Fraudes dans le domaine des assurances sociales : les détectives privés

mardi 29 Mar 2022

Par Juliana Milman, étudiante du Bachelor Business Law

Problématique

Contexte et définition des concepts

Au cours des dernières années, la lutte contre les fraudes dans le domaine des assurances sociales s’est intensifiée. Si ces fraudes engendrent des conséquences financières importantes pour les assureurs, cela va se répercuter également sur l’ensemble de la collectivité.

Par assurances sociales, on pensera notamment à l’assurance-invalidité, ou encore à l’assurance-accidents. En effet, la jurisprudence est très abondante en la matière et grâce aux différentes questions suscitées par les différents arrêts, on aboutira à une évolution de la législation helvétique, jusqu’alors lacunaire.

Au sens de l’article 28 alinéa 2 de la Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA ; RS 830.1), celui qui fait valoir son droit à des prestations doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit. En outre, l’art. 31 LPGA précise que toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation doit être communiquée à l’assureur. Or, cela n’est pas toujours respecté et dans beaucoup de cas où il existe un changement progressif de la situation qui permettrait à un assuré de réduire son taux d’invalidité, voire de reprendre une activité professionnelle à temps plein, les prestations continuent à être versées indument. C’est dès ce moment que nous sommes en présence d’une fraude à l’assurance et qu’il faut mettre en place les moyens pour les prévenir, les cesser et réclamer le remboursement des montants versés en trop.

Délimitation des acteur·trice·s

Les principaux intéressés à ce sujet sont d’un côté, les offices d’assurance-invalidité cantonaux, les assureurs LAA et l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), qui défendent les intérêts de la collectivité et de l’autre, les assurés/ayants-droit aux prestations.

Développement

Selon Brehm (2019), les certificats médicaux constituent une base fiable pour déterminer la capacité de travail du lésé, mais il est possible que le dossier médical ne convainque pas. Dans ce cas, il est judicieux de mener des enquêtes, au besoin en recourant aux services d’un détective privé, qui pourra soit lever les doutes, soit les justifier.

À titre d’exemple, c’est depuis 2008 que l’AI entreprend des enquêtes par surveillance en tant que moyen de lutte contre la fraude. Rien qu’en une année après le lancement du dispositif, il en ressort qu’un cas de fraude sur huit est confirmé au moyen d’une surveillance. Si celle-ci peut être très efficace dans la lutte contre les abus, il reste néanmoins essentiel de déterminer la licéité d’une telle mesure, notamment pour les questions s’agissant de la protection de la sphère privée des assurés.

Bases légales pertinentes

Champ d’application, but et enjeux sociaux et juridiques

La protection de la sphère privée est un droit fondamental garanti par l’art. 13 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst. ; RS 101). Pour qu’il y ait restriction d’un droit fondamental et pour qu’une surveillance soit admise, il faut respecter les quatre conditions prévues par l’art. 36 Cst.

La première condition imposée par l’art. 36 Cst. – l’existence d’une base légale – renvoie à l’art. 43 al. 1 LPGA, en relation avec l’art. 28 al. 2 de cette même loi. En outre, l’art. 59 al. 5 de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI ; RS 831.20) stipule que « les offices AI peuvent faire appel à des spécialistes pour lutter contre la perception indue de prestations ».

Ainsi, la jurisprudence a déterminé que ces dispositions constituent des bases légales suffisantes pour l’observation par un détective privé dans un domaine privé librement visible sans autre par chacun (Arrêt 608 2013 147 du 30 avril 2015, IIe Cour des assurances sociales du canton de Fribourg). Bien évidemment, il est nécessaire de procéder à une pesée des intérêts, et ainsi, l’existence d’un intérêt public prépondérant (l’empêchement d’une escroquerie à l’assurance) emporte sur l’intérêt de la personne concernée à l’intégrité de sa personnalité (ATF 136 III 410). De ce fait, la violation à la protection de la sphère privée n’est pas illicite. De plus, il est important de soulever que la surveillance a « un caractère exceptionnel, puisqu’elle n’intervient que lorsque les autres mesures d’instruction n’ont pas abouti à un résultat concluant » (JdT 2010 I p. 191).

