Dropshipping – quand l’affaire est trop belle

jeudi 24 Nov 2022

Par une étudiante du MAS en Lutte contre la criminalité économique

Depuis l’expansion d’internet, l’offre de biens et services disponibles sur le web s’est diversifiée et est devenue de plus en plus accessible à tout un chacun. Ces deux dernières années, la pandémie a encore mis l’accent sur la facilité des achats en ligne et son importance en temps de crise.[1]

Aujourd’hui, peu de personnes peuvent encore se targuer de n’avoir jamais rien acheté par le biais du e-commerce. En Suisse, la majorité de la population âgée de 16 à 74 ans a déjà effectué au moins un achat en ligne sur internet.[2]

Ces dernières années, un nouveau mode de fonctionnement dans le commerce en ligne est apparu : le « dropshipping ». Qu’est-ce que c’est ? Comment cela fonctionne ? Pourquoi en parler ? Nous allons dans cet article aborder ces points et expliquer ce qui se cache sous cette méthode de vente en ligne.

Le Dropshipping – définition :

Lorsque l’on souhaite lancer sa boutique de vente en ligne, on n’a toujours pas les fonds nécessaires ni les connaissances pour gérer le stockage des produits que l’on souhaite vendre. Le dropshipping est l’un des moyens pour répondre à cette problématique.

Cette méthode consiste à faire sous-traiter la partie stockage et livraison des produits que l’on souhaite proposer sur son site. Le vendeur ne s’occupe ainsi que de la gestion de son site de vente et éventuellement sa promotion. Le client commande sur le site vendeur, qui transmet ensuite cette commande au fournisseur ou à l’entreprise s’occupant du stock qui va ensuite directement livrer la marchandise au client final. Par ce biais, le vendeur, aussi appelé dropshipper, évite les coûts de gestion de stock, de livraison, mais aussi la problématique du retour de marchandise par le client.[3] À ce jour, de nombreux sites de dropshipping proposent des articles disponibles sur des sites comme Aliexpress ou Wish pour les plus connus[4].

Cette manière de gérer une boutique possède de nombreux avantages, ainsi que des dérives.

Cadre légal du dropshipping et protection du consommateur

La pratique du dropshipping n’a rien d’illégal en Suisse pour autant que les conditions du contrat de vente soient respectées et que l’activité soit déclarée aux autorités fiscales. Les conditions concernant la validité d’un contrat de vente sont exposées dans l’art. 184 ss du Code des obligations (CO)[5]. Elles sont caractérisées par la présence d’une offre de la part du vendeur, l’acceptation de l’offre par l’acheteur, d’un accord de volonté manifesté par les deux parties qui doit être réciproque et concordant.[6] Ainsi, si chacune des parties remplit ses obligations découlant du contrat vente, le vendeur n’a pas l’obligation de posséder en stock la marchandise qu’il propose sur son site.

Lorsque l’acheteur confirme sa commande et effectue le paiement auprès du vendeur, celui-ci va transmettre la commande, ainsi que le montant du prix des articles (au prix fournisseur) de la commande à son fournisseur qui enverra la marchandise à l’acheteur. Le détenteur de la boutique gardera la différence entre le prix catalogue affiché par son fournisseur et le prix affiché sur son e-boutique.

En Suisse, un contrat de vente n’est pas soumis à une forme particulière. Il peut donc s’effectuer par oral tant que par écrit ou sous forme électronique. Dans le cadre du e-commerce, le contrat de vente est considéré comme conclu dès le moment où l’on clique sur « acheter » et que l’on finalise la commande en indiquant les données de paiement.[7]

Du côté du vendeur, celui-ci devra particulièrement faire attention aux conditions générales de vente qui doivent respecter le CO mais aussi la Directive relative aux droits des consommateurs[8], la Directive sur le commerce électronique[9] et le Règlement général sur la protection des données (RGPD)[10] si les potentiels acheteurs se trouvent également dans l’Union Européenne (UE).

Un propriétaire de e-commerce en Suisse doit également indiquer certaines informations sur sa boutique conformément à la Loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD)[11]. L’art. 3 al. 1, let. s LCD prévoit qu’il doit indiquer l’identité de sa société avec son adresse postale et électronique et les différentes étapes menant à la conclusion du contrat, permettre la détection ainsi que la correction des erreurs de saisie avant l’envoi de la commande et confirmer la commande sans délai au client par courrier électronique.[12]

Le vendeur devra également respecter les obligations indiquées dans l’Ordonnance sur l’indication des prix[13] ainsi que dans la Loi sur la protection des données (LPD). Les biens et services proposés sur la boutique en ligne suisse devra ainsi indiquer le prix en francs suisses et indiquer tous les frais qui pourraient s’y ajouter. Pour ce qui est de la protection des données, si des données personnelles ou sensibles sont collectées par la société, celle-ci devra respecter les principes de la LPD et du RGPD en cas de clients étrangers domiciliés dans l’UE.

