d’un risque » (art. 11 al. 2 CP).

[12] RS 955.0.

[13] ATF 136 IV 191 ; TF 6B_729/2010 du 8 décembre 2011, consid. 4.3.

[14] Voir l’art. 2 al. 2 LBA pour la définition de « l’intermédiaire financier ».

[15] Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (Ordonnance de la FINMA sur le blanchiment d’argent, OBA-FINMA; RS 955.033.0).

[16] Notamment B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, ad art. 305bis CP n° 23.

[17] Pour rappel, les intermédiaires financiers doivent vérifier l’identité du contractant lorsqu’une ou plusieurs transactions paraissent liées entre elles, lorsqu’elles atteignent une somme importante ou lorsqu’il existe des indices de blanchiment d’argent (art. 3 al. 2 et 4 LBA).

[18] Voir l’art. 2 al. 1 let. b LBA pour la définition du « négociant ».

[19] U. CASSANI, Evolution législatives récentes en matière de droit pénal économique : blanchiment d’argent et corruption privée, in Revue Pénale Suisse, Stämpfli, page 195.

[20] « Un devoir particulier dont la violation fonde ou aggrave la punissabilité et qui incombe uniquement à la personne morale, à la société ou à l’entreprise en raison individuelle est imputé à une personne physique lorsque celle-ci agit : a. en qualité d’organe d’une personne morale ou de membre d’un tel organe ; b. en qualité d’associé ; c. en qualité de collaborateur d’une personne morale, d’une société ou d’une entreprise en raison individuelledisposant d’un pouvoir de décision indépendant dans le secteur d’activité dont il est chargé ; d. en qualité de dirigeant effectif qui n’est ni un organe ou un membre d’un organe, ni un associé ou un collaborateur » (art. 29 CP).

[21] U. CASSANI, Droit pénal économique, Bâle 2020, N 6.88 ; K. VILLARD, Le compliance officer face au risque pénal découlant du dispositif anti-blanchiment, Revue suisse de droit des affaires et du marché financier, 2021, vol. 93, no. 2, p. 111 et 112.

[22] Voir notamment A. CONRAD HARI, Le blanchiment d’argent par omission, in RSDA 2012, p. 368.

[23] Arrêt 6B_1332/2018 du 28 novembre 2019.

[24] A. GARBARSKI, Y. CONTI, Système de communication MROS : quo vadis ?, in Développements récents en droit pénal de l’entreprise III, CEDIDAC, 2022, p. 42 ; N. BEGUIN, Blanchiment d’argent : Violation par un membre d’un organe collégial de l’obligation de communiquer, publié le : 13 janvier 2020 par le Centre de droit bancaire et financier, https://cdbf.ch/1108/.

[25] RS 313.0.

[26] A. GARBARSKI, A. MACALUSO, La responsabilité de l’entreprise et de ses organes dirigeants à l’épreuve du droit pénal administratif, in PJA 2008, p. 835,

[27] Le Groupe d’action financière (GAFI) est l’organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Il définit des normes internationales visant à prévenir ces activités illégales et les dommages qu’elles causent à la société ; Groupe que la Suisse a décidé de rejoindre en 1990 (https://www.fatf-gafi.org/fr/countries/detail/Suisse.html)

[28] U. CASSANI, Evolution législatives récentes en matière de droit pénal économique : blanchiment d’argent et corruption privée, in Revue Pénale Suisse, Stämpfli, pages 179-180

[29] FF 2014 585

[30] FF 2019 5237

[31] https://www.fatf-gafi.org/fr/Sujets/Methodes-et-tendances.html

[32] Le rapport peut être téléchargé sur le site internet suivant : https://www.fatf-gafi.org/en/publications/mutualevaluations/documents/mer-switzerland-2016.html

[33] « Les profiteurs des lacunes du dispositif anti-blanchiment », Article paru le 25 juin 2018 dans le journal Le Temps.

[34] « Opacité fiscale : l’embarras suisse », Article paru le 4 octobre 2021 dans le journal Le Temps ; « Des avocats suisses jonglent encore avec des sociétés offshore », Article paru le 20 juin 2018 dans le journal 24 heures.

[35] Article de Public Eye le 5 mars 2022 que l’on peut retrouver sur le site internet suivant : https://www.publiceye.ch/fr/coin-medias/communiques-de-presse/detail/le-conseil-federal-sous-pression-etablir-un-registre-des-beneficiaires-reels-des-societes-devient-un-standard-international.

[36] Précisons à toutes fins utiles que nous faisons référence à l’activité « typique » de l’avocat, puisque l’activité « atypique » de l’avocat est déjà soumise à la LBA.

Blanchiment et marché de l’art : un problème d’encadrement ?

mardi 23 Mai 2023

Par une étudiante du CAS IF

Mots clés : blanchiment de capitaux ; marché de l’art ; biens culturels

Introduction

Vaste question que celle du blanchiment de capitaux dans le monde de l’art et des antiquités. Le marché lui-même représente plusieurs dizaines de milliards annuels[1]. Quels sont les risques de blanchiment de capitaux en la matière ? Quels moyens effectifs se donnent les Etats les plus concernés par la vente d’œuvres d’art et d’antiquités dans la lutte contre ce fléau des temps modernes ? La Suisse, cinquième acteur mondial en matière de commerce d’art, fait-elle partie des bons élèves ? En d’autres termes : si le problème est connu, la lutte contre ce phénomène est-elle prise au sérieux par nos autorités … ou plutôt reléguée aux Calendes grecques ?

Figure 1 : Chiffres du marché mondial de l’art en milliards, années 2009-2022 selon le rapport Art Basel UBS de Clare McAndrew « Art Market 2023 », figure 1.6, p. 29

Les risques du métier  

Le Groupe d’action financière (GAFI)[2] a publié le 27 février 2023 un rapport alertant sur les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dans le secteur de l’art et des antiquités[3]. Le texte souligne plusieurs vulnérabilités imputables au marché in se, à ses acteurs ainsi qu’aux objets culturels / archéologiques[4] dont :

  • le recours au marché secondaire et à des intermédiaires,
  • le manque de transparence des transactions,
  • la facilité de déplacement d’objets de grande valeur,
  • l’acceptation de montants importants en espèces,
  • la volatilité et subjectivité des prix notamment pour les biens uniques, et son corollaire, la manipulation des prix du marché par quelques acteurs mal intentionnés,
  • le prêt à des institutions publiques d’objets culturels sans provenance visant à leur procurer un pedigree,
  • le recours au stockage de biens dans des dépôts francs,
  • l’augmentation des ventes en ligne favorisant l’anonymat, notamment dans le domaine des biens culturels, permettant de contourner les législations en vigueur.

Le problème est donc connu et a déjà fait la une des journaux, lorsqu’une enquête instruite par les autorités italiennes visant la mafia napolitaine a mis la main en 2016 sur deux Van Gogh[5] dérobés une décennie plus tôt à Amsterdam et dissimulés sous le sol de la cuisine d’un boss de la Camorra[6] ou lorsque des agents fédéraux américains à Philadelphie firent la stupéfiante découverte, aux côtés de 2.5 millions de dollars en espèces et de 68 kilos de drogue, d’une quarantaine de tableaux de maître, dont des Renoir, des Dali et des Picasso[7]. L’homme visé par l’enquête avait acquis les toiles grâce aux revenus engendrés par la vente de marijuana … avec la complaisance d’un marchand peu scrupuleux[8].

Figure 2 : Tableau de Vincent Van Gogh intitulé « Congrégation quittant l’Église réformée de Nuenen », retrouvé durant l’enquête de la Guardia di Finanzia. Copyright : Giorgio/AGF/Rex/Shutterstock

La politique de discrétion propre à cet univers feutré permet effectivement de taire l’identité d’un acquéreur comme la provenance de son argent… et la taille de certaines œuvres permet de déplacer en toute simplicité l’équivalent de millions de francs.

De plus, s’il existe un risque relatif de dévaluation, notamment en cas de dommage, de nombreuses toiles et autres sculptures, particulièrement celles d’artistes reconnus, constituent au contraire un investissement intéressant[9]. Le marché de l’art, quoiqu’affecté par les grands événements de ces dernières années, crise des subprimes et pandémie en tête, reste extrêmement dynamique, conduit généralement par les acteurs les plus haut de gamme[10]. De quoi attirer les investisseurs dotés de ressources importantes, qu’elles soient d’origine légale ou non.

Enfin, last but not least, l’achat de biens culturels ou artistiques participe à augmenter le statut social de l’acquéreur, lui conférant somme toute à peu de frais une certaine respectabilité.

Mais que fait la police ?

Le rapport du GAFI souligne les difficultés rencontrées dans la lutte contre le blanchiment dans le secteur[11] et mentionne qu’elle figure souvent en queue de peloton dans les priorités des autorités de poursuite. Celles-ci seraient insuffisamment au fait des menaces et risques posés par le marché. Enfin, il est rare que les cas de blanchiment soient circonscrits à une seule juridiction, compliquant la poursuite de la vérité et la détection des schémas de fraude.

Le GAFI a par ailleurs édité un ensemble de Recommandations servant de socle à l’établissement de normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme (LBC-FT)[12]. Nullum crimen, nulla poena sine lege, penchons-nous donc sur l’approche internationale en la matière.

Qui dit mieux ? Tour d’horizon des législations en vigueur

Chez nos voisins directs, le ton se durcit à l’égard des normes à instaurer dans la lutte contre le blanchiment dans le secteur de l’art[13]. L’Union européenne a ainsi étendu sa 5ème directive anti-blanchiment (AMLD5), entrée en vigueur le 10 janvier 2020[14] « aux personnes qui négocient des œuvres d’art ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce des œuvres d’art », aux galeries et maisons de vente aux enchères « lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à 10 000 EUR »[15].

Figure 3 : Part de marché représentée par pays en 2022 dans le secteur de l’art, selon le rapport Art Basel UBS, « Art Market 2023 », fig. 1.4, p. 27

La Grande-Bretagne a quant à elle adopté The Money Laundering, Terrorist Financing (Amendment) Regulations 2019 (MLR19)[16], transposant l’AMLD5 à sa propre législation. Le texte, entré en vigueur le même 10 janvier 2020, requiert que les acteurs du marché s’enregistrent auprès du Département Recettes et Douanes de sa Majesté (HMRC)[17].

La majorité des mesures peuvent être résumées à la pratique du Know Your Customer (KYC) soit à un devoir de diligence accru à l’égard de l’acheteur visant à vérifier son identité et reconnaître les éventuels risques associés. En plus de leur enregistrement officiel, les galeristes et autres agents doivent consigner et enregistrer les informations obtenues dans le cadre de leur devoir de diligence, et dénoncer les irrégularités constatées auprès du National Crime Agency. Toute transaction supérieure à EUR 10’000.- est concernée par ces mesures.

Ces changements légaux ont été accueillis plutôt fraîchement par le monde de l’art, retranché derrière son sacro-saint principe de discrétion[18] et inquiet de se voir confronté à des écueils administratifs insolubles[19].

La 6ème Directive anti-blanchiment, (AMLD6)[20], approuvée le 28.03.2023[21], propose quant à elle de créer une autorité européenne chargée de lutter activement contre le phénomène de blanchiment de capitaux, qui devrait être fonctionnelle dès 2026[22]. Ces diverses étapes démontrent la volonté de l’Union européenne d’agir… Reste à ce que les mesures préconisées soient implémentées uniformément[23].

Pendant ce temps-là, à Washington

Aux Etats-Unis, autre son de cloche. Si la lutte contre le blanchiment de capitaux s’est élargie aux marchands d’antiquités[24] en 2020 avec The Anti-Money Laundering Act of 2020 (AMLA)[25], seuls ces derniers sont soumis à une régulation accrue du fait de leur catégorisation en « institution financière »[26]. Les transactions de plus de USD 10’000.- font ainsi l’objet de contrôles renforcés.