Lorsque des détectives procèdent à des actes de surveillance, ceux-ci sont tenus à respecter le cadre imposé par l’art. 179quarter du Code pénal suisse (CP ; RS 311.0) – la protection du domaine secret d’une personne – et ne doivent pas intervenir dans la sphère intime de l’assuré (JdT 2010 I p. 191).

En outre, le Tribunal fédéral considère que « lorsqu’un assureur a fait surveiller une personne par un détective privé de manière licite, l’art. 43 al. 1 LPGA en liaison avec l’art. 61 let. c LPGA constitue une base légale permettant à l’assureur d’utiliser les moyens de preuve concernés (rapport d’enquête et vidéocassette) » (ATF 132 V 241 consid. 2.5.1).

Potentielles lacunes juridiques

Le 18 octobre 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse dans le cadre de l’affaire Vukota-Bojic, pour violation de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH ; RS 0.101), qui traite du droit au respect de la vie privée et familiale. La Cour retient que le droit suisse ne dispose pas d’une base légale suffisamment précise pour justifier, dans le contexte de l’assurance sociale, l’ingérence dans la vie privée que représente l’observation par un détective privé (Dupont, 2017). Les assureurs sociaux disposent donc d’une large marge de manœuvre, ce qui n’est pas compatible avec la Convention.

L’art. 8 al. 2 CEDH précise que toute atteinte à la vie privée du citoyen doit reposer sur une base légale accessible à la personne concernée, et qu’ainsi, la mesure doit être prévisible, en particulier s’agissant de la manière dont sera observée la personne concernée, l’étendue de la surveillance, la durée, le motif, la responsabilité, la mise en œuvre, la supervision, ainsi que les voies de droit (Perez, 2018).

Le 2 août 2017, l’OFAS a émis une lettre circulaire (no 366) qui soulève que les offices AI ne peuvent plus procéder à de nouvelles observations tant que le législateur n’aura pas adopté une nouvelle base légale suffisamment claire et détaillée. Cette décision s’applique également aux mesures de surveillance en cours, qui ont été suspendues.

Suite à cette affaire, une réforme de la législation helvétique semblait inévitable. Cela a donc abouti aux nouveaux articles 43a et 43b LPGA, qui ont été acceptés par la population suisse lors de la votation populaire du 25 novembre 2018. Cependant, ces nouvelles dispositions ont soulevé de nombreuses critiques, notamment en raison de leur formulation très large, ouvrant la porte à une jurisprudence permissive (Dupont, 2019). Des doutes se sont prononcés concernant les lieux dans lesquels une observation pourrait être effectuée, ou encore sur les moyens techniques utilisables pour ce faire ou même sur les qualifications professionnelles des personnes habilitées à faire des observations pour le compte des assureurs sociaux.

Ainsi, le Conseil fédéral a adopté, le 21 décembre 2018, les dispositions d’exécution des nouvelles dispositions légales, qui se trouvent dans les art. 7a et suivants de l’Ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA ; RS 830.11). De cette manière, il est possible de déterminer la notion de « lieu librement visible depuis un lieu accessible au public » (art. 7h OPGA) et de proscrire l’utilisation de certains moyens techniques qui permettent d’améliorer les capacités auditives et naturelles de l’être humain (art. 7i OPGA). L’art. 7b OPGA prévoit les conditions professionnelles requises pour pouvoir procéder à de telles surveillances.

Les nouveaux articles de la LPGA et de l’OPGA sont entrés en vigueur le 1er octobre 2019, en fournissant donc une certaine sécurité aux assurés, qui savent exactement à quelles conditions et de quelle manière une surveillance peut être menée à leur encontre par les assurances sociales.