Le respect et l’indication des éléments décrits précédemment sont des indicateurs du sérieux de la boutique en ligne ou du moins de la possibilité de réagir en cas de problème. En cas de litige, le consommateur ou le vendeur devra également prendre en compte le for découlant du contrat pour mener une action en justice. Celui-ci se situera au lieu de domicile de l’acheteur ou du vendeur.

Ainsi si le vendeur respecte les lois, règlements et directives suisses et européens exposés précédemment, qu’il ne propose pas des biens et services douteux tels que des contrefaçons ou de la marchandise illégale, que les commandes arrivent chez leurs destinataires et que le ou les fournisseurs sont bel et bien payés, alors le vendeur ne prend pas plus de risque qu’avec une boutique en ligne standard.

Si pour l’instant la pratique du dropshipping semble claire et sans grand danger pour un consommateur attentif, nous allons voir dans la suite de cet article que tout n’est pas si simple.

Méthodes de vente agressive et de promotions douteuses

Le fait est que très peu voire aucune boutique de dropshipping ne va informer le client qu’elle pratique ce business model. En effet, pourquoi l’indiquer en imaginant que le client irait chercher ce qu’il souhaite acheter ailleurs ?

De plus, de nombreux sites de vente sur internet et non uniquement ceux pratiquant le dropshipping utilisent certaines méthodes de vente ou de promotion afin de tenter d’augmenter leurs ventes.

Certains d’entre ces sites proposent des promotions certes intéressantes sur le papier (ou la toile). Mais que penser du compteur affichant « une promotion à -50% pour le deuxième article si la commande se fait dans les deux minutes » ? N’est-ce pas une méthode pour pousser l’acheteur à une consommation peu réfléchie[14] ? Il n’est pas rare de voir ce type de promotion. Dans le cas du dropshipping, le prix de vente affiché sur le site est décidé par le dropshipper. Celui-ci ajoute la marge qu’il souhaite effectuer et rien ne l’empêche d’afficher un prix de base gonflé pour y apporter une réduction considérée comme très intéressante.[15]

Le prix des articles peut également mettre la puce à l’oreille afin de déterminer si un site de vente sur internet pratique le dropshipping. En effet, si l’on tombe sur une e-boutique proposant des articles considérés de luxe, ou tout du moins ayant un prix d’achat conséquent sur le marché « régulier », à des prix défiant toute concurrence, il faut s’en méfier. Il y a de grandes chances que l’article envoyé soit une contrefaçon, voire qu’il ne le soit pas du tout.[16]

Un autre point important auquel le client doit être attentif est la description d’un produit proposé sur une boutique en ligne et particulièrement sur celles pratiquant le dropshipping. En effet, bien qu’il soit légalement demandé que l’offre de vente soit clairement spécifiée, dans certain cas, la description du produit peut être incomplète ou laisser penser que le produit proposé n’est pas réellement celui qui sera réellement réceptionné par l’acheteur. Cette pratique flirt avec l’escroquerie, voire en est une, comme certains cas que nous allons aborder plus tard dans cet article.[17]

Deuxièmement, les sites de dropshipping, comme n’importe quelle autre boutique, doivent faire leur publicité. Quoi de mieux pour cela qu’utiliser les réseaux sociaux et les influenceurs pour profiter de la large audience que constituent leurs communautés ?

Fin 2018, un couple d’influenceurs français faisaient la promotion sur leurs réseaux sociaux de bijoux de luxe ou encore d’une box contenant des produits Apple. La valeur du contenu était censée être bien supérieure au prix d’achat de la box. Il s’est avéré que, pour les quelques clients livrés, les bijoux ne correspondaient pas à la qualité vantée lors de la promotion et sur le site. Il en était de même pour les produits Apple qui étaient des contrefaçons.[18]

En 2020, deux sœurs célèbres américaines ont fait la promotion de faux AirPods. Ayant vu cette promotion passer et pour arrêter ce phénomène de se répandre à toute la communauté d’abonnés, Apple a réagi en indiquant que les produits concernés par cette « bonne affaire » étaient des contrefaçons et que la structure de la boutique était en fait basée sur le dropshipping.[19]

À ce jour, en fonction des personnes que l’on suit sur les différentes plateformes, on peut se retrouver comme cible d’un contenu sponsorisé faisant la promotion d’un site de dropshipping.  Il est difficile de connaître toutes les célébrités et stars de télé-réalité dont les plus jeunes suivent le contenu sur les différents réseaux sociaux en vogue.[20]

Influenceurs, sont-ils responsables des sites dont ils font la promotion ?