Le département du Trésor américain, via son bureau Réseau de lutte contre la criminalité financière[27] a aussi fait paraître, en janvier 2022, une Etude sur les risques spécifiques au blanchiment de capitaux dans le domaine de l’art[28]. Celle-ci conclut que diverses mesures peuvent être prises dans ce domaine… mais ne propose aucune régulation supplémentaire immédiate ou durcissement de la législation en vigueur[29]. La question de légiférer contre le blanchiment de capitaux dans le domaine de l’art (hors secteur antiquités) est repoussée à une date indéterminée, le rapport concluant que d’autres mesures doivent être prises en priorité[30]. La tentative de la Chambre des représentants de soumettre les marchands d’art à la législation anti-blanchiment, l’ENABLERS Act[31], a par ailleurs échoué au Sénat américain en décembre 2022[32].

Les autorités américaines semblent avoir ainsi, par une pirouette, évité de prendre le taureau par les cornes … et les 2.5 millions dépensés entre 2018 et 2021 par le lobby des marchands d’art[33] n’y sont peut-être pas étrangers.

Figure 4 : Montants payés par le milieu de l’art entre 2018 et 2021 aux lobbyistes de Washington.
Source : https://news.artnet.com/news-pro/gray-market-art-lobbying-millions-2073386

Et en Suisse ?

La Suisse, hôte originel de la plus prestigieuse foire d’art[34], connue de longue date pour ses antiquaires[35] et ses ports francs[36] a successivement adapté sa propre législation pour contrer le blanchiment de capitaux.

S’appuyant sur l’art. 305 bis du Code pénal suisse (CP; RS 311.0) qui réprime le blanchiment d’argent, la Loi sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA ; RS 955.0)[37] constitue le fondement de ces efforts. Elle a été révisée à plusieurs reprises et contraint, depuis le 01.01.2016, tous les commerçants de Suisse, y compris les acteurs du marché de l’art, à contrôler l’origine des fonds des transactions faites en espèces dépassant la limite de CHF 100’000.- [38].

La Loi sur le transfert des biens culturels du 20 juin 2003 (LTBC ; RS 444.1) vise à protéger les antiquités et autres biens culturels[39]. Enfin, l’Ordonnance sur les douanes (OD; RS 631.01), entrée en vigueur le 1er mai 2007[40], contribue à plus de transparence dans les ports-francs, obligeant les entrepositaires à annoncer auprès des autorités douanières toutes les « marchandises sensibles » stockées, dont font partie les biens culturels et autres œuvres d’art, permettant leur contrôle[41].

Figure 5 : Source : https://www.reddit.com/r/AbstractArt/comments/fo8jdn/please_use_this_for_money_laundering_me_acrylic/_u/echterhans.
Compte Instagram : EinEchterHanschitz (@echterhanschitz)

Toutes ces mesures, pourtant louables, ont entraîné diverses critiques, qu’il s’agisse du niveau de contrôle effectué dans les Ports-Francs, jugé initialement trop bas par le Contrôle des Finances[42], ou du seuil de CHF 100’000.-, très élevé en comparaison internationale, pour le contrôle des transactions effectuées en espèces[43]. De même, les commerçants d’antiquités et d’art en Suisse ne sont pas soumis aux réglementations plus strictes appliquées aux intermédiaires financiers tels que définis à l’art. 2, al. 1 let. a de la LBA.

Ce point aussi pourrait évoluer : une motion déposée le 10.03.2022 au Conseil national[44] par le parti socialiste désire soumettre le commerce de l’art et les ventes aux enchères à la loi sur le blanchiment d’argent, s’inspirant de la directive européenne AMLD5. Bien que le Conseil fédéral reconnaisse qu’il puisse exister un « risque potentiel de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme lié au commerce de l’art et aux ventes aux enchères », il considère, s’appuyant sur un rapport du DFF paru en 2021 en matière de blanchiment de capitaux[45],  que le risque est modéré et que la législation en vigueur est suffisante. Par conséquent, il conseille de rejeter la motion.

Zèle de la gauche ou inaction de la droite ? Le débat reste ouvert… la finalité, un peu moins[46].

Le salut en matière de lutte anti-blanchiment de capitaux dans le domaine de l’art viendra-t-il donc du secteur privé ? Face à la lente mais implacable tendance des autorités à serrer la vis, les acteurs privés s’organisent et édictent des normes en matière de compliance[47], avec plus ou moins de succès[48]. C’est ainsi que certaines maisons de ventes aux enchères ont volontairement abaissé leur seuil de contrôle, dès CHF 10’000.-[49]. Citons surtout l’initiative Responsible Art Market[50], fondée en 2015, qui reprend les diverses prescriptions et les synthétise dans diverses guidelines destinées aux acteurs du marché[51]. ART BASEL a de même publié ses propres principes[52] destinés à renforcer l’éthique et assurer l’intégrité de ses galeristes, parmi les plus cotés de la planète.

Gageons que cette tendance n’est pas uniquement cosmétique et que la prise de conscience des risques bien réels de dégâts d’image suffira seule à contrer le gain financier engendré par une transaction douteuse.

Conclusion

Une chose est sûre : dans un monde globalisé où biens et devises s’échangent plus vite qu’une poignée de main, ce n’est qu’un effort commun et uniforme qui mettra un terme au blanchiment de capitaux lié au monde de l’art.

On l’a vu, de part et d’autre de l’Atlantique comme du lac Léman, les opinions divergent sur la priorité à donner au problème et la nature des actions et sanctions à entreprendre pour le supprimer. Pendant ce temps, les articles de presse dénonçant les abus se suivent[53] et se ressemblent[54]. Reste l’actualité pour maintenir l’intérêt – et la pression ? –  en la matière[55].


[1] Cf. Figure 1, Rapport Art Basel UBS de Clare McAndrew « Art Market 2023 » sur le marché de l’art : https://cdn.sanity.io/files/lvzckgdl/production/609618d93c005a5387de7049cd2ccac65c01c064.pdf . Dernière consultation le 03.05.2023.

[2] Selon ses propres termes, il s’agit de « l’organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme », émanation de l’OCDE dont elle est pourtant distincte. Site internet : https://www.fatf-gafi.org/fr/home.html. Dernière consultation le 03.05.2023.

[3] https://www.fatf-gafi.org/en/publications/Methodsandtrends/Money-Laundering-Terrorist-Financing-Art-Antiquities-Market.html, dernière consultation le 03.05.2023.

[4] Ibidem, pp. 11 à 26.

[5] Cf. Figure 2. L’épisode a fait le tour des médias  internationaux : https://www.theguardian.com/artanddesign/2016/sep/30/italian-police-find-van-goghs-stolen-in-amsterdam-gallery-heist. Voir aussi l’article d’opinion https://www.theguardian.com/artanddesign/jonathanjonesblog/2016/sep/30/gangsters-use-of-paintings-as-currency-shows-profound-belief-in-art qui souligne l’attribution de vertus d’« Assurance » dudit art, stratégie apparemment adoptée par les malfrats. Voir également à ce sujet le documentaire de Stefano Strocchi «Tableaux volés» consultable sur la chaîne d’ARTE: https://www.youtube.com/watch?v=swrDZK_QVn0. Dernière consultation le 03.05.2023.

[6] https://www.mutualart.com/Article/Great-Art-Heists-of-History–Van-Gogh-an/89492A46948F1D10%20. Dernière consultation le 03.05.2023.

[7] Voir https://www.nytimes.com/2021/06/19/arts/design/money-laundering-art-market.html sur le contexte et https://www.justice.gov/usao-mdpa/pr/pennsylvania-man-sentenced-sixty-three-months-federal-prison-drug-distribution-and sur la condamnation du trafiquant. Dernière consultation le 03.05.2023.

[8] https://www.phillymag.com/news/2015/08/09/nathan-nicky-isen-art-philadelphia/ sur le galeriste à la douteuse déontologie. Dernière consultation le 03.05.2023.

[9] Voir, entre autres, https://caia.org/blog/2021/07/22/investing-art-market-17-trillion-asset-class et https://www.artmarketmonitor.com/2011/03/06/when-a-loss-is-really-a-profit/ . Dernière consultation le 03.05.2023.

[10] Voir le rapport « Art Market 2023 » d’Art Basel UBS : https://cdn.sanity.io/files/lvzckgdl/production/609618d93c005a5387de7049cd2ccac65c01c064.pdf  ainsi que  https://www.theartnewspaper.com/2023/04/04/global-art-market-grew-just-3-in-2022-according-to-latest-art-basel/ubs-report . Dernière consultation le 03.05.2023.

[11] https://www.fatf-gafi.org/en/publications/Methodsandtrends/Money-Laundering-Terrorist-Financing-Art-Antiquities-Market.html, pp. 36-37. Dernière consultation le 03.05.2023.

[12] https://www.fatf-gafi.org/fr/publications/Recommandationsgafi/Recommandations-gafi.html . Dernière consultation le 03.05.2023.

[13] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=PI_COM:C(2020)2800&from=FR . Dernière consultation le 03.05.2023.

[14]https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A32018L0843 . Dernière consultation le 03.05.2023.

[15] Art. 2, par. 1, point 3, let. i de la Directive (EU) 2018/843 (AMLD5) amendant la Directive (UE) 2015/849.  Voir également les Lignes directrices de TRACFIN, le service de renseignement français chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme mais aussi contre la fraude fiscale, sociale et douanière, reprenant entre autres les conséquences concrètes de l’AMLD5 pour les acteurs du marché de l’art : https://www.douane.gouv.fr/sites/default/files/uploads/files/TRACFIN/lignes-directrices-tracfin-dgddi-marchands-d-art-novembre-2020.pdf Dernière consultation le 03.05.2023.

[16] https://www.legislation.gov.uk/uksi/2019/1511/contents/made . Dernière consultation le 03.05.2023.

[17] https://www.theartnewspaper.com/2021/09/03/art-world-rushes-to-conform-to-uks-anti-money-laundering-laws . Le gouvernement a également mis à disposition un guide édicté par la Fédération anglaise du marché de l’art (BAMF) : https://www.gov.uk/government/publications/art-market-participants-guidance-on-anti-money-laundering-supervision. Dernière consultation le 03.05.2023.

[18] https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/art-culture-edition/enquete-franceinfo-il-ne-faut-pas-casser-le-commerce-la-laborieuse-lutte-contre-le-blanchiment-d-argent-sur-le-marche-de-l-art_3500689.html Dernière consultation le 03.05.2023.

[19] https://www.gazette-drouot.com/article/art-basel-plonge-en-apnee-dans-l-aml/23220 Dernière consultation le 03.05.2023.

[20] https://finance.ec.europa.eu/publications/anti-money-laundering-and-countering-financing-terrorism-legislative-package_en Dernière consultation le 03.05.2023.

[21] https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20230327IPR78511/nouvelles-mesures-de-l-ue-contre-le-blanchiment-et-le-financement-du-terrorisme Dernière consultation le 03.05.2023.

[22] https://www.eesc.europa.eu/fr/news-media/news/le-cese-adopte-un-avis-sur-le-paquet-legislatif-lutte-contre-le-blanchiment-de-capitaux . Dernière consultation le 03.05.2023.

[23] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2023-0151_EN.html . Un rapport paru le 14.04.2023 par les comités européens ECON and LIBE souligne ainsi la mise en œuvre inégale des Directives européennes déjà en place pour lutter contre le blanchiment de capitaux : « (…) divergent practices regarding its [Directive (EU) 2015/849 -AMLD4- ainsi que son amendement via la Directive (EU) 2018/843 – AMLD5] enforcement and the lack of correct implementation of minimum standards have led to a fragmented, incomplete and partially inefficient regulatory framework in the Union ».  Dernière consultation le 03.05.2023.

[24] https://www.federalregister.gov/documents/2021/09/24/2021-20731/anti-money-laundering-regulations-for-dealers-in-antiquities; cf. également https://www.nytimes.com/2021/01/01/arts/design/antiquities-market-regulation.html . Dernière consultation le 03.05.2023.