Avis personnel

Intérêt dans le choix de cette question

Si des cas de fraude à l’assurance sont régulièrement et depuis un certain temps exposés dans les médias, on en parle un peu moins des cas de surveillance menés par les assureurs sociaux au biais de détectives privés. Dans la mesure où les moyens techniques sont en constante évolution et où la protection des données devient de plus en plus essentielle pour les individus, il est important de s’intéresser à cette question et savoir de quelle manière les données collectées dans le cadre d’une surveillance peuvent être enregistrées et utilisées comme moyen de preuve.

Point de vue personnel en fonction de la recherche et de l’analyse sur la question (réflexion et critique personnelle)

Le sujet étant très vaste et riche en jurisprudence et doctrine, je n’ai malheureusement pas pu le développer en profondeur, même si les points traités exposent quand même la problématique en question et les solutions qui ont pu y être apportées.

Les questions suscitées par les différents arrêts que j’ai eu l’occasion de lire étaient souvent les mêmes et reposaient toujours sur l’absence d’une base légale assez claire en matière de surveillance. C’est grâce à l’arrêt Vukota-Bojic contre Suisse que les bases légales ont pu évoluer et donner des réponses assez claires à toutes les parties prenantes. De plus, cela permet de diminuer le nombre de procédures en justice. La décision de l’OFAS, d’arrêter toutes les mesures de surveillance en cours et futures jusqu’à l’entrée en vigueur d’une base légale assez claire et précise m’a paru bien réfléchie, dans la mesure où cela a laissé un temps de battement pour que les praticiens puissent s’adapter aux nouvelles normes.


Bibliographie

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Fraude à l’assurance-maladie : la surfacturation des médecins

mardi 22 Mar 2022

Par Mikael Chaveiro, étudiant du Bachelor Business Law

Introduction

Face aux coûts toujours plus exorbitants de la santé, la Suisse cherche des solutions pour que son système n’étouffe pas financièrement ses citoyens. En effet, selon Le Temps[1] : « […] les coûts de la santé sont assumés par la population à hauteur de 70%. » Le média swissinfo.ch précise que « [l]es coûts de la santé en Suisse augmentent si rapidement qu’ils mettent tout le monde d’accord : la situation ne peut pas continuer ainsi[2]. »

Le système de santé suisse repose essentiellement sur l’assurance-maladie obligatoire, dite assurance de base. Ainsi, « […] chaque citoyen est obligatoirement couvert par l’assurance de base et paie des primes mensuelles à la caisse d’assurance maladie de son choix[3]. » Plus les individus consultent, plus l’assurance intervient. Les coûts de la santé augmentent de ce fait, ce qui impacte le montant des primes mensuelles d’assurance-maladie que la collectivité doit payer.

Les consultations des patients étant facturées à l’assurance de base par les médecins, nous sommes en droit de nous questionner sur la fiabilité et l’exactitude de ces décomptes. En effet, la rémunération des médecins par les caisses-maladie peut représenter une opportunité, pour eux, de s’enrichir frauduleusement. Nous exposerons ce phénomène dans cet article.

Problématique

En 2020, « [u]n généraliste qui pratiquait à Genève et Montreux et qui avait facturé indument aux assurances-maladie près de 2,8 millions de francs entre 2013 et 2016 a été condamné à 36 mois de prison, dont la moitié ferme[4]. » Ce médecin « […] avait surfacturé généreusement des prestations réelles, mais surtout facturé des prestations fictives ou des prestations qu’il n’avait pas le droit de réaliser[5]. » Il a ainsi été « […] jugé coupable d’escroquerie par métier [et] faux dans les titres[6] […] »

Il est aisé de comprendre, au vu des montants, que toute fraude commise par les médecins en surfacturant leurs soins contribue à l’augmentation des coûts de la santé. L’augmentation des primes d’assurance-maladie allant de pair, le citoyen en paiera le prix. Ces enjeux sociaux étant posés, il nous faut traiter des enjeux juridiques de ces agissements. Définissons, dans ce but, certains concepts.