Prenons le cas d’un consommateur ayant suivi le « bon plan » de son influenceur préféré, qui s’est avéré être du dropshipping et n’ayant pas reçu l’article qu’il pensait avoir acheté. Malgré la volonté du consommateur floué de porter la faute sur l’influenceur dont il a suivi les recommandations, celui-ci ne peut pas être accusé d’escroquerie s’il n’est pas le propriétaire du site de dropshipping. L’influenceur n’a la responsabilité que de faire la promotion d’un produit pour ce qu’il est réellement comme le ferait n’importe quel publicitaire. Ainsi, si le consommateur estime que l’influenceur est en faute, celle-ci se portera sur la publicité mensongère.

En droit suisse, la publicité mensongère est définie par l’art. 3 LCD. Les art. 9 et 10 LCD indiquent les actions possibles et quelle personne/institution possède la qualité d’agir afin d’interdire, faire cesser ou constater la pratique de concurrence déloyale. L’art. 23 LCD prévoit une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire pour l’auteur d’une pratique déloyale ayant agi intentionnellement. Il faut faire attention au caractère intentionnel de l’acte. En effet, il est probable, que pour se défendre, l’auteur plaide le fait de ne pas avoir été au courant que le site fonctionnait sur le principe du dropshipping et qu’il pensait réellement faire la promotion d’un produit authentique et non d’une contrefaçon. Prouver le contraire pourrait s’avérer difficile pour le consommateur.

Si l’influenceur se trouve hors du territoire suisse et y a commis les faits, il faut prendre en considération le principe de territorialité prévu à l’art. 3 du Code pénal (CP)[21] ainsi que des art. 6 et 7 CP qui concernent les crimes et délits commis à l’étranger. L’art. 21 LCD prévoit la collaboration entre les autorités fédérales compétentes et les autorités étrangères.

Dans le cas où l’influenceur a fait la promotion d’un site de dropshipping dont il est le propriétaire en vu de monter une escroquerie, celui-ci entre dans le champ d’action de l’art. 146 CP et peut être tenu pour responsable de l’escroquerie. Celui-ci aura peut-être usé d’une description d’article non-complète ou inexacte, la ligne de défense du vendeur se portera sur le fait que sa « technique » trompeuse n’est pas astucieuse. Notamment lorsqu’il est fait mention dans la description de l’article de mots ou phrases tels que « alternative à … », « produit comparable à … » ou encore « équivalent à … ».

De plus, pour se défendre de la tromperie astucieuse, le dropshipper va affirmer que le client devait avoir conscience ou du moins se rendre compte que le prix proposé n’est pas le prix du marché. Ou encore qu’un acheteur se doit d’être vigilant quant à ce qu’il achète et à sa description et ce encore plus sur internet quand celui-ci n’a pas la possibilité de voir réellement le produit. La pratique est certes malhonnête mais profiter de l’inattention ou de la naïveté du consommateur n’est pas nouveau et encore moins lors d’achats en ligne.

Comment éviter les pièges lors d’achats en ligne ? – Quelques conseils

L’une des premières recommandations est d’être un consommateur attentif et réfléchi. Le site internet sur lequel vous voulez acheter un produit est-il connu ? Si vous ne connaissez pas cette e-boutique, vous pouvez effectuer une recherche sur votre navigateur et voir si vous ne tombez pas sur des avis ou des forums informant d’un éventuel problème suite à une commande.[22]

Vérifiez également les informations concernant le site. En effet, les e-boutiques suisses et européennes doivent indiquer la raison sociale de l’entreprise, leur numéro identification, leur adresse postale et e-mail. Si vous arrivez jusqu’au stade du paiement, vérifiez que celui soit sécurisé.[23]

Si un article particulier vous intéresse, vérifier son prix et comparer avec les autres offres sur le marché. Un prix défiant toute concurrence n’est pas toujours bon signe, surtout s’il s’agit d’un produit de marque ou de luxe. Regardez si les autres boutiques en ligne plus connues font aussi une promotion sur ce produit. Si ce n’est pas le cas, demandez-vous comment une petite boutique en ligne arrive à proposer une réduction que des géants ne font pas.[24]