[25] https://www.fincen.gov/anti-money-laundering-act-2020 : Dernière consultation le 03.05.2023.

[26] https://www.mishcon.com/news/anti-money-laundering-and-the-art-and-antiquities-market-a-us-and-uk-perspective et https://www.federalregister.gov/documents/2021/09/24/2021-20731/anti-money-laundering-regulations-for-dealers-in-antiquities. Dernière consultation le 03.05.2023.

[27] Financial Crimes Enforcement Network abrégé FinCen : https://www.fincen.gov/

[28] https://home.treasury.gov/news/press-releases/jy0588 . L’Etude de FinCen fait suite à un rapport bipartisan du Sénat américain paru le 29 juillet 2020 ayant dénoncé clairement les risques de blanchiment dans le domaine de l’art : https://www.hsgac.senate.gov/wp-content/uploads/imo/media/doc/2020-07-29%20PSI%20Staff%20Report%20-%20The%20Art%20Industry%20and%20U.S.%20Policies%20that%20Undermine%20Sanctions.pdf. Dernière consultation le 03.05.2023.

[29] https://www.hhrartlaw.com/2022/04/u-s-treasury-study-rejects-immediate-need-for-new-regulation-of-art-market/ et https://www.nytimes.com/2022/02/04/arts/design/art-market-regulation.html. Dernière consultation le 03.05.2023.

[30] https://www.withersworldwide.com/en-gb/insight/read/us-treasury-s-aml-report-weighs-against-increased-regulations-in-art-market-for-now. Dernière consultation le 03.05.2023.

[31] https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/5525 . La proposition, qui fait suite aux révélations des Pandora Papers, ne s’adressait pas qu’aux marchands d’art et visait à soumettre plusieurs catégories de « facilitateurs » à un devoir de diligence accru. Dernière consultation le 03.05.2023.

[32] https://www.icij.org/investigations/pandora-papers/us-senate-blocks-major-anti-money-laundering-bill-the-enablers-act/. Dernière consultation le 03.05.2023.

[33] https://news.artnet.com/news-pro/gray-market-art-lobbying-millions-2073386 ;  https://news.artnet.com/news-pro/gray-market-lobbying-part-two-2076432 et https://www.nytimes.com/2022/02/04/arts/design/art-market-regulation.html. Dernière consultation le 03.05.2023.

[34] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/06/14/foires-d-empoigne-sur-le-marche-de-l-art_6130188_4500055.html. Dernière consultation le 02.05.2023.

[35] https://www.letemps.ch/culture/couverture-trafic-dantiquites-role-suisse : Dernière consultation le 03.05.2023.

[36] Les Ports-Francs et autres entrepôts douaniers ouverts sont des zones de stockage franches d’impôt où peuvent être entreposées de manière illimitée dans le temps, sous certaines conditions, toutes sortes de marchandises. Plus de cent milliards de valeur de marchandises y seraient enfermés. Erik Post and Filipe Calvao, « Mythical Islands of Value: Free Ports, Offshore Capitalism, and Art Capital » in Basel: MDPI AG.- Arts (Basel), 2020, Vol.9 (4), p. 100.

[37] https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1998/892_892_892/fr. Dernière consultation le 03.05.2023.

[38] Art. 2, al.1 let. b LBA en relation avec l’art. 8a, al. 1 LBA et art. 14 et 16 de l’Ordonnance sur le blanchiment d’argent du 11 novembre 2015 (OBA ; RS 955.01): Statut de négociants et obligation de diligence.

[39] https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2005/317/fr. Dernière consultation le 03.05.2023.

[40] https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/250/fr. Dernière consultation le 03.05.2023.

[41] https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/250/fr, art. 182 à 185 et Art. 182, al.2 et Annexe 2, ch. 5 et 14. Voir également à ce sujet https://www.bilan.ch/economie/le_blanchiment_cette_epine_qui_agace_l_art. Dernière consultation le 03.05.2023.

[42] https://www.efk.admin.ch/images/stories/efk_dokumente/publikationen/jahresberichte/2014/CDF_act_2014_fr_PDF.pdf , pp. 13-14. Depuis cette première évaluation critique parue en 2014, il a néanmoins été reconnu lors d’une nouvelle évaluation du CdF que les autorités avaient amélioré leur analyse de risques comme leur contrôles dans le domaine des Ports-Francs : https://www.efk.admin.ch/fr/publications/economie-administration/finances-publiques-et-impots/activites-de-surveillance-aupres-des-ports-francs-et-entrepots-douaniers-ouverts-administration-federale-des-douanes.html, pp. 4,-5 21, 25. Dernière consultation le 03.05.2023.

[43] https://www.swissinfo.ch/fre/culture/lutte-contre-le-blanchiment_transparence-du-march%C3%A9-de-l-art–la-suisse-peut-faire-mieux/41453588. Dernière consultation le 03.05.2023.

[44] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223104. Dernière consultation le 03.05.2023.

[45] https://www.sif.admin.ch/sif/fr/home/dokumentation/fachinformationen/bericht_kggt.html#documents__content_sif_fr_home_dokumentation_fachinformationen_bericht_kggt_jcr_content_par_tabs , cf. particulièrement les pages 30 à 32. Dernière consultation le 03.05.2023.

[46]https://hub.hslu.ch/economiccrime/art-and-money-laundering-in-switzerland/ , dernière consultation 03.05.2023. L’article explique que les divers durcissements législatifs dans le domaine du blanchiment de capitaux ont été perçus comme « problématiques » par l’association des marchands d’arts suisses (SAMA) et conclut que la motion actuellement au Parlement a peu de chances d’aboutir. Le site internet de la SAMA développe ainsi son positionnement :  « The SAMA is promptly following the problematic European development of an increasing tightening of the money laundering guidelines also in the art market and is trying to exert influence in order to prevent a legislative formulation of drastically tightened rules by informing about the reality of the profession of art and antiques trading. (…) » : https://kunstmarktschweiz.ch/startseite-en/ ; dernière consultation le 03.05.2023.

Voir également le rapport Deloitte Art & Finance 2019 dont l’article « Money Laundering in Arts, a Swiss Perspective », pp. 236-237, mentionne qu’aucune annonce n’a été faite au service compétent (MROS) par un commerçant d’art :  https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/ch/Documents/privatemarket/deloitte-ch-private-art-and-finance-report-2019.pdf : dernière consultation le 03.05.2023.

[47] https://itsartlaw.org/2022/04/05/art-market-compliance-as-seen-from-switzerland/ : dernière consultation le 03.05.2023.

[48] https://www.letemps.ch/culture/marche-lart-occasions-manquees-lautoregulation : dernière consultation le 03.05.2023.

[49] Selon les arguments avancés par l’avis du CF du 18.05.2022 faisant suite à la motion 22.3104. : https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223104 : Dernière consultation le 03.05.2023.

[50] http://responsibleartmarket.org/. Dernière consultation le 03.05.2023.

[51] Voir le « Country Guide Switzerland » qui reprend diverses recommandations schématisées sous forme de tableau : http://responsibleartmarket.org/wp/wp-content/uploads/2017/01/Country-Guide-Switzerland.pdf Dernière consultation le 03.05.2023.

[52] https://d2u3kfwd92fzu7.cloudfront.net/AB_Art_Market_Principles_and_Best_Practices.pdf Dernière consultation le 03.05.2023.

[53] https://www.nytimes.com/2013/05/13/arts/design/art-proves-attractive-refuge-for-money-launderers.html ; https://www.ft.com/content/a5beb8e2-5334-11ea-90ad-25e377c0ee1f ; https://www.acamstoday.org/?s=art ; Dernière consultation le 03.05.2023.

[54] https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2019/09/the-art-of-money-laundering-and-washing-illicit-cash-mashberg https://www.letemps.ch/search?keywords=%22blanchiment%20d%27argent%22%20AND%20%22march%C3%A9%20de%20l%27art%22&np8_section_all=All&sort_by=search_api_relevance&sort_order=DESC&page=0 ; https://www.lemonde.fr/recherche/?search_keywords=blanchiment+%2Bart&start_at=19%2F12%2F1944&end_at=23%2F04%2F2023&search_sort=relevance_desc

[55] https://www.theguardian.com/world/2023/apr/18/uk-imposes-sanctions-art-collector-accused-financing-hezbollah-nazem-ahmad, article paru au moment de la rédaction de ce texte. Dernière consultation le 03.05.2023. A noter que la motion a été adoptée par le Conseil national le 02.05.2023 par 111 voix favorables contre 80…  La balle est donc dans le camp du Conseil des Etats. Voir https ://www.parlament.ch/fr/services/news/Pages/2023/20230502185705574194158159038_bsf139.aspx ; dernière consultation le 12.05.2023.

Quand l’étiquetage nous ment

mardi 25 Avr 2023

Par Naida Tenes, étudiante BsC in Business Law

Cette contribution a pour thématique les fraudes dans le domaine alimentaire. Cela désigne la substitution, dilution ou addition intentionnelle d’un produit alimentaire dans le but d’obtenir un bénéfice financier en trompant le consommateur. Nous allons ici nous concentrer sur les fraudes liées à l’étiquetage. [1]

Ce travail consiste plus précisément à faire une analyse juridique sur un sujet qui touche actuellement tout consommateur.

En effet, selon la Commission européenne, les pertes annuelles liées à la fraude alimentaire pour l’industrie mondiale s’élèvent à 30 milliards d’euros. Il s’agit cependant d’une estimation, difficile de savoir si nous nous approchons de la réalité ou si nous en sommes bien loin.[2]

La fraude alimentaire

Il existe aujourd’hui différentes formes de fraudes alimentaires. Trois formes peuvent être identifiées facilement :

La fraude aux faux ingrédients est la plus connue du grand public. De la viande de cheval vendue à titre de viande de bœuf, de l’huile d’olive remplacée par de l’huile de tournesol mélangée à de la chlorophylle figurent parmi les affaires les plus médiatisées. Ces scandales pourraient ralentir les fraudeurs, rendant le consommateur et l’état plus attentif, mais ils s’enchaînent et les modes opératoires continuent de faire prospérer de nombreuses entreprises au détriment du consommateur.

Mauvaise provenance ou allégations illégitimes sur les étiquettes, la technique des fausses étiquettes permet aux fraudeurs de gonfler les prix. Gages de confiance, les indications géographiques protégées sont très recherchées parmi les acteurs  de la chaîne de production et d’approvisionnement alimentaire. D’après l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), la contrefaçon représenterait 9% du marché des Indications Géographiques Protégées.[3] De nombreux produits étiquetés de manière frauduleuse ont été découverts en Europe. Parfois les actions directes du consommateur contre le fabricant, via les réseaux sociaux par exemple, sont suffisantes pour que les pratiques soient modifiées. Cependant, tant que les lois resteront telles quelles et que les abus ne seront pas légalement punis, les arnaques perdureront. [4] L’étiquetage de certains aliments, notamment des denrées alimentaires d’origine animale, n’est pas conforme quant à la définition de la provenance. Plus grave encore, il arrive que des produits soient étiquetés avec une nouvelle date de consommation après que la date initiale est dépassée. [5] Dans d’autres cas, la composition du produit est en cause : substitution d’ingrédients par d’autres plus rentables qui sont parfois nocifs pour la santé du consommateur. Des scandales comme l’affaire Findus de 2013 illustre bien ce type de fraude. Dans cette catégorie rentre également les faux labels certifiant la qualité qui n’est alors pas au rendez-vous. [6]

Le danger sanitaire représente sûrement la forme de fraude la plus dangereuse pour le consommateur puisque des aliments périmés, contaminés ou encore transformés avec des produits interdits sont mis en cause ici. Viande d’animaux malades, aliments traités illégalement avec des désinfectants, utilisation d’additifs sont des exemples multiples. Malgré le danger reconnu, cette méthode est courante. [7]

Les différents acteurs

Du petit producteur au trafiquant, en passant par le distributeur, les fraudeurs n’ont pas de profil unique. Puisque ce genre de commerce frauduleux est bien moins évident à repérer que d’autres, il s’agit d’une aubaine pour bon nombre de commerçants et mafieux. En effet, il est difficile de contrôler les étiquettes de chaque produit acheté, la composition de chaque produit consommé.