Définition des concepts

I. Traitements économiques

L’article 32 alinéa 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal)[7] précise que les prestations des prestataires de soins doivent être efficaces, appropriées et économiques. Mais que signifie économique ?

Jean-Louis Duc, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, le précise ainsi : « [l]es prestations diagnostiques et thérapeutiques doivent être […] économiques (établir une « juste » relation entre le but visé et les frais mis en œuvre […] comme le précise le Message du novembre 1991 concernant la révision de l’assurance-maladie ad article 26 du projet de loi[8]. »

II. Polypragmasie

Deuxièmement, la violation du caractère économique des soins selon l’art 32 al.1 LAMal a été définie par le Tribunal fédéral : « [i]l y a « polypragmasie » (« Überarztung ») lorsqu’un nombre considérable de notes d’honoraires remises par un médecin à une caisse-maladie sont en moyenne sensiblement plus élevées que celles d’autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblables, alors qu’aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coût[9] […] »

Les bases légales

I. Les sanctions financières et administratives

La LAMal régit l’assurance-maladie sociale selon son art.1 al.1. Elle comprend l’assurance obligatoire des soins et une assurance facultative d’indemnités journalières. L’art 1a al.2 LAMal précise que l’assurance-maladie sociale alloue des prestations en cas de maladie, d’accident et de maternité.

La polypragmasie est réprimée aux articles 56 et 59 LAMal. En effet, selon Maître Gabriel Avigdor[10], elle entraîne les conséquences suivantes pour le médecin qui ne respecterait pas le caractère économique des prestations :

a.    Refus de rémunération des prestations qui dépassent ce qui est exigible (art. 56 al.2 LAMal)

b.    Obligation de restituer les montants indus perçus (art 56 al.2 et 59 al.1 let.b LAMal)

c.    L’avertissement (art. 59 al.1 let.a LAMal)

d.    L’amende (art. 59 al.1 let.c LAMal)

e.    La récidive entraîne une exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins (art. 59 al.1 let.d LAMal)

II. Les sanctions pénales

a. Dans la LAMal

Maître Gabriel Avigdor mentionne[11], pour l’aspect pénal, l’art. 92 al.1 let.b LAMal. Cet article précise que : « quiconque obtient pour lui-même ou pour autrui, sur la base de la présente loi, une prestation qui ne lui revient pas, par des indications fausses ou incomplètes ou de toute autre manière, sera puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus. » Le médecin qui tire un gain d’une surfacturation injustifiée entre dans le champ d’application de cette base légale.

b. Dans le Code pénal suisse

Le médecin peut également, en surfacturant des prestations, se rendre coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 al.1 du Code pénal suisse (CP)[12] : « celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. »

Cette infraction se caractérise ainsi par la notion d’astuce. Le médecin doit vouloir tromper l’assurance de base en lui communiquant un décompte de prestations injustement surfacturé (affirmations fallacieuses). Selon les enseignements de Maître Ludovic Tirelli[13], l’astuce n’est retenue que lorsque la tromperie est imperceptible ou difficilement vérifiable par la victime. Il s’agirait par exemple de soins fictifs que le médecin surfacturerait. Ceci signifie que l’assurance de base doit être induite en erreur et ne pas pouvoir éviter la tromperie par des moyens simples. Cette tromperie doit amener la personne qui gère les finances de la caisse-maladie concernée à verser une rémunération au médecin (acte de disposition), ce qui lèse les intérêts pécuniaires de l’assurance. Le dommage se caractérise alors par la diminution de l’actif de la caisse-maladie concernée. Il est primordial qu’un lien de causalité existe entre la tromperie astucieuse, l’acte de disposition et le dommage.