Méfiez-vous également des promotions sur des articles de marque qui ne font, en général, pas de réduction même durant les périodes de soldes. Ayez le même réflexe lors d’offres exceptionnelles dont le délai pour en profiter est très court.[25]

Faites une recherche inversée de l’image du produit disponible sur l’e-boutique ou recherchez ce produit sur les plateformes de ventes asiatiques d’où il pourrait provenir.[26]

Allez également jeter un coup d’œil du côté des avis liés au produit qui vous intéresse. L’absence de commentaires négatifs ou votes d’insatisfaction n’est pas toujours bon signe et peut révéler une modération de ce genre de commentaire. Le produit apparaît alors sous un jour plus favorable et donne confiance. Or un produit fait rarement l’unanimité chez tous les consommateurs.[27]

Pour terminer, à l’heure où de nombreux scientifiques tirent la sonnette d’alarme concernant l’avenir de la planète, demandez-vous si vous avez réellement besoin du produit que vous souhaitez acquérir. Si oui, ne vaut-il pas mieux acheter un bien de qualité avec le prix qui va avec et durera dans le temps plutôt qu’un produit de qualité moindre, voire médiocre qui pourrait casser après quelques utilisations et venant de pays aux conditions de travail obscures.


[1]. LA TRIBUNE, 2022. E-commerce : évolution et tendances. La Tribune [en ligne]. 20 janvier 2022. [Consulté le 4 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.latribune.fr/supplement/e-commerce-evolution-et-tendances-902384.html

[2] OFFICE FÉDÉRAL DE LA STATISTIQUE, 2022. E-commerce et e-banking. [en ligne]. 2022. [Consulté le 4 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiken/kultur-medien-informationsgesellschaft-sport/informationsgesellschaft/gesamtindikatoren/haushalte-bevoelkerung/e-commerce-e-banking.html

[3] Le dropshipping, c’est quoi et comment bien démarrer ?, 2018. Amarris Direct (ex-ECL Direct) [en ligne]. [Consulté le 4 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.expert-comptable-tpe.fr/articles/definition-du-dropshipping/

[4] Les meilleures alternatives AliExpress pour Dropshipping (Mai 2022) – Plateformes de commerce électronique, 2019. Ecommerce Platforms [en ligne]. [Consulté le 4 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://ecommerce-platforms.com/fr/ecommerce-selling-advice/aliexpress-alternatives

[5] RS  220 – Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations), 2022. [en ligne]. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/27/317_321_377/fr

[6] TRAN, Manh, 2021. Guide dropshipping : Comment devenir un dropshipper ? Manh Tran Blog [en ligne]. 13 mars 2021. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https//www.icphs2015.info/comment-devenir-un-dropshipper/

[7] HÄMMERLI, Pascal, 2019. La vente en ligne et le droit suisse. Ethos Digital [en ligne]. 2 février 2019. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://ethos-digital.ch/integration/vente-en-ligne-et-droit-suisse/

[8] Directive 2011/83/UE

[9] Directive 2000/31/CE

[10] Règlement 2016/679/UE

[11] RS 241 – Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD), 2022. [en ligne]. [Consulté le 6 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1988/223_223_223/fr

[12] ADMIN.CH, PME, 2021. Obligations légales: les lois suisses et européennes sur le e-commerce. [en ligne]. 2021. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.kmu.admin.ch/kmu/fr/home/savoir-pratique/gestion-pme/e-commerce/creer-son-site/obligations-legales-en-ch-et-dans-lue.html

[13] RS 942.211 – Ordonnance sur l’indication des prix du 11 décembre 1978 (OIP), état le 1er janvier 2022. [en ligne]. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1978/2081_2081_2081/fr

[14] WALRAVENS, Françoise, 2021. Dropshipping : arnaque ou bonne affaire ? RTBF [en ligne]. 31 mai 2021. [Consulté le 4 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.rtbf.be/article/dropshipping-arnaque-ou-bonne-affaire-10765754

[15] LE ROI DES RATS, 2018. LMPC17 – Le DROPSHIPPING : la nouvelle ARNAQUE ? [en ligne]. 30 novembre 2018. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=Kb13pjN0DKw

[16] MIRELLI, Anthony, 2022. Le dropshipping ou quand les influenceurs flirtent avec l’arnaque. RTBF [en ligne]. 5 janvier 2022. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.rtbf.be/article/le-dropshipping-ou-quand-les-influenceurs-flirtent-avec-larnaque-10667929