L’Europe compte bon nombre de groupe de recherche et de contrôle pour contrer cette forme de profit illégitime et illégal. Voici notamment les principaux :

Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)

L’EFSA fournit des avis scientifiques afin de protéger la vie et la santé humaine, l’environnement, ainsi que la santé des animaux et des plantes. [8]

Europol

Europol est une agence européenne qui lutte contre toutes les formes de criminalité organisée et internationale grave, la cybercriminalité et le terrorisme. [9]

Eurojust

Eurojust est l’autorité judiciaire qui travaille contre la criminalité transnationale impliquant deux ou plusieurs pays. Sa mission et ses assignations sont équivalentes à celles des ministères des affaires étrangères dans d’autres pays.[10]

En Suisse, l’Etat a des obligations de contrôles. Pour lutter contre la fraude alimentaire, une plateforme composée des différents offices fédéraux et d’autorités cantonales met en place des programmes de contrôles.  Les obligations de l’entreprise sont développées aux art. 26 et ss de la Loi sur les denrées alimentaires (LDAI ; RS 817.0). En effet, en plus des contrôles officiels, les entreprises suisses sont dans l’obligation de s’autocontrôler et de renseigner.

Le consommateur est le dernier au bout de la chaîne. C’est lui qui achètera des produits qui ne correspondent pas à leur description. Que l’achat se fasse en ligne ou en magasin, il doit veiller à payer le prix affiché. Il peut également vérifier labels et origine indiquée.

Cadre juridique européen

Le Règlement, nommé INCO, n° 1169/2011 publié le 22 novembre 2011 concerne l’étiquetage et l’information du consommateur sur les denrées alimentaires. Même si les règles concernent toutes les denrées alimentaires, certaines dispositions ne s’appliquent qu’aux produits préemballés. [11]

Cadre juridique suisse 

La Suisse dispose de la Loi fédérale du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires et les objets usuels (LDAI ; RS 817.0). Elle traite premièrement des exigences applicables aux denrées alimentaires et aux objets usuels. Complétée par des chapitres concernant le contrôle, son exécution, le financement et le traitement des données, la loi présente finalement les dispositions pénales ainsi que les voies de droit.

Pour cette contribution, il est intéressant d’étudier l’art. 12 LDAI car il renseigne sur l’obligation d’étiqueter et de renseigner. L’alinéa 1 indique que toute denrée alimentaire préemballée doit indiquer le pays de production, la dénomination spécifique et les ingrédients aux consommateurs. Il existe d’autres indications édictées par le Conseil fédéral à l’art. 13 al. 1 LDAI. La durée de conservation, le mode de conservation, la provenance des matières premières, le mode de production, le mode de préparation, les effets particuliers, les dangers particuliers et la valeur nutritive peuvent alors également être prescrits. [12]

Il existe en Suisse divers ordonnances régissant les produits avec une appellation AOP, IGP ou AOC.

Les labels de protection AOP et IGP sont régis par l’Ordonnance du 28 mai 1997 concernant la protection des appellations et des indications géographiques des produits agricoles, des produits agricoles transformés, des produits sylvicoles et des produits sylvicoles transformés (Ordonnance sur les AOP et IGP ; RS 910.12). L’AOC se base, elle, sur l’article 21 de l’Ordonnance du 14 novembre 2007 sur la viticulture et l’importation de vin (Ordonnance sur le vin ; RS 916.140).

 Sanctions juridiques

Le chapitre 7 de la LDAI contient les dispositions pénales et les voies de droit en matière de fraude alimentaire. Selon l’art. 64 al. 1 let. j de la LDAI, quiconque enfreint intentionnellement les prescriptions concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ou des objets usuels ou la publicité relative à ces produits encoure jusqu’à CHF 40’000.- d’amende. La peine pécuniaire peut s’élever à CHF 80’000.- si les faits ont été réalisés à titre professionnel ou avec l’intention de s’enrichir (art. 64 al. 2 LDAI). La LDAl dispose que ce sont les cantons poursuivent et jugent les infractions (art. 66 LDAl). La loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance contient également des dispositions applicables. Quiconque utilise intentionnellement une indication de provenance inexacte ou susceptible de confusion ou qui crée un risque de tromperie risque une peine privative de liberté d’un an au plus ou une peine pécuniaire. Si l’auteur agit dans sa profession, la peine encourue est une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire.[13]

Conclusion 

Selon différentes lectures et recherches, il est possible de mettre en avant que le consommateur n’est pas assez protégé aujourd’hui. Malgré des législations qui évoluent, les cas de fraudes ne diminuent pas. En 2020, le nombre de suspicion de fraude alimentaire a augmenté de 20%.[14] Le consommateur se doit de rester vigilent.

Il semblerait que d’autres modifications législatives devraient être envisagées :

  • L’origine exacte du produit devrait être mentionnée.
  • Toutes informations concernant les valeurs nutritionnelles et les ingrédients devraient être indiquées de manière simple et compréhensible pour tous les consommateurs.
  • Les additifs ainsi que leur fonction devraient également être indiqués.
  • Les organismes génétiquement modifiés devraient être cités.
  • Des contrôles plus nombreux et rigoureux devraient être réalisés.

Même si les règlements évoluent et que les obligations s’accentuent, le chemin reste long avant que ces pratiques disparaissent.


[1] Eurofins, « Fraude alimentaire : Un enjeu d’actualité pour l’industrie agroalimentaire ». Consulté le 27 décembre 2022 sur https://www.labenvironex.com/agroalimentaire/analyses-fraude-alimentaire/fraude-alimentaire/

[2] Foodwatch, « Fraude alimentaire : que se cache-t-il derrière ce scandaleux tabou ? », modifié le 03.03.2022. Consulté le 27 décembre 2022 sur https://www.foodwatch.org/fr/sinformer/nos-campagnes/transparence-et-scandales/fraude-alimentaire/fraude-alimentaire-definition-enjeux-et-chiffres/

[3] Réf. 2

[4] Foodwatch, « Arnaque sur l’étiquette ». Consulté le 2 janvier 2023 sur https://www.foodwatch.org/fr/sinformer/nos-campagnes/transparence-et-scandales/arnaques-sur-letiquette/

[5] RTS, « Fraude alimentaire, la nouvelle mafia », émission du 26 août 2021. Consulté en 2021, retrouvé sur https://pages.rts.ch/emissions/temps-present/12342638-fraude-alimentaire-la-nouvelle-mafia.html

[6] Réf. 4

[7] Réf. 2

[8] EFSA, site officiel de l’UE. Consulté le 19 mars 2023 sur https://www.efsa.europa.eu/fr/about/about-efsa

[9] EUROPOL, « About Europol ». Consulté le 19 mars 2023 sur https://www.europol.europa.eu/about-europol

[10] EUROJUST, « What we do ». Consulté le 19 mars 2023 sur https://www.eurojust.europa.eu/about-us/what-we-do

[11] Ministère de l’économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, « Étiquetage des denrées alimentaires : nouvelles règles européennes ». Consulté le 27 décembre 2022 sur https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/etiquetage-des-denrees-alimentaires-nouvelles-regles-europeennes  

[12] Loi fédérale du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires et les objets usuels (LDAI ; RS 817.0)

[13] Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM ; RS 232.11)

[14] Phytocontrol, « Publication du rapport annuel 2020 sur la fraude alimentaire ». Consulté le 20 mars 2023 sur https://www.phytocontrol.com/veille-reglementaire/publication-du-rapport-annuel-2020-sur-la-fraude-alimentaire/

L’adultération du miel

mardi 18 Avr 2023

Par Amélie Magranville, étudiante BsC in Business Law

« La contrefaçon alimentaire (comme les fausses informations sur les étiquettes, les ingrédients de qualité inférieure ou les méthodes de production interdites) génère un chiffre d’affaires mondial de 50 milliards de dollars chaque année. »

Ma RTS février 2023 [1]

Introduction

La pratique de l’adultération du miel est connue des distributeurs, des apiculteurs, des autorités et des consommateurs avertis. Il s’agit d’un terme générique pour faire référence à une fraude sur la qualité du produit (le miel) afin d’en réduire le coût de fabrication. L’adultération définit plusieurs pratiques : ajouter des substances après la récolte, nourrir les abeilles artificiellement lors de la production ou lors de mauvaises récoltes ainsi que l’ajout volontaire de produits glucidiques dans le miel au moment du mélange.[2] Ce dernier procédé est utilisé dans l’élaboration de la majorité des miels asiatiques vendue dans les grandes surfaces de l’Union européenne. L’économie sur le prix de fabrication permet leur vente à des prix dérisoires et de supposer une augmentation de marge. [3]

Le miel est en finalité un mélange de différents sucres, essentiellement : le glucose et le fructose.[4] En revanche, le sucre en tant que tel peut également être issu de sucre de canne, de sirop de maïs, de riz, de blé et de sucre de betterave.[5] Ces derniers, appelés sucres « exogènes » sont utilisés dans la pratique de l’adultération grâce à leurs compositions proches des composants réels du miel. [6]

La détection du sucre de betterave est complexe et problématique. Elle demande des analyses pointues qui sont réalisables grâce à la méthode de test par résonnance magnétique et nucléaire, ci-après intitulé « RMN ». Cette dernière, appliquée sur le miel, a la capacité de détecter toute sorte d’ajouts de sucre. [7] [8] [9]

La situation en Europe

Entre novembre 2021 et février 2022 une action intitulée « Frome the Hives » a été menée sous la direction de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), à l’échelle européenne incluant toutefois la Suisse (2 échantillons) et la Norvège (6 échantillons), et portant sur 320 échantillons (cf. figure 1) en provenance de 20 pays étrangers (cf. figure 2). [10]

Figure 1 : Participation à l’action coordonnée de l’UE pour le contrôle du miel importé – source JRC / Office des publications de l’Union européenne, 2023
Figure 2 : Origine géographique des lots de miel échantillonnés – source JRC / Office des publications de l’Union européenne, 2023

Diverses méthodes ont été retenues pour ces analyses, dont la méthode RMN. Le rapport « Action coordonnée de l’UE pour décourager certaines pratiques frauduleuses dans le secteur du miel » est ainsi paru en mars 2023.[11]

Ce rapport a permis de démontrer que si les fraudeurs n’utilisent plus le sirop de maïs ou de canne à sucre pour allonger le miel, ils utilisent désormais des reconstituants fabriqués à partir de riz, de blé ou de betterave sucrière. Ainsi, sur les échantillons analysés, 147 (soit 46 %) étaient suspicieux, avec une majorité issue de production chinoise ou turque qui était particulièrement pointée par cette étude (cf. figure 3).