En sus, l’article 146 al.2 CP prévoit une aggravation de la peine pour le médecin qui ferait métier de l’escroquerie. Le Tribunal fédéral définit la notion du métier ainsi : « […] [l]’auteur agit de manière professionnelle, lorsqu’en raison du temps et des moyens consacrés à son activité délictueuse, ainsi que de la fréquence des actes pendant une période donnée et des revenus espérés ou obtenus, il ressort qu’il exerce son activité délictueuse à la manière d’une profession[14]. »

Conclusion

Cette thématique est particulièrement intéressante puisqu’elle a permis d’identifier d’autres facteurs pouvant augmenter les coûts de la santé en Suisse. Les médecins y contribuent, par leurs fraudes, peut-être plus gravement que nous l’imaginons.

Ce sujet est d’autant plus pertinent que, suite à l’acceptation de l’initiative sur les soins infirmiers le 28 novembre 2021, ces soignants vont pouvoir fournir des prestations de manière autonome et les facturer directement aux caisses-maladie. Ceci pourrait, à l’avenir, augmenter les cas d’escroquerie à l’assurance de base et accroître la criminalité économique.


[1] Gueniat, Marc, 2021. « Dissection des coûts de la santé en quatre questions ». Le Temps [en ligne]. 16 septembre 2021. [Consulté le 09 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.letemps.ch/suisse/dissection-couts-sante-quatre-questions

[2] Bondolfi, Sibilla, 2018. « Le système de santé suisse, comment ça marche ? » SWI Swissinfo.ch [en ligne]. 20 août 2018. [Consulté le 09 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.swissinfo.ch/fre/societe/bref-aper%C3%A7u_le-syst%C3%A8me-de-sant%C3%A9-suisse–comment-%C3%A7a-marche–/44329336

[3] Réf. 2.

[4] KEYSTONE ATS, 2020. « Médecin et escroc par métier, il écope de 3 ans de prison ». Le Matin [en ligne]. 31 août 2020. [Consulté le 11 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.lematin.ch/story/medecin-et-escroc-par-metier-il-ecope-de-3-ans-de-prison-533269911194

[5] Réf. 4.

[6] Réf. 4.

[7] Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l’assurance-maladie (LAMal ; RS 832.10). [Consultée le 10 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1995/1328_1328_1328/fr

[8] Duc Jean-Louis, (2) Traitements non économiques et polypragmasie – rapports entre les articles 56 et 59 LAMal. Tribunal fédéral, IIe Cour de droit civil, Arrêt du 15 janvier 2015, Tf 9C_535/2014, Arnold F.Rush (édit),  Aktuelle Juristische Praxis (AJP) 2015, p. 1204. [Consulté le 12 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.swisslex.ch/doc/clawrev/c7c2f94c-4f54-431a-b650-60672e1baa8c/source/hitlist-search

[9] ATF 119 V 448 considérant 4b. [Consulté le 12 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.swisslex.ch/doc/claw/7b22e251-8627-4d6a-9da9-a9a0cdb34ff5/source/deep-link

[10] Avigdor Gabriel, Médecins non-économiques-conséquences de la polypragmasie, NTIC Droit & Nouvelles Technologies 2018. [Consulté le 13 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://ntic.ch/medecins-trop-chers-polypragmasie/

[11] Réf. 10.

[12] Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0). [Consulté le 13 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/54/757_781_799/fr

[13] Tirelli Ludovic, 2017. Droit pénal économique HE-ARC – II. Infractions contre le patrimoine [PowerPoint].

[14] ATF 116 IV 319. [Consulté le 14 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.swisslex.ch/doc/claw/0bd03c16-2c38-4f9b-bb8d-a9938b1af115/source/hitlist-search

Les marchés noirs du Darkweb

mardi 22 Mar 2022

Par un étudiant du MAS en Lutte contre la criminalité économique

Introduction

Auriez-vous pensé un jour pouvoir commander une arme ou de la drogue confortablement installé depuis chez vous ? Aujourd’hui, c’est bel et bien possible. En effet, depuis l’avènement du Darkweb, le web « caché » au contenu non indexé par les moteurs de recherche traditionnels, le trafic de produits illégaux s’est aussi trouvé une place dans le monde de la cybercriminalité. D’ailleurs, il est assez déconcertant de voir des places de marchés reprenant les structures des sites de ventes que l’on peut retrouver sur le web traditionnel. Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement ?