[17] ALBOUY, Agathe, 2021. « Dropshipping » : fausses promotions, produits nocifs… comment des influenceurs arnaquent des internautes crédules. ladepeche.fr [en ligne]. 6 mai 2021. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.ladepeche.fr/2021/05/04/dropshipping-fausses-promotions-produits-nocifs-comment-des-influenceurs-arnaquent-legalement-des-internautes-credules-9525116.php

[18] SIGNORET, Perrine, 2018. Revente de contrefaçons Aliexpress, argent volatilisé… : le business obscur des influenceurs. Numerama [en ligne]. 26 novembre 2018. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.numerama.com/pop-culture/442568-revente-de-contrefacons-aliexpress-argent-volatilise-le-business-obscur-des-influenceurs.html

[19] BAZOGE, Mickaël, 2020. Kylie et Kendall Jenner font la promo de clones d’AirPods. WatchGeneration [en ligne]. 3 août 2020. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.watchgeneration.fr/audio/2020/08/kylie-et-kendall-jenner-font-la-promo-de-clones-dairpods-10157

[20] Quels sont les réseaux sociaux les plus utilisés en France et dans le monde en 2022 ?, 2022. L’EMPREINTE DIGITALE [en ligne]. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://lempreintedigitale.com/podcast/classement-des-reseaux-sociaux-les-plus-utilises-france-monde-2021/

[21] RS 311.0 – Code pénal suisse du 21 décembre 1937, état le 1er juin 2022. [en ligne]. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/54/757_781_799/fr

[22] COLARUSSO, Iohan, 2019. 5 conseils pour se protéger contre les faux magasins en ligne. [en ligne]. 11 janvier 2019. [Consulté le 6 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.credit-conseil.ch/blog/5-conseils-pour-se-proteger-contre-les-faux-magasins-en-ligne/

[23] WALRAVENS, Françoise, 2021. Dropshipping : arnaque ou bonne affaire ? RTBF [en ligne]. 31 mai 2021. [Consulté le 4 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.rtbf.be/article/dropshipping-arnaque-ou-bonne-affaire-10765754

[24] DEMARCHESADMINISTRATIVES.FR, 2017. Achat sur internet : comment repérer et éviter les arnaques ? https://demarchesadministratives.fr/demarches/achat-en-ligne-comment-eviter-les-arnaques [en ligne]. 13 décembre 2017. [Consulté le 6 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://demarchesadministratives.fr/demarches/achat-en-ligne-comment-eviter-les-arnaquesFrance

[25] HERMAN-KASSE, Léandre, 2021. Arnaque en ligne: comment éviter le piège du dropshipping? Challenges [en ligne]. 23 juillet 2021. [Consulté le 6 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.challenges.fr/economie/consommation/arnaque-en-ligne-comment-eviter-le-piege-du-dropshipping_774494

[26] MIRELLI, Anthony, 2022. Le dropshipping ou quand les influenceurs flirtent avec l’arnaque. RTBF [en ligne]. 5 janvier 2022. [Consulté le 5 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.rtbf.be/article/le-dropshipping-ou-quand-les-influenceurs-flirtent-avec-larnaque-10667929

[27] LELOUP, Damien, 2019. Devenir riche sur Internet sans rien faire : les mirages du « dropshipping ». Le Monde.fr [en ligne]. 31 juillet 2019. [Consulté le 4 juin 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/07/31/devenir-riche-sans-rien-faire-les-mirages-du-dropshipping-sur-internet_5495194_4408996.html

L’application de l’UK Bribery act : une des lois internationales anti-corruption les plus répressives au monde. Une révolution ?

mardi 08 Nov 2022

Par Aïmi Reichenbach, étudiante du MAS en Lutte contre la criminalité économique

La loi américaine « Foreign Corrupt Practices Act » (FCPA) influence grandement la lutte contre la corruption internationale. Depuis 1998, les dispositions du FCPA s’appliquent aux :