Figure 3 : Origine géographique d’un lot de miel suspect – source JRC / Office des publications de l’Union européenne, 2023

A la suite de ce rapport, Foodwatch sort une actualité le 7 avril 2023. Il y est mentionné notamment des propos de Christophe Brusset, ex-négociant pour l’industrie agroalimentaire et auteur de « Vous êtes fous d’avaler ça ! » (éd. Flammarion – 2015). Selon lui, les fraudeurs ne sont pas nécessairement les « méchants ». Ayant négocié de grandes quantités de miel pour la grande distribution à des prix limités par ses supérieurs, il s’est naturellement tourné vers la Chine qui pratique des prix « ridicules » grâce à la fraude.[12]

Courant 2017, cinq députés européens ont adressé à la Commission Européenne une question sur le miel frelaté. En effet, selon ces derniers, ce produit serait le troisième mondial le plus modifié/altéré. De plus, ils soulèvent le préjudice considérable que ces fraudes engendrent aux apiculteurs européens qui voient leurs produits authentiques délaissés au profit de miels étrangers à moindre coût certes, mais certainement adultérés. [13]

Ainsi, la rentabilité de la fraude résulterait de la différence de prix entre du miel authentique et celui allongé de sirop. Selon le Centre commun de recherche, la valeur moyenne unitaire de l’UE du miel importé était de 2,32 € / kg en 2021. En revanche, les sirops de sucre à base de riz sont eux estimés à environ 0,40 à 0,60 € / kg soit un quart d’un produit pur. [14]

En 2014, l’Union Fédérale des Consommateurs-Que Choisir (association française à but non lucratif créée en 1951, doyenne des associations de consommateurs d’Europe occidentale)[15] et l’Union Européenne ont effectué des tests avant de constater que sur « 20 miels premier prix » achetés dans diverses enseignes, six représentent une fraude d’adultération par l’ajout de sucre exogène. Il s’agit notamment de pointer le premier pays d’origine producteur, la Chine. [16][17]

En 2013 entre avril et décembre, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait déjà enquêté sur 138 prélèvements de miels effectués auprès des principaux acteurs du secteur : importateurs, grossistes, centrales d’achat ainsi que les apiculteurs sur les marchés et les foires, GMS et commerces de détail. L’échantillonnage retenu couvrait des miels de France (24 %), autres pays de l’UE (21.3 %), ainsi que de mélanges intra et extracommunautaires (31.6 %), les miels extracommunautaires (11.8%) ainsi que des produits n’ayant pas d’origine précise (11.3%). Selon leurs résultats : plus d’un miel sur dix est adultéré et donc non-conforme ou non satisfaisant. Quatre prélèvements doivent être surveillés car, contenant une faible teneur en turanose, un risque d’ajout de sucre est élevé. Quatre autres doivent également être surveillés en raison du rapport isotopique qui a révélé une adultération par l’ajout d’un sucre exogène probable.[18]

La situation en Suisse

En 2017, l’émission « On en parle » (RTS—LA 1Ère) a testé 20 miels étrangers premier prix achetés en grandes surfaces. Les analyses selon la méthode RMN ont démontré qu’aucun échantillon ne s’est avéré être victime d’adultération. Ces résultats étaient d’autant plus surprenants qu’en juillet 2017, la Commission de l’agriculture du Parlement européen soutenait que le miel « est, par ordre d’importance, le troisième produit le plus contrefait dans le monde ». [19]

Cette situation peut être expliquée par la décision prise par le plus gros importateur suisse de miel, la société Narimpex, qui a renoncé à un approvisionnement en Chine.[20] En effet, comme dit en préambule, la Chine est le premier importateur de miel frauduleux selon la Commission de l’agriculture du parlement européen. Traiter avec cet acteur est périlleux si l’on souhaite garantir un miel authentique.

En 2015, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a effectué une campagne nationale de détection des pratiques frauduleuses dans la commercialisation des miels et des poissons en collaboration avec les autorités d’exécution du Liechtenstein. Cette campagne porte sur 96 échantillons de miels. Selon le résumé du rapport publié le 4 décembre 2015 de l’OSAV, il en ressort que 24 % des résultats sont non-conformes mais qu’au vu de la complexité des évaluations, seuls 13.5 % ont réellement été contestés. Enfin, dans 9 % des échantillons analysés, des origines géographiques incorrectes sont mentionnées, un chauffage excessif du produit est constaté ainsi que des contaminations par des composants exposés et un ajout de sucres ont été relevés. [21]

Cadre juridique suisse

La législation suisse en matière de denrées alimentaires se fonde sur la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels (LDAI : RS 817.0) [22]. En parallèle à l’entrée en vigueur de cette loi, une première ordonnance sur les denrées alimentaires et objets usuels (ODAIOUs ; RS 817.02)[23] a vu le jour. A sa lecture, il est notifié que le Département Fédéral de l’Intérieur (DFI) doit légiférer, notamment pour : préciser les animaux disposés à produire des aliments (art. 9 ODAIOUs) ainsi que définir des termes spécifiques pour des groupes d’aliments ou encore des exigences applicables dans le but de garantir un niveau sanitaire correct et de protéger les consommateurs contre la tromperie (art. 14 al. 1 ODAIOUs).

Pour faire suite à cette nécessité de légiférer, l’ordonnance du DFI sur les denrées alimentaires d’origine animale (ODAIn ; RS 817.022.108)[24] a complété la mise en œuvre du cadre juridique suisse. Elle contient notamment : la définition du miel (art. 96 ODAIAn), les obligations relatives à son étiquetage (art. 98 ODAIAn), ainsi que les exigences relatives à sa composition (art. 97 ODAIAn – annexe 7 ODAIAn). Ces dernières sont, par exemple : sa teneur en sucre, sa teneur en eau ainsi que sa teneur en acides libres. Cette annexe mentionne également que « le miel ne peut faire l’objet d’aucune addition de substance autre que du miel ».[25]

Outre ces vérifications, il est demandé un autocontrôle (art. 26 LDAI). Il est exigé que les acteurs veillent au bon respect de la loi. Au niveau des contrôles officiels mentionnés dans la LDAI (art. 30 LDAI), ils sont complétés par l’ordonnance sur le plan de contrôle national de la chaîne alimentaire et des objets usuels (OPCN : RS 817.032) qui mentionne un contrôle officiel avec un intervalle maximum de 4 ans pour le miel.[26] 

De ce fait, les autorités d’exécution notifient le résultat du contrôle. Dans le cas d’une infraction à la LDAI, elles ont la liberté de dénoncer l’acte dans des cas de faible gravité (art. 37 al. 2 LDAI).

Toutefois, si une infraction à la LDAI est constatée et que les autorités d’exécution dénoncent le cas, en vertu de l’article 37 al. 1 LDAI, le mis en cause est poursuivi pénalement en vertu des articles 63 et suivants LDAI. L’auteur de l’infraction risque dès lors une amende de 40’000 CHF au maximum (art. 64 LDAI). En revanche, si l’auteur de l’acte est qualifié comme professionnel du métier ou qu’il agit dans l’intention de s’enrichir, l’amende peut aller jusqu’à CHF 80’000.00 (art. 64 al.2 LDAI). A noter que les produits importés sont également soumis à la présente loi (art. 38 LDAI).

Enfin, certaines dispositions du Code pénal suisse (CP ; RS 311.0) sont susceptibles de s’appliquer, tel que l’art. 155 CP portant sur la « falsification de marchandises ».[27] Cet article vise à punir les actes de tromperie, soit : toutes marchandises que l’acquéreur n’aurait pas achetées s’il avait conscience de la réalité. Cette infraction est appliquée uniquement si l’acte ne tombe pas sous le coup d’une disposition plus sévère.

Les dispositions de la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels (art. 63 et suivants LDAI) sont communément appelées des dispositions de droit pénal accessoire. Celles-ci peuvent donc être parfaitement combinées avec l’article 155 CP. En effet, cette dernière disposition n’a pas de champ d’application limité ; un auteur peut être rendu coupable à la fois d’une disposition du droit pénal accessoire ainsi que l’article 155 CP. [28] La sanction de l’art 155 al. 1 CP prévoit une peine privative de liberté de 3 au plus ou d’une peine pécuniaire. En revanche, l’art 155 al. 2 CP, destiné aux auteurs qui en font métier, prévoit une peine privative de liberté de 5 au plus ou d’une peine pécuniaire.

Cadre juridique européen

Le miel fait l’objet d’une vaste réglementation de l’Union européenne, notamment grâce à des règlements ou de directives qui couvrent tant la composition du miel que l’étiquetage, ou encore les critères physico-chimiques servant à en déterminer la qualité.

D’ailleurs, la directive 2001/110/CE[29] adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 20 décembre 2001 a pour objet de garantir la qualité et l’authenticité du miel en son sein. Elle établit donc des règles d’étiquetage claires et précises, notamment concernant son origine, sa composition, sa qualité et son mode de production. Toute adjonction de sucre ou d’autres substances doit formellement apparaître. Son annexe II définit les « caractéristiques de composition des miels » en précisant notamment qu’ils ne doivent pas « présenter de goût étranger ou d’odeur étrangère, ni avoir commencé à fermenter, ni présenter une acidité modifiée artificiellement, ni avoir été chauffés de manière que les enzymes naturels soient détruits ou considérablement inactivés. »

Déjà en 2013, l’Union européenne avait édicté le Règlement référencé 1308/2013[30] qui établit une organisation commune des marchés des produits agricoles dont le marché du miel. Celui-ci reprenait la définition du miel de la directive 2001/110/CE et fixait des normes de qualité en plus des règles relatives aux échanges intra européens.

Ces éléments (définition, norme de qualité et règles pour la commercialisation), ainsi que la mention expresse que l’Europe interdit l’ajout du sucre dans le miel, homologuent la législation suisse (cf. annexe 7 ODAIAn).

Conclusion

En définitive, la Suisse en opposition à ses voisins européens ne semble pas concernée par cette fraude massive, et ce, en dépit d’une législation relativement similaire.

Cette garantie est assurée par l’autorégulation sur le terrain, notamment grâce à la forte implication du géant national en matière d’importation de miels, Narimpex. Ce dernier nous permet de prendre conscience de l’importance de l’autocontrôle et de la diligence des importateurs à l’égard de la loi. Au contraire, en France, les aveux de Christophe Brusset ex-négociant pour l‘industrie agroalimentaire, démontrent que, si les importateurs ne sont pas scrupuleux vis-à-vis de la loi, les fraudes sont massives.Enfin, les avancées analytiques apparues au moyen de la technologie RMN ne sont pas négligeables : elles allouent des détections plus précises.

Par conséquent, l’ensemble de ces éléments (autocontrôle, diligence et méthode RMN) traduit autant de sources de succès dans la lutte contre cette fraude alimentaire qui, reste considérée comme à faible risque pour la santé humaine.


[1] MA RTS, 2023. La Suisse veut durcir la répression contre la fraude alimentaire. Ma RTS [en ligne]. 8 février 2023. [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible à l’adresse : La Suisse veut durcir la répression contre la fraude alimentaire – rts.ch – Suisse

[2] ITSAP, 2017. Les différents types de fraudes sur le miel. ITSAP institut de l’abeille [en ligne].9 juin 2017. [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible à l’adresse : Les différents types de fraudes sur le miel – ITSAP (blog-itsap.fr)

[3] LA QUOTIDIENNE repris par SAMEDI A TOUT PRIX, 2018. Miels industriels : attention aux fraudes. Youtube [en ligne]. 10 janvier 2018.  [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://youtu.be/0WBakOorGzM

[4] Ordonnance du DFI sur les denrées alimentaires d’origine animale. (ODAIAn : RS 817.022.108). Les autorités fédérales de la confédération suisse [en ligne]. 16 décembre 2016. Mise à jour le 1er juillet 2020. [Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : RS 817.022.108 (admin.ch)

[5] RIVET BONJEAN, Marie, 2017. Les différents types de sucres [en ligne]. Octobre 2017. Mise à jour le 11 mars 2022. La Nutrition [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible à l’adresse : Les différents types de sucres | LaNutrition.fr

[6] SAUTEBIN, Sébastien, 2017. Ils n’ont pas été trafiqués avec du sucre [en ligne]. 4 octobre 2017. Mise à jour le 4 octobre 2022.  Bon à savoir. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Ils n’ont pas été trafiqués avec du sucre – Article – bonasavoir.ch

[7] ACTALIA, 2020. Détection de l’adultération du miel. ACTALIA [en ligne].29 avril 2020. [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible à l’adresse : Détection de l’adultération du miel Actalia

[8] ITSAP-COM, 2017. La RMN au service de la détection de fraude d’adultération du miel. ITSAP institut de l’abeille [en ligne].  5 mai 2017. [Consulté le 1er avril 2023]. Disponible à l’adresse : La RMN au service de la détection de fraude d’adultération du miel – ITSAP (blog-itsap.fr)