L’environnement du Darkweb

Depuis l’essor des technologies de l’information et de la communication, la protection de la vie privée et de nos données est devenue un point central. Par ailleurs, cet engouement a vu naître de plus en plus d’applications telles que Whatsapp, Signal, Telegram, etc. qui promeuvent le chiffrement des échanges comme atout principal de celles-ci. Un réel bénéfice pour les utilisateurs lambda et une occasion en or pour d’autres qui vont profiter, à mauvais escient, de cette protection afin de pouvoir échanger avec le plus de discrétion possible[1].

Le Darkweb suit la logique de protection de la vie privée. Le point fort d’un tel réseau est, en effet, l’anonymat de ses utilisateurs. Que ce soit du côté « service » ou du côté « client », tout internaute naviguant sur le Darkweb (à l’aide du logiciel Tor, par exemple) va passer par une connexion en plusieurs étapes afin de pouvoir échanger des informations sans que l’on puisse remonter jusqu’à lui. Une connexion sur Tor peut donc être retracée, mais pas l’identité de l’émetteur à l’origine de la recherche. Une autre complexité du Darkweb est que ce réseau est moins convivial que le web surfacique et possède un univers beaucoup plus mouvant avec l’apparition et la suppression rapide de ses sites.

Le Cybertrafic sur le Darkweb

Grâce à ce cadre, une économie parallèle s’est créée sur le Darkweb, mettant à disposition des biens qui ne pourraient être imaginés dans une vitrine de magasin standard. Les marchés les plus prolifiques qui ont migré du monde réel au monde numérique sont ceux de la drogue et des armes donnant suite à un marché « hybride ». Effectivement, de plus en plus de plateformes d’échanges voient le jour essayant d’améliorer la convivialité, la sécurité et facilitant de manière générale ces achats illégaux.

Appelés « cryptomarchés », ces sites de commerces font généralement appel à un tiers neutre afin de s’assurer du bon fonctionnement de la transaction (mise sous réserve du montant / service Escrow). Tant que le client n’a pas reçu la marchandise désirée, le paiement reste en suspens. Ayant toujours pour objectif de préserver l’anonymat des personnes, la plupart des transactions sur le Darkweb se font à l’aide de cryptomonnaies (Bitcoin principalement). Évidemment, il subsiste le problème du passage du virtuel au réel avec la livraison de la marchandise qui passe par les moyens postaux traditionnels et qui comportent donc les risques d’interception par les services douaniers, notamment lors de commandes internationales. Ce point ne semble pas pour autant dissuader les échanges, car les vendeurs proposent des solutions telles que la mise sous vide des produits, le papier bulle ou encore l’acheminement du produit dissimulé et réparti dans plusieurs envois. Ce genre d’offre participe à la bonne réputation du vendeur, qui, sur le Darkweb, est un avantage indéniable pour éviter de tomber dans des pièges comme les escroqueries, les risques d’hacking ou tout simplement des annonces futiles.

Après la transaction, l’acheteur peut évaluer son expérience (qualité, fiabilité, échanges, etc.) et laisser un avis qui pourra convaincre d’autres curieux de marchander avec le vendeur afin de limiter leurs risques. Les achats sur le Darkweb ne sont pas nouveaux ; c’est surtout la démocratisation de ceux-ci qui peuvent représenter, à terme, un risque pour la société en accentuant l’effet d’économie souterraine[2].