  • entreprises qui émettent des titres sur le marché américain incluant également leurs employés, dirigeants, administrateurs, actionnaires, ou leur représentant (art. 15 USC §78dd-1) ;
  • aux citoyens, habitants et ressortissants des États-Unis ainsi que les entreprises sous l’égide de la législation américaine ou ayant leur hub principal sur le territoire américain, leurs employés, dirigeants, administrateurs, actionnaires ou représentants (art. 15 USC §78dd-2) ;
  • à toute personne physique ou morale, quelle que soit sa nationalité, qui a été impliquée dans un accord de corruption en provenance du territoire américain ou via l’utilisation du service postal américain ou de tout autre moyen ou outil de commerce interétatique (par exemple la devise américaine, les outils de communication américains tels que Gmail, Whatsapp, l’usage d’un iPhone, etc. …) (art. 15 USC § 78dd-3). [1]

La pierre angulaire de ces dispositions réside dans l’interprétation du lien, aussi ténu soit-il, entre l’acte de corruption et le sol américain. Ainsi, cette loi crée une hégémonie juridique difficile à rejeter de la part de tout pays étranger. [2] Effectivement, une corruption à l’international usant des infrastructures financières ou des données américaines peut se faire attaquer pas la FCPA. À titre illustratif, le FCPA a été mis en exécution dans l’affaire Alstom en 2019. La devise utilisée du pot-de-vin entre des agents publics indonésiens et un salarié d’une filiale Alstom U.K était le dollar. [3] Ainsi, l’amende FCPA infligée à Alstom s’est élevée à hauteur de 772 millions de dollars.[4]

Ces crimes sont passibles de lourdes peines, car les individus peuvent être condamnés à des peines allant jusqu’à cinq ans de prison en vertu du FCPA. Pour les personnes morales, elles sont passibles d’amendes pouvant aller jusqu’à 2 millions de dollars. Des frais supplémentaires peuvent être ajoutés, notamment les fausses déclarations, qui entrainent des amendes pouvant atteindre 25 millions de dollars.[5] Au total, les amendes pour violation du FCPA vont généralement de centaines de millions à 1 milliard de dollars. De plus, l’entreprise et ses employés peuvent être passibles de sanctions civiles et pénales.[6]

Un revenu conséquent, qui permet au gouvernement américain de multiplier les enquêtes de ce type et d’en faire la promotion tant au niveau national qu’international.[7]

Bien que les États-Unis aient longtemps été les protagonistes dans la lutte anticorruption extraterritoriale, le Royaume-Uni a fait trembler la place financière internationale en 2011 avec l’introduction de dispositions légales encore plus étendues « UK Bribery Act » (UKBA).[8]

Plus précisément, le champ d’application de l’UKBA est plus vaste concernant l’inaction ou le défaut de prévention face à des faits de corruption. Il est également plus vaste par rapport à l’exterritorialité. À titre d’exemple, une société étrangère peut être passible de sanctions pénales indépendamment du lieu de l’acte de corruption dans le monde à cause du seul fait d’avoir une présence commerciale au Royaume-Uni. Un individu peut également être poursuivi par l’UKBA dès lors qu’il entretient une relation étroite avec le Royaume-Uni. En outre, cette loi vise toutes les typologies de corruption.[9]

En vertu de la UKBA, les sanctions pénales pour les individus peuvent aller jusqu’à dix ans de prison ou/et une amende légale pouvant aller jusqu’à 5 000 livres sterling. Pour les personnes morales, la sanction maximale est une amende illimitée comprenant certaines conséquences collatérales pour les dirigeants, y compris la disqualification des administrateurs.[10]

Une révolution légale dans la lutte anticorruption à l’international. Cependant, qu’en est-il réellement de son application ?

En 2017 le comité de l’UKBA de la chambre des Lords a enquêté sur l’application de la loi réalisée par le Serious Fraud Office (SFO) ainsi que par leurs partenaires. Le SFO est un département non-ministériel du Royaume-Uni en charge de poursuivre les fraudes graves, les pots-de-vin et la corruption. Les recherches de cette enquête se sont basées sur son impact à l’égard des PME, sur le niveau de robustesse dans la poursuite des actes de corruption ainsi que sur le taux de corrélation avec les condamnations et les comportements illicites.[11]

Premièrement, peu de cas de corruption ont été poursuivis entre 2011 et 2017 malgré l’arsenal juridique du Royaume-Uni. À cet effet, plusieurs problématiques sous-jacentes ont été mises en exergue, à commencer avec les moyens de signalisations des faits de corruptions aux autorités compétentes. Au rang national, aucun mécanisme de signalisation centralisé n’a été mis en place pour remonter les actes de corruption.[12] Toutefois, un rapport d’activités suspectes (SAR) offre un outil supplémentaire pour détecter la corruption. Ce système oblige certaines entreprises et particuliers à soumettre des rapports à la National Crime Agency (NAC) s’ils savent ou soupçonnent qu’une personne est impliquée dans le blanchiment d’argent ou le trafic de biens criminels. Bien qu’ils ne soient pas spécifiquement concernés par la détection de la corruption, ils pourraient apporter leur aide dans ce domaine. Néanmoins, peu de ces rapports conduisent à une forme d’enquête de la part de la police ou d’une autre autorité compétente. Cependant, c’est une source précieuse qui contribue à lutter contre ces menaces. Ainsi, cet outil est plus d’usage préventif que répressif.[13]