[9] EUROFINS SCIENTIFIC, 2013. Fraude dans le Miel [en ligne].18 février 2023. [Consulté le 1er avril 2023] Disponible à l’adresse : Fraude dans le Miel – Eurofins France

[10] EUROFINS SCIENTIFIC, 2023. 46 % des miels importés en Europe soupçonnés de fraude ! [en ligne]. 29 mars 2023. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : 46% des miels importés en Europe soupçonnés de fraude ! – Eurofins France

[11] CENTRE COMMUN DE RECHERCHE, 2023. Fraude alimentaire : à quel point votre miel est-il authentique [en ligne]. 23 mars 2023. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Fraude alimentaire: à quel point votre miel est-il authentique? (europa.eu)

[12] FOODWATCH, 2023. Fraude alimentaire : un miel sur deux importé en Europe serait frauduleux et souvent pas détecté. Comment savoir lequel ? [en ligne]. 7 avril 2023. [Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Fraude alimentaire : un miel sur deux importé en Europe serait frauduleux et souvent pas détecté. Comment savoir lequel ? : Foodwatch FR

[13] LADEPECHE.FR. 2017. Miel frelaté deux députés européens du Sud-Ouest saisissent la commission européenne. LADEPECHE.FR [en ligne]. 6 septembre 2017 à 15h35. Mise à jour le 7 septembre 2017 à 08h17. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Miel frelaté: deux députés européens du Sud Ouest saisissent la commission européenne – ladepeche.fr

[14] CENTRE COMMUN DE RECHERCHE, 2023. Fraude alimentaire : à quel point votre miel est-il authentique [en ligne]. 23 mars 2023. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Fraude alimentaire: à quel point votre miel est-il authentique? (europa.eu)

[15] UFC-QUE CHOISIR. Qui sommes-nous ? [en ligne]. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : UFC-Que Choisir – Qui sommes-nous ? – Présentation – UFC-Que Choisir

[16] UNION NATIONALE DE L’APICULTURE FRANCAISE et UFC-QUE CHOISIR, 2017. MIEL : pour une réelle traçabilité ! [en ligne]. 19 octobre 2017.[Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Microsoft Word – CP_2017-10-19_UNAF_UFC_QUE_CHOISIR.docx (unaf-apiculture.info)

[17] BLEU BLANC RUCHE. 2019. Miel frelatés et adultérés le rapport inquiétant sur le miel dans le monde. Bleu blanc ruche [en ligne]. 22 mai 2019. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : MIELS FRELATÉS ET ADULTÉRÉS LE RAPPORT INQUIÉTANT SUR LE MIEL DANS LE – bleublancruche (bleu-blanc-ruche.fr)

[18] DIRECTION GENERALE DE LA CONCUCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA REPRESSION DES FRAUDES, 2015. La qualité des miels [en ligne]. 4 février 2015. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : La qualité des miels | economie.gouv.fr

[19] SAUTEBIN, Sébastien, 2017. Ils n’ont pas été trafiqués avec du sucre [en ligne]. 4 octobre 2017. Mise à jour le 4 octobre 2022.  Bon à savoir. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Ils n’ont pas été trafiqués avec du sucre – Article – bonasavoir.ch

[20] Miel étranger pas trafiqué [émission radio]. Ma RTS [en ligne]. 4 octobre 2017. [Consulté le 2 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Miel étranger pas trafiqué – RTS.ch

[21] OFFICE FEDERAL DE LA SECURITE ALIMENTAIRE ET AFFAIRES VETERNIAIRES, 2015. Contrôle anti-Fraude. Résumé de rapport : Campagne nationale de détection des pratiques frauduleuses dans la commercialisation des miels et des poissons [en ligne].4 décembre 2015. 22 avril 2016 [Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : Statistiques et rapports sur la sécurité des aliments (admin.ch)

[22] Loi fédérale du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires et les objets usuels. (LDAI ; RS 817.0). Les autorités fédérales de la confédération suisse [en ligne]. 20 juin 2014. Mise à jour le 1er mai 2017. [Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : RS 817.0 (admin.ch)

[23] Ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels. (ODAIOUs : RS 817.02). Les autorités fédérales de la confédération suisse [en ligne]. 16 décembre 2016. Mise à jour le 1er juillet 2020. [Consulté le 8 avril 2023] Disponible à l’adresse : *RS 817.02 (admin.ch)

[24] Ordonnance du DFI sur les denrées alimentaires d’origine animale. (ODAIAn : RS 817.022.108). Les autorités fédérales de la confédération suisse [en ligne]. 16 décembre 2016. Mise à jour le 1er juillet 2020. [Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : RS 817.022.108 (admin.ch)

[25] Ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels. (ODAIOUs : RS 817.02). Les autorités fédérales de la confédération suisse [en ligne]. 16 décembre 2016. Mise à jour le 1er juillet 2020. [Consulté le 8 avril 2023] Disponible à l’adresse : *RS 817.02 (admin.ch)

[26] Ordonnance sur le plan de contrôle national de la chaîne alimentaire et les objets usuels (OPCN : RS 817.032). Les autorités fédérales de la confédération suisse [en ligne]. 16 décembre 2016. Mise à jour le 1er janvier 020. [Consulté le 8 avril 2023] Disponible à l’adresse : RS 817.032 (admin.ch)

[27] Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP : RS 311.0). Les autorités fédérales de la confédération suisse [en ligne]. 21 décembre 1937. Mise à jour le 23 janvier 2023. [Consulté le 8 avril 2023] Disponible à l’adresse :  RS 311.0 – Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (admin.ch)

[28] Message sur la mise en œuvre des recommandations révisées du Groupe d’action financière (GAFI), 2007. Le Conseil fédéral suisse [en ligne]. 15 juin 2007. [Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : FF 2007 5919 – Message sur la mise en œuvre des recommandations révisées du Groupe d’action financière (GAFI) (admin.ch)

[29] Directive 2001/110/CE du Conseil du 20 décembre 2001 relative au miel. Le Conseil de l’union européenne [en ligne].20 décembre 2001.[Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32001L0110&from=FR

[30] Règlement 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013. Le Parlement européen et du Conseil [en ligne]. 17 décembre 2013. [Consulté le 8 avril 2023]. Disponible à l’adresse : EUR-Lex – 32013R1308 – EN – EUR-Lex (europa.eu)

Les abus autour de la « Swissness »

mardi 04 Avr 2023

Par Sandrine Gomes, étudiante BsC in Business Law

La fraude alimentaire est en pleine expansion ces dernières années et est souvent méconnue des consommateurs. Les médias ont notamment reporté ces derniers temps le cas des lasagnes de bœuf à la viande de cheval ou celui du thon injecté de produits chimiques pour le rendre plus rouge. La Suisse est loin d’être épargnée par ce phénomène, par exemple lors de fausse indication sur les étiquettes de marchandises, comme les labels « fait maison » ou « Suisse garantie ». De nombreuses marchandises venant de l’Union européenne peuvent être vendues dans le pays sans aucun contrôle additionnel pour autant qu’elles respectent les prescriptions suisses, selon le principe du Cassis de Dijon.

Le principe du Cassis de Dijon a été introduit pour simplifier l’importation de marchandises européennes à certaines conditions vers la Suisse[1]. L’application de la règle est soumise à la Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC ; RS 946.51) et à l’Ordonnance sur la mise sur le marché de produits fabriqués selon des prescriptions étrangères (OPPEtr ; RS 946.513.8)[2].

La fraude alimentaire peut être définie comme l’addition, la substitution ou toute autre action intentionnelle qui modifie les aliments ainsi que toute information erronée indiquée ou supprimée des étiquettes des produits, que ce soit lors de la phase de fabrication, de transformation, de conditionnement ou de distribution. Le but de ces actions est de tromper le consommateur et d’obtenir un avantage économique tout en violant les lois[3].

La fraude alimentaire présente de nombreuses conséquences, dont voici une liste non exhaustive :

  • Provoquer une perte de confiance des consommateurs envers l’industrie agroalimentaire. Ceci peut, notamment, se provoquer lorsqu’un producteur indique la croix suisse sur une barquette de poulet alors que l’animal a été élevé en Hongrie.
  • Nuire aux pratiques commerciales loyales. Un produit dont la fabrication a été faite de manière frauduleuse sera vendu moins cher sur le marché et donc potentiellement plus attractif, ce qui est déloyal à l’égard des concurrents qui n’ont pas triché.
  • Causer un risque pour la santé des consommateurs. Il s’agit d’une des conséquences les plus dangereuses, elle peut avoir lieu si une substance potentiellement toxique est injectée dans le poisson pour le rendre plus esthétique, par exemple.

Cet article s’intéresse aux mesures mises en place pour améliorer la protection de la qualité « Swissness » dans le domaine alimentaire.

Les fraudes alimentaires relatives à la législation « Swissness »

En Suisse, il existe plusieurs moyens d’indiquer la provenance sur une marchandise. Premièrement, la désignation textuelle du terme « Suisse » tout seul ou avec d’autres expressions, telles que « made in Switzerland » ou « qualité suisse ». Deuxièmement, sous forme graphique en utilisant les emblèmes qui représentent la Suisse, tels que la croix suisse ou le Cervin[4].

Les produits helvétiques représentent la qualité et la fiabilité pour les consommateurs. La Suisse dispose d’une réputation exceptionnelle tant en Suisse qu’à l’étranger, elle représente le savoir-faire et la tradition. Cette renommée, qui attire de nombreuses personnes, engendre en parallèle une augmentation de son usage frauduleux, ce qui lui fait perdre de la valeur et de la crédibilité[5], [6], [7].

Il existe, par ailleurs, le label « Swiss made » protégé par le droit des marques en Suisse et à l’étranger, qui permet à ses membres de bénéficier d’une certaine compétitivité et notoriété sur les marchés. Les entreprises utilisant ce label s’engagent à respecter la législation « Swissness ». Des contrôles de qualité sont effectués chaque année afin de surveiller que c’est bien le cas[8]. De plus, cette certification permet aux producteurs de vendre leurs marchandises à des prix plus élevés qu’un produit équivalent[9], [10].

En ce qui concerne l’indication de provenance géographique suisse, en règle générale, quiconque peut l’exploiter sans autorisation si les conditions définies par la loi examinées ci-dessous[11] sont respectées. En revanche, il est interdit d’utiliser une indication de provenance fausse ou d’induire les consommateurs en erreur d’une quelconque manière (art. 47 al. 3 LPM)[12].

D’autre part, il est interdit d’employer les armoiries de la Confédération, car leur utilisation est réservée aux collectivités publiques (art. 8 LPAP)[13].

Cadre juridique suisse

Pour éviter toute utilisation abusive de l’appellation « Swiss made » et pour la protéger davantage, la législation « Swissness » est entrée en vigueur le 01.01.2017[14], [15]. Il s’agit du résultat des modifications apportées à la Loi sur la protection des marques (LPM ; RS 232.11) et la révision totale de la Loi sur la protection des armoiries (LPAP ; RS 232.21)[16]. Cette réglementation fixe les conditions que les marchandises doivent respecter pour pouvoir porter la croix suisse ou l’indication « Suisse ». La législation suisse n’exige aucune autorisation et aucun contrôle pour pouvoir les utiliser. Il est uniquement requis de se conformer au droit et de pouvoir le prouver devant les tribunaux[17], [18].

La législation « Swissness » se base sur la Loi sur la protection des marques, plus précisément sur les articles 47 et suivants[19]. Les produits y sont répartis en trois catégories : les produits naturels, les denrées alimentaires et les produits industriels[20], [21].

Tout d’abord, dans la catégorie des produits naturels, nous trouvons toutes les matières dites premières, comme le sel, les fruits, la viande de bœuf ou de cerf et les œufs. Ensuite, l’art. 4 al. 1 LDAI définit les denrées alimentaires comme étant les produits dont on doit s’attendre à ce qu’ils soient ingérés par l’être humain, nous pouvons citer comme exemples, le pain et les pâtes[22]. Enfin, les produits industriels sont toutes les marchandises qui n’entrent pas dans les catégories de produits naturels et de denrées alimentaires.