Quelques statistiques suisses

Avec l’essor des technologies, les modes opératoires des infractions ont aussi évolué. En effet, pour la première fois, la statistique policière sur la criminalité intègre les infractions numériques[3] en 2020. On recense lors cette année environ 25’000 infractions numériques (sur environ 422’000 selon les titres du Code pénal)[4]. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces résultats sont à interpréter avec prudence car l’enquête possède ses limites. Effectivement, d’une part, toutes les infractions numériques ne sont pas rapportées ou connues de la police, et d’autre part, la liste des modes opératoires n’étant pas exhaustive, celle-ci tend à s’élargir.

Lorsque nous nous intéressons de plus près aux chiffres concernant la rubrique « Darknet », seules deux infractions de commerce illégal ont été recensées – un chiffre étrangement bas pour un service si controversé. Il faut alors rappeler qu’il est très complexe de repérer une infraction commise sur le web caché. Si un internaute fait preuve de prudence, il ne laisse que peu, voire aucune trace derrière lui lors d’achats frauduleux sur le Darkweb.

Effectivement, compte tenu des différents éléments cités plus haut, il est complexe de ressortir des statistiques précises concernant le cybertrafic sur le Darkweb, surtout concernant la provenance et la destination des biens. Toutefois, quelques études ont essayé de se pencher sur l’étendue de ce marché noir et ce qu’il pouvait représenter pour la Suisse. Un rapport financé par l’OFSP[5] concernant la situation de la drogue en Suisse en 2019 s’est concentré sur le cryptomarché « Alphabay », créé en 2014 et fermé en 2017 à la suite d’une opération des autorités. Cette plateforme d’échange avait la particularité d’indiquer le pays d’envoi des marchandises. Il en ressort qu’environ 10’000 ventes de produits stupéfiants ont été détectées en partance de la Suisse, représentant un chiffre d’affaires d’environ 1,3 million de dollars.

Conclusion

Depuis sa création, le Darkweb peut avoir l’air d’être un outil incontrôlable où les autorités semblent impuissantes pour lutter contre les comportements illégaux présents sur ce réseau. Toutefois, la menace du marché noir qui règne sur le Darkweb est prise au sérieux car elle ne fait que de s’accroître. Comme nous l’avons constaté, il est inquiétant d’observer une tendance à rendre les plateformes d’échanges plus conviviales et faire ressembler ces places de marché à des sites de ventes traditionnels que l’on pourrait trouver sur le web surfacique. Pour lutter contre ce phénomène, les organisations comme le FBI ou EUROPOL surveillent, repèrent, s’infiltrent puis ferment les places de marchés illégales. L’entraide internationale et la formation de policiers experts en infractions numériques sont donc primordiales. Bien entendu, le Darkweb reste tout de même légitime pour les personnes ayant un besoin réel de dissimuler leur identité (journalistes, lanceurs d’alertes, etc.)[6], mais reste controversé pour tout le contenu illégal que l’on peut y trouver.


[1] Convert, C. (2020). Trafic d’armes sur le Darkweb, le renouveau des menaces internationales à l’ère du numérique. [En ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.researchgate.net/profile/Catherine-Convert/publication/344171490_Trafic_d’armes_sur_le_Darkweb_-_renouveau_des_menaces_internationales_a_l’ere_du_numerique/links/5f5881ea92851c250b9fdedc/Trafic-darmes-sur-le-Darkweb-renouveau-des-menaces-internationales-a-lere-du-numerique.pdf

[2] ibid.

[3] Toute infraction pénale commises sur les réseaux de télécommunication, en particulier internet.