Le manque de ressources financières du SFO est impliqué par la masse salariale des collaborateurs du SFO a historiquement été bas. Ceci entraîne un roulement du personnel qui perturbe la vitesse à laquelle les accusations sont portées jusqu’au jugement. Ainsi, le SFO mise sur de nouvelles technologies afin d’accélérer le traitement des dossiers complexes.[14]

La problématique de la dépendance financière du SFO a également été mise en lumière. Lors de requêtes de fonds supplémentaires, le SFO doit formuler une requête à la trésorerie. Ceci représente un risque émergeant des conflits d’intérêts qui est critiqué par l’OCDE. A titre d’exemple, le Gouvernement britannique pourrait refuser des déblocages de fonds pour certaines personnes physiques ou morales poursuivies par le SFO lorsqu’il ne voudrait pas qu’elles soient sanctionnées.[15] Ainsi, le budget du SFO est passé de 34.3 millions à 52.7 millions de livres sterling afin de palier en partie à cette problématique.[16]

Le manque de sensibilisation du public et des autorités est causé par les faits de corruption, qui sont souvent catégorisés par d’autres infractions, tels que l’abus de pouvoir ou encore l’inconduite dans la fonction publique. Ainsi, UKBA semble avoir été employée correctement seulement lors de délits mineurs relatifs à des pots-de-vin inférieurs à dix mille livres sterling. Cependant, cette tendance semble graduellement progresser vers de plus gros cas de corruption. Cet aspect résulte vraisemblablement d’une lacune de connaissance des forces de l’ordre à l’égard de la loi UKBA.[17] Ainsi, une formation des autorités compétentes est recommandée par le comité UKBA de la chambre des Lords afin qu’ils puissent mieux appliquer l’UKBA. Plus spécifiquement, il serait recommandé qu’au moins un officier supérieur par poste de police soit formé à l’application de l’UKBA.[18]

L’OCDE a émis une critique concernant le manque de coopération et de coordination du Royaume-Uni des nombreux organes impliqués dans les enquêtes et les poursuites pour corruption. La critique concerne en particulier le manque de sensibilisation et de communication entre les autorités répressives en Angleterre et au Pays de Galles et en Écosse.[19] Ainsi, le gouvernement britannique a créé en 2018 le National Economic Crime Centre qui réunit divers partenaires nationaux chargés de la réponse contre la criminalité économique en usant des informations du secteur privé ainsi que du gouvernement. Il est espéré que cette entité orientera de manière centralisée les questions sur la corruption.[20]

En finalité, l’application de l’UKBA est perturbée par un mécanisme de plainte décentralisé, un manque de sensibilisation des forces de l’ordre, par un manque de ressources financières et de coopération entre les organismes et les nations du Royaume-Uni.

Quels sont les nouveaux enjeux de l’UKBA ?

Bien que le texte UKBA comporte des lacunes dans son application, la loi est saluée au niveau international pour la lutte anti-corruption. Elle est également prise comme modèle de référence.[21]

Les faiblesses majeures de son application sont identifiées et en cours de résolution. Toutefois, ne nous sommes pas à la pointe de l’iceberg ? Qu’en n’est-il des strates précédentes telles que sa définition, sa sensibilisation ou encore de sa détection ?

Effectivement, rien que le stade de la détection est extrêmement complexe.[22] Elle dépend :

  • Des signalements spontanés ;
  • des lanceurs d’alerte et leur protection ;
  • des informateurs anonymes et collaborateurs de justice ;
  • des médias et journalisme d’investigation ;
  • des administrations fiscales ;
  • des cellules de renseignement financier ;
  • des autres organismes publics ;
  • des procédures judiciaires pénales et autres ;
  • de la coopération internationale ;
  • des conseillers professionnels (comptables…). [23]

Ne devrait-on pas tous les inclure dans la stratégie anticorruption transnationale ?