Les conditions imposées par la Loi sur la protection des marques pour porter l’indication « Suisse » sont les suivantes :

  • Pour les produits naturels (art. 48a LPM), la provenance du produit est définie en fonction du lieu d’où il provient et celui-ci doit être en Suisse pour porter l’indication (par ex. : lieu où les animaux ont passé la majeure partie de leur existence, pour la viande qui en est issue).
  • Au moins 80 % du poids des matières premières des denrées alimentaires doit provenir de Suisse (art. 48b al. 1 LPM). En ce qui concerne le lait et les produits laitiers, c’est le 100 % du poids du lait qui les composent (art. 48b al. 2 LPM). La loi exige également que le lieu de transformation de la denrée alimentaire soit sur le territoire helvétique (par ex. : transformation du lait en fromage) (art. 48b al. 5 LPM). Il existe des exceptions à ces clauses pour les produits naturels qui ne peuvent pas être produits dans le pays en raison des conditions naturelles (par ex. : cacao) ou des quantités insuffisantes (par ex. : cas de gel qui détruit la production d’abricots) (art. 48b al. 3 LPM).
  • En ce qui concerne les autres produits industriels, au moins 60 % des coûts de revient du produit doivent être générés en Suisse (art. 48c al. 1 à 3 LPM). De plus, le lieu où s’est déroulée l’activité qui a conféré au produit ses caractéristiques essentielles ou, en tout cas, une étape significative doit y être accompli également (art. 48c al. 4 LPM).

Sanctions juridiques

L’article 64 LPM sanctionne quiconque utilise intentionnellement une indication de provenance inexacte ou susceptible de confusion ou qui crée un risque de tromperie. Elle prévoit une peine privative de liberté d’un an au plus ou une peine pécuniaire. Si l’auteur agit dans sa profession, la peine maximale est une peine privative de liberté de cinq ans au plus et une peine pécuniaire.  

En cas de présomption d’abus, ce sont principalement les particuliers, l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières ou les ambassades suisses à l’étranger qui signalent l’affaire à l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI)[23]. L’IPI défend l’indication d’origine « Suisse » au niveau national et international avec l’aide d’autres autorités et en collaboration avec les associations et les entreprises. La plupart se sont réunies sous l’association « Swissness Enforcement »[24], dont nous parlerons plus en détail ci-dessous. L’Institut peut dénoncer pénalement ou engager une procédure civile contre toute utilisation abusive de l’indication de provenance helvétique. Par ailleurs, les associations professionnelles ainsi que les organisations de défense des consommateurs peuvent aussi introduire une action civile, afin de dénoncer les abus[25], [26].

À la suite d’une dénonciation, l’IPI informe par écrit la personne ou l’entreprise en faute que son comportement est contraire à certaines bases légales et lui demande de faire les ajustements nécessaires afin de se mettre en conformité[27].

L’association « Swissness Enforcement » qui réunit les secteurs privé et public agit lorsque des abus interviennent à l’étranger. Pour lutter contre les abus, les membres de l’association, qui se comptent à ce jour à treize, agissent lorsque l’IPI, les ambassades suisses ou les consommateurs leur signalent d’éventuels abus[28], [29]. Certains membres possédant un mandat de surveillance opèrent en faisant analyser les registres des droits de propriété intellectuelle. Lorsque l’association détecte un abus, elle envoie une lettre d’avertissement à l’entreprise, avant d’entreprendre d’autres actions[30].

Lacunes

Le rapport de la Confédération qui fait suite aux études qu’elle a ordonnées en 2020 montre que la réglementation « Swissness » a permis un recul des utilisations abusives des indications de provenance suisses[31].

Cependant, il en ressort, en particulier à l’étranger, que des actions telles que la conclusion de nouveaux accords bilatéraux ou l’amélioration de l’information au sein des États avec qui la Suisse a déjà une convention restent malgré tout requises, pour continuer à lutter contre la fraude[32], [33].

En effet, la législation « Swissness » n’est pas applicable à l’extérieur du territoire national, en raison du principe de territorialité (principe selon lequel le champ d’application d’une loi se limite à l’espace territorial de l’État )[34], la Confédération a déjà conclu des accords bilatéraux avec certains pays, ce qui assure une protection des indications de provenance suisses dans ces États signataires[35]. Par exemple, des accords ont été conclus avec l’Allemagne[36] et la France[37], entre autres. Toutefois, sa préservation à l’étranger reste relativement compliquée.

Il est assez fréquent de retrouver en dehors de nos frontières, un fromage appelé « fromage suisse » ou un chocolat dit suisse par exemple, mais dont le lait utilisé à leur fabrication n’a aucune origine helvétique[38].

Conclusion et recommandations

Les lois qui défendent la « Swissness » représentent une bonne avancée dans la lutte contre l’utilisation abusive des indications de provenance suisses. Toutefois, cela n’est pas encore satisfaisant. Les différentes recherches effectuées sur la thématique de la « Swissness » m’ont permis de constater différentes lacunes. Quelques recommandations personnelles pour améliorer la protection du « Swiss made » sont développées ci-dessous.

Au niveau national, il serait intéressant d’introduire des contrôles systématiques afin de vérifier que les entreprises qui utilisent la « qualité suisse » le font en respectant la réglementation « Swissness ». Ces inspections devraient être effectuées annuellement par l’IPI et consisteraient à contrôler que toutes les entités qui utilisent l’indication de provenance suisse le fassent conformément à la législation précitée. Ces établissements devraient être inscrits dans un registre afin de faciliter la vérification. Cette mesure aurait pour effet de réduire la tentation des fraudeurs concernant l’indication de provenance suisse.

Au niveau international, la Confédération pourrait modifier les accords bilatéraux actuels qu’elle a avec certains États (mentionnés ci-dessus), en y ajoutant la compétence qui lui donnerait la possibilité de mandater des organisations, telle que « Swissness Enforcement », pour qu’elles effectuent des examens approfondis à l’étranger. Les États signataires devraient fournir les informations nécessaires aux associations afin qu’elles puissent effectuer ces vérifications. Ceci permettrait d’avoir un contrôle sur l’utilisation du « Swiss made » et de lutter contre son utilisation frauduleuse en dehors de nos frontières.

Enfin, une campagne de sensibilisation au niveau du grand public améliorerait la lutte contre l’emploi frauduleux de l’indication de provenance suisse. Elle pourrait être sous forme de pancartes devant les magasins alimentaires et de spots publicitaires qui passeraient sur les chaînes de télévision suisses. Ces messages informeraient les citoyens de l’existence de la législation « Swissness » en indiquant les règles établies par la Loi sur la protection des marques (mentionnées ci-dessus)[39]. Il serait également intéressant que l’IPI élabore une directive qui indique les détails auxquels les personnes doivent faire attention pour détecter une éventuelle fraude, celle-ci pourrait être ensuite ajoutée à la campagne de sensibilisation. Grâce à cela, les consommateurs seraient plus attentifs aux produits qu’ils achètent et pourraient dénoncer les potentiels abus.

Il est très difficile de trouver des cas concrets d’utilisation abusive des indications de provenance. La transparence des instituts et des autorités envers les citoyens serait un atout. Comme indiqué dans mes recommandations personnelles ci-dessus, les citoyens pourraient jouer un rôle essentiel pour contrer le non-respect de la réglementation « Swissness ». De plus, la publication d’une liste indiquant les entreprises qui ont fraudé ou qui ne sont pas conformes à la loi pourrait les inciter à ne pas tricher ou à s’y conformer rapidement, afin d’éviter de la mauvaise publicité et la perte de clients. 


[1] Femina (Comby, G), 2021. Fraudes alimentaires : ce que nous mangeons sans le savoir. https://www.femina.ch/societe/actu-societe/fraudes-alimentaires-ce-que-nous-mangeons-sans-le-savoir [Consulté le 17.12.2022].

[2] Admin (Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires OSAV). 2016. Principe du Cassis de Dijon. https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/import-und-export/rechts-und-vollzugsgrundlagen/cassis-de-dijon.html [Consulté le 26.12.2022].

[3] Foodwatch (foodwatch France). 2022. Fraude alimentaire : que se cache-t-il derrière ce scandaleux tabou ? https://www.foodwatch.org/fr/sinformer/nos-campagnes/transparence-et-scandales/fraude-alimentaire/fraude-alimentaire-definition-enjeux-et-chiffres/ [Consulté le 17.12.2022].

[4] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). 2022. Utilisation de la « marque Suisse » à des fins publicitaires. https://www.ige.ch/fr/proteger-votre-pi/indications-de-provenance/notions-fondamentales/marque-suisse [Consulté le 26.12.2022].

[5] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). 2022. La législation « Swissness ». https://www.ige.ch/fr/droit-et-politique/evolutions-nationales/indications-de-provenance/indications-de-provenance-suisses [Consulté le 26.12.2022].

[6] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). s.d. Contexte et objectifs. https://www.ige.ch/fr/droit-et-politique/evolutions-nationales/indications-de-provenance/indications-de-provenance-suisses/contexte-et-objectifs [Consulté le 25.03.2023].

[7] PWC (Tsalas, N). 2022. Les marques et la nouvelle réglementation Swissness. https://www.pwc.ch/fr/insights/reglementation-swissness.html [Consulté le 26.12.2022].

[8] Swiss Label. s.d. https://www.swisslabel.ch/fr/ [Consulté le 25.03.2023].

[9] Portail PME (Confédération suisse). 2022. « Swissness » : des critères clarifiés. https://www.kmu.admin.ch/kmu/fr/home/savoir-pratique/gestion-pme/etiquetage/swissness.html [Consulté le 26.12.2022].

[10] Réf. 6.

[11]  Admin (Office fédéral de l’agriculture OFAG). 2022. Swissness. https://www.blw.admin.ch/blw/fr/home/instrumente/kennzeichnung/swissness.html [Consulté le 26.12.2022].

[12] Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM ; RS 232.11).

[13] Loi du 21 juin 2013 sur la protection des armoiries de la Suisse et des autres signes publics (LPAP ; RS 232.21).

[14] Réf. 9.

[15] Ma RTS (émission ABE). 2021. Swissness : le label suisse et les autres. https://pages.rts.ch/emissions/abe/11924808-swissness-le-label-suisse-et-les-autres.html [Consulté le 26.11.2022].

[16] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). 2022. « Swissness » : des règles claires pour la « marque Suisse ». https://www.ige.ch/fr/droit-et-politique/evolutions-nationales/indications-de-provenance/indications-de-provenance-suisses/swissness [Consulté le 26.12.2022].

[17] Réf. 5.

[18] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). 2022. Que fait l’IPI en cas d’abus ? https://www.ige.ch/fr/proteger-votre-pi/indications-de-provenance/lutte-contre-les-abus/que-fait-lipi [Consulté le 26.12.2022].

[19] Art. 47 LPM.

[20] Réf. 11.

[21] Art. 47 et ss LPM.

[22] Loi fédérale du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires et les objets usuels (LDAI ; RS 817.0).

[23] « L’IPI est le centre de compétence de la Confédération pour toutes les questions touchant aux brevets, aux marques, aux indications de provenance géographiques, aux designs et au droit d’auteur. ». IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). 2022. Portrait. https://www.ige.ch/fr/portrait [Consulté le 26.12.2022].

[24] Swissness Enforcement. s.d. Membres. https://enforcement.swiss/fr/ueber-uns/membres/ [Consulté le 25.03.2023].

[25] Réf. 18.

[26] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). 2022. Lutte contre les abus https://www.ige.ch/fr/proteger-votre-pi/indications-de-provenance/lutte-contre-les-abus [Consulté le 26.12.2022].

[27] Réf. 18.

[28] Swissness Enforcement. s.d. https://enforcement.swiss/fr/taetigkeitsgebiet/ [Consulté le 27.12.2022].