En outre, qu’en est-il d’autres facteurs intrinsèques tels que par exemple la pandémie du Covid-19, les cryptomonnaies et le Brexit ? De quelle manière ces facteurs peuvent-ils influencer le phénomène de la corruption et ainsi la stratégie à adopter face à celle-ci ?

Ceci nous rappelle à quel point le phénomène de la corruption est opaque et, de la même manière, omniprésent dans tout notre écosystème. Ainsi, il est primordial d’étudier chaque aspect de ce phénomène pour y lutter efficacement.


[1] Durfourq, Pauline, et Manon Krouti. « De nouvelles réflexions autour de l’extraterritorialité de la loi pénale américaine anticorruption – Droit pénal des affaires | Dalloz Actualité », 13 septembre 2019. https://www.dalloz-actualite.fr/flash/de-nouvelles-reflexions-autour-de-l-extraterritorialite-de-loi-penale-americaine-anticorruptio#.XwXy_5MzbQ0.

[2] Felardos, Mathis, Manon Fontaine Armand, Gaëlle Landru, et Astrid Lucet. « L’extraterritorialité Américaine : Une Superpuissance Juridique de La Lutte Contre La Corruption Mondiale ». Analyse, 20 janvier 2018. https://portail-ie.fr/analysis/1720/lextraterritorialite-americaine-une-superpuissance-juridique-de-la-lutte-contre-la-corruption-mondiale.

[3] idem nbp 1.

[4] Pfefferlé, Alexis. « Loi anticorruption américaine : une arme de déstabilisation massive ». Bon baiser de Suisse (blog), 7 février 2018. https://blogs.letemps.ch/alexis-pfefferle/2018/02/07/loi-anti-corruption-americaine-une-arme-de-destabilisation-massive/.

[5] TThe United States Department of justice. « Dispositions sur la lutte contre la corruption et sur les livres comptables et les archives de la Loi sur les pratiques de corruption à l’étranger en vigueur jusqu’à Pub. L. [Lois publiques] 105-366 (10 novembre 1998) ». Washington: United States governement, 22 juillet 2004. https://www.justice.gov/sites/default/files/criminal-fraud/legacy/2012/11/14/fcpa-french.pdf.

[6] Navex Global. « Conformité à la loi FCPA | NAVEX Global », 2020. https://www.navexglobal.com/fr-fr/r%C3%A8glements/conformit%C3%A9-%C3%A0-la-loi-FCPA.

[7] White & Case LLP – George J. Terwilliger III. « Foreign Corrupt Practices Act: Efficient and Effective Compliance Solutions in a Heightened Enforcement Environment ». Lexology, 7 mai 2008. https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=dd20c0d0-09e0-4c9a-a0f7-681416e9442d.

[8] idem nbp 2.

[9] Limbour, Alexandre, et Matthias Guillou. « Le UK Bribery Act ». Lexis Nexis, septembre 2011. http://web.lexisnexis.fr/newsletters/avocats/09_2011/2-jcp-g-uk-bribery-act-eq.pdf.

[10] Sohlberg, Marcus. « The United Kingdom Bribery Act 2010 – Anti-Corruption Legislation with Significant Jurisdictional Reach ». Web page. Library of Congress, 6 septembre 2015. https://www.loc.gov/law/help/uk-bribery-act/uk-bribery-act.php.

[11] Great Britain et Ministry of Justice. Government Response to the House of Lords Select Committee on the Bribery Act 2010, 2019.

[12] idem nbp 11.

[13] Select Comitee on the Bribery Act 2010. « The Bribery Act 2010: Post-Legislative Scrutiny ». London: House of Lords, 14 mars 2019.

[14] idem nbp 11.

[15] idem nbp 11.

[16] idem nbp 13.

[17] idem nbp 11.

[18] idem nbp 13.

[19] UK Parliament. « Bribery Act 2010 “an Exemplary Piece of Legislation”, Say Lords Committee – News from Parliament ». UK Parliament, 14 mars 2019. https://www.parliament.uk/business/committees/committees-a-z/lords-select/bribery-act-2010/news-parliament-2017/bribery-act-2010-report-publication/.

[20] idem nbp 13.

[21] idem nbp 13.

[22] «Bilan. « «L’acte de corruption est très difficile à prouver» ». Consulté le 16 mai 2022. https://www.bilan.ch/tv-bilan/_l_acte_de_corruption_est_tres_difficile_a_prouver_.

[23] OCDE. « The-Detection-of-Foreign-Bribery-FR », 2017. https://www.oecd.org/corruption/anti-bribery/The-Detection-of-Foreign-Bribery-FR.pdf.