[29] La Vie économique (Stärkle, D). 2021. Ensemble contre l’utilisation abusive du label suisse à l’étranger. https://dievolkswirtschaft.ch/fr/2021/03/ensemble-contre-lutilisation-abusive-du-label-suisse-a-letranger/ [Consulté le 26.12.2022].

[30] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle) (Heib A.). 2023. « Nous devons défendre l’“indication de provenance Suisse” aussi à l’étranger ». https://www.ige.ch/fr/blog/articles-du-blog/wir-muessen-swissness-auch-im-ausland-verteidigen [Consulté le 25.03.2023].

[31] Admin (Conseil Fédéral ; Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche ; Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle ; Département fédéral de justice et police). 2020. La « marque Suisse » est bien protégée. https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-81687.html#downloads [Consulté le 26.12.2022].

[32] Réf. 31.

[33] Admin (Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle). 2021. Unis contre les utilisations abusives de l’indication de provenance « Suisse » : collaboration entre l’IPI et l’économie d’exportation suisse. https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-82946.html [Consulté le 26.12.2022].

[34]Dictionnaire du droit privé (Braudo, S). 2022. Définition de Territorialité. https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/territorialite.php [Consulté le 28.12.2022].

[35] IGE | IPI (Institut Fédéral de la Propriété intellectuelle). s.d. Accords bilatéraux sur les indications géographiques et les indications de provenance. https://www.ige.ch/fr/droit-et-politique/evolutions-internationales/accords-bilateraux/accords-sur-les-indications-geographiques [Consulté le 25.03.2023].

[36] Traité conclu le 7 mars 1967 entre la Confédération Suisse et la République fédérale d’Allemagne sur la protection des indications de provenance et d’autres dénominations géographiques (RS 0.232.111.191.35).

[37] Traité conclu le 14 mai 1974 entre la Confédération Suisse et la République Française sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques (RS 0.232.111.193.49).

[38] Réf. 15.

[39] Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM ; RS 232.11).

De la pêche à la fraude

mardi 28 Mar 2023

Par Yann Kurzen, étudiant BsC in Business Law

De nombreux aliments non cultivables en Suisse font partie intégrante du large choix proposé dans nos rayons. Il arrive que ces produits d’origine étrangère présentent des lacunes dans la transparence de leurs traitements. C’est le cas du thon frais. Nécessairement importé, il fait l’objet d’une préoccupation sur l’origine parfois douteuse de sa coloration rouge. La marque indélébile de sa qualité subit une interrogation face l’ingéniosité des fraudeurs capables de développer des techniques afin de tromper les consommateurs. Des analyses effectuées par le laboratoire cantonal de Bâle-Ville[1] révèlent l’utilisation de produits chimiques tels que le monoxyde de carbone, des nitrites ou encore de la vitamine C afin d’obtenir un résultat visuel factice plus attrayant au détriment de sa qualité. Outre l’aspect visuel, des répercussions médicales et éthiques engendrent un intérêt particulier à approfondir cette thématique.

Une analyse des faits permettra de connaître les conséquences d’une coloration artificielle de la viande de thon destinée à la consommation. La déconstruction de cette problématique est nécessaire pour en saisir les éléments impliqués et établir un parallèle juridique.

En premier lieu, il est important de comprendre les raisons d’une coloration artificielle. Lorsqu’elle est fraîche, la viande de thon est rouge. Cependant, les tissus de cette viande s’oxydent très rapidement si elle n’est pas préparée et stockée d’une façon conforme. Si c’est le cas, sa couleur vire au marron ce qui traduit le début de l’oxydation. En conséquence, il est évident que son attrait esthétique devient repoussant et la qualité propre à la consommation est remise en question.

Pour garantir une grande compétitivité malgré la gestion d’un produit aussi exigeant, certains producteurs/intermédiaires souhaitent conserver  des thons qui ne répondent pas/plus aux exigences sanitaires comme relève un article de Europol[2] : « The main risks for consumer health were due to the unsanitary conditions in which the fish was transported and stored ». Après une intervention chimique, ils falsifient le produit au détriment de sa fraîcheur tout en gardant un prix haut de gamme. Cela va même plus loin dans l’aberration sanitaire, car certains thons sont totalement impropres à la consommation, mais sont restaurés artificiellement par l’injection de monoxyde de carbone ou de nitrites. Un prix de vente supérieur peut ainsi être maintenu alors que ce dernier n’est plus corrélé avec sa qualité.

Cette mascarade n’est pas sans conséquence. Les produits utilisés pour « piquer » le thon peuvent varier. Dans les années 2000, le monoxyde de carbone était utilisé pour pallier l’oxydation de la viande[3]. En revanche, après des contrôles sanitaires, les fraudeurs ont adapté leurs méthodes en utilisant des nitrites. Cette composante présente certains risques puisqu’elle serait largement responsable de diverses maladies comme le cancer colorectal[4]. De plus, l’utilisation de l’acide ascorbique (vitamine C) après l’injection de nitrites permet de masquer cette dernière lors d’analyse en laboratoire[5]. Cela complique inévitablement sa détection et donc son contrôle. Le laboratoire de Bâle relève donc que les techniques de dissimulation de ces produits se complexifient. Néanmoins, ces efforts semblent être payants, car d’après Europol, le marché illégal de viande de thon est deux fois supérieur à celui du thon légal[6].

En résumé, une viande apparemment pas ou plus en mesure d’être consommée est artificiellement teintée à l’aide de produit controversé. Cette manipulation permet une vente d’un produit de qualité trompée. Cela offre de multiples points d’appui d’infractions en droit suisse. Bien que les noms de ces sociétés probablement basées à l’étranger restent inconnus, il est intéressant d’étudier la question juridique des entreprises suisses qui en font commerce.

De manière globale, sur la base de l’art. 2 al. 1 let. c. de la Loi sur les denrées alimentaires[7], cette dernière est applicable dans le cas de la vente de thon illégale. Certes, des parties situées à l’étranger sont invoquées ; néanmoins, l’importation de la viande de thon dans nos supermarchés vient témoigner de l’applicabilité de la LDAI.

L’art. 7 al. 1 LDAI délimite que seules les denrées alimentaires sûres peuvent être mises sur le marché suisse. L’art. 2 LDAI apporte des précisions supplémentaires en exigeant que les denrées ne soient pas préjudiciables pour la santé (art. 7 al. 2 let. a LDAI) et qu’elles ne soient pas impropres à la consommation humaine (art. 7 al. 2 let. b LDAI). Or, dans le cas de la viande de thon, celle-ci fait souvent objet de contestations dû à la teneur non autorisée de produits comme le monoxyde de carbone ou de vitamine C (dissimulant une utilisation de nitrites) à la suite d’une oxydation prématurée. La viande combine à la fois l’aspect impropre à la consommation et aussi le côté préjudiciable pour la santé.

De plus, l’art. 18 LDAI vise à protéger le consommateur contre la tromperie en garantissant notamment une transparence vis-à-vis de la composition réelle des produits. En connaissance des examens effectués par le laboratoire cantonal de Bâle-Ville[8] pour détecter l’usage volontairement masqué de nitrites, il est possible d’attester de la volonté réelle de tromperie de certains producteurs de viande de thon.

De ce comportement découlent différentes peines conformément à l’art. 63 al. 1 LDAI, notamment une peine privative de liberté de trois ans au plus. Dans le cas d’espèce, une utilisation non conforme de produits pour teinter la viande de thon est flagrante. Néanmoins, ces derniers ne sont pas formellement interdits dans l’usage alimentaire bien que des répercussions sur la santé soient démontrées. La frontière qui sépare la légalité de l’illégalité reste fine. C’est pour cela que les peines liées à l’entreposage ou la mise sur le marché de denrées dangereuses pour la santé par des acteurs suisses restent discutables.

Un élément qui reste central, mais également discutable est l’analyse sous le point de vue de l’escroquerie (art. 146 CP[9]). Pour les faussaires étrangers qui traitent la viande de thon frauduleusement afin de gonfler le prix, cela ne fait pas de doute. En effet, ils regroupent à la fois l’astuce sur la base d’un traitement artificiel ainsi que la dissimulation de faits vrais sur la fraîcheur de la viande.

En revanche, la chaîne d’approvisionnement est longue avant qu’un produit ne se retrouve sur nos étalages. Il est donc difficile de savoir si les revendeurs suisses de ces viandes savent ou devraient savoir que ces produits présentent des caractéristiques graves dans leurs compositions. Dans le cas où les magasins suisses ont conscience de la nature frauduleuse de la viande, ils pourraient être jugés sous le joug de l’escroquerie (art. 146 CP).

Toujours sous une logique d’un cas de conscience supposé des revendeurs suisses, la falsification de marchandises est présumable : (art. 155 CP) « Celui qui […] notamment en contrefaisant ou en falsifiant ces marchandises, aura importé, pris en dépôt ou mis en circulation de telles marchandises  sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus […] ». La viande est falsifiée, car les producteurs laissent croire, par une transformation chimique, à une valeur supérieure à celle qu’elle est en réalité. Elle est vendue sous un label de thon frais ce qui est manifestement erroné à la suite des traitements utilisés. Par conséquent, bien qu’un revendeur suisse ne soit pas l’auteur de la transformation, il reste néanmoins responsable de ses produits stockés et vendus. Cependant, cet article a une portée subsidiaire et n’est applicable que si aucune autre mesure plus sévère n’a été imposée.

En conclusion, l’opacité du marché de la viande de thon reste complexe dans l’identification des diverses parties et de leurs implications dans le processus alimentaire. Cependant, un revendeur suisse engage sa responsabilité sur ce qu’il importe, stocke et vend. Il est donc de son devoir de s’assurer que les produits sont conformes aux normes sanitaires et que l’étiquetage offre une transparence complète. Dans le cas contraire, ils se heurtent à des comportements illégaux et condamnables.

Sur la base de cet exposé, cet article révèle le risque de la mondialisation sur un des besoins les plus importants : l’alimentation. Ce document expose la teneur grave du manque de transparence dans ce que la population consomme. Cependant, il est difficile de trouver le responsable. Le consommateur veut continuellement des produits frais qui viennent de l’autre bout du monde et le producteur s’acharne à fournir l’impossible pour rester compétitif, même si cela se fait au détriment de la qualité.

Heureusement, des organisations à travers l’Europe se mobilisent pour enquêter et dénoncer ces activités. De l’Europol en passant par divers Instituts comme le laboratoire Cantonale de Bâle ou encore des associations nationales de sécurité alimentaire, tous s’efforcent de déceler ces business de l’ombre qui mettent en danger la santé et la confiance des consommateurs.


[1] KANTON BASEL-STADT, KANTONALES LABORATORIUM, Illegale Färbung von Thunfisch nachgewiesen [en ligne]. 22.12.2021. [Consulté le 15.12.2022]. Disponible à l’adresse : https://www.kantonslabor.bs.ch/nm/2021-illegale-faerbung-von-thunfisch-nachgewiesen-gd.html

[2] EUROPOL, 2018. Europol.europa [en ligne]. 16.10.2018 [Consulté le 15.12.2022]. Disponible à l’adresse : https://www.europol.europa.eu/media-press/newsroom/news/how-illegal-bluefin-tuna-market-made-over-eur-12-million-year-selling-fish-in-spain

[3] CHARRIERE, Roland, 2006. Lettre d’information n° 115 : contestation concernant le poisson traité au monoxyde de carbone, notamment le thon [support]. Bern : OFSP, 09.03.2006.

[4] ANSES, 2022. www.anses.fr [en ligne]. 12.07.2022. [Consulté le 16.12.2022]. Disponible à l’adresse : https://www.anses.fr/fr/content/r%C3%A9duire-l%E2%80%99exposition-aux-nitrites-et-aux-nitrates-dans-l%E2%80%99alimentation

[5] Réf. 1

[6] Réf. 2

[7] Loi fédérale du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires et objets usuels (Loi sur les denrées alimentaires, LDAI ; RS 817.0)

[8] Réf. 1

[9] Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (Code pénal, CP ; 311.0)