[4] Site web de la Confédération suisse – Statistiques criminalité et droit pénale 2020 [En ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/criminalite-droit-penal.html

[5] Rossy Q, Staehli L, Rhumorbarbe D, Esseiva P et Zobel F. (2018) Drogues sur Internet : Etat des lieux sur la situation en Suisse. Lausanne: Addiction Suisse et Ecole des Sciences Criminelles (ESC/UNIL) [En ligne]. Disponible à l’adresse : https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_77FB91CF52EA.P001/REF.pdf

[6] Kumar, A., et Rosenbach, E., (2019). Le dark web. La piste de l’argent. [En ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.elibrary.imf.org/downloadpdf/journals/022/0056/003/022.0056.issue-003-fr.pdf#page=25

Le Centre européen de lutte contre la criminalité économique et financière

mardi 08 Mar 2022

Par Patricia Boillat, lic. iur., avocate, étudiante du MAS en Lutte contre la criminalité économique

Introduction

Selon une estimation prudentielle de la Commission du Conseil de l’Europe, au sein de l’Union européenne (UE), 1.21 milliards d’euros d’avoirs d’origine criminelle, sur 110 milliards annuels, seraient confisqués. Soit seulement 1.1 %.[1]

Cela signifie que 98.9 % sont conservés par les délinquants. Le crime économique représente-t-il une carrière professionnelle à privilégier, dans la mesure où une pesée d’intérêts entre l’illégalité et le respect des lois penche en faveur du crime, compte tenu des gains assurés ?

L’on serait tenté de répondre « oui » à cette question, si ce n’est faire abstraction de l’essence-même d’un état démocratique, de l’équilibre entre les sociétés civiles, des répercussions humaines et sociétales des crimes économiques ainsi que de la naissance, le 5 juin 2020, du Centre européen de lutte contre la criminalité économique (European Financial and Economic Crime center – EFECC),[2] dernier-né de l’Agence de l’UE chargée de renforcer la coopération entre les polices des États membres (European Union Law Enforcement Organisation – Europol).[3] L’EFECC rejoint ainsi d’autres centres spécialisés d’Europol, tels le Centre européen contre la cybercriminalité de 2013 (European Cybercrime Center – EC3),[4] le Centre européen contre le trafic de migrants de 2016 (European Migrant Smuggling Centre – EMSC),[5] de même que le Centre Européen de lutte contre le terrorisme de 2016 (European Counter Terrorism Center-ECTC).[6]

Un peu d’histoire

Europol, dont le siège se situe à La Haye (Pays-Bas), est une agence créée par les États-membres de l’Union européenne, à la suite de l’adoption du Traité sur l’UE de 1992, communément appelé Traité de Maastricht.[7] Son but est de soutenir les 27 États membres de l’UE dans leur lutte contre la grande criminalité internationale et le terrorisme, en renforçant la collaboration policière. L’agence travaille également avec des organisations internationales extérieures à l’UE, ainsi que plusieurs pays partenaires non-membres de l’UE, dont la Suisse.[8]

En effet, la Confédération helvétique coopère avec Europol depuis 2006 suite à un accord conclu le 24 septembre 2004.[9] Elle y participe dès lors activement en tant qu’état tiers, notamment par la présence d’officiers de liaison à La Haye, à savoir trois attachés de l’Office fédéral de la police (fedpol) et une attachée de l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF).[10] [11] Cet accord, dont la dernière modification remonte à 2018, évolue continuellement et couvre actuellement 30 domaines de la criminalité, par le biais d’échanges d’informations opérationnelles, de connaissances spécifiques et/ou stratégiques, de rapports de situation portant sur des sujets importants, d’échanges de méthode d’enquêtes et d’information en matière de prévention, de participation aux activités de formation, d’activité de conseil et d’assistance dans le cadre d’enquêtes.[12] [13]

De la création d’un centre spécialisé dans les enquêtes financières

La coopération policière favorisée par Europol a, certes, permis une avancée majeure dans l’arrestation de groupes criminels et de terroristes, qui agissent le plus souvent en bandes organisées transnationales. Or, c’est l’argent et le profit qui permettent l’existence et la survie des organisations criminelles, dont les biens mal acquis dépassent les 100 milliards annuels.[14]

En effet, le cœur pulsant du crime organisé est l’argent.

Pour combattre le crime économique, il faut donc « geler et confisquer » les avoirs et les biens criminels, ces moyens étant considérés comme les plus efficaces par la Commission européenne dans son rapport du 9 décembre 2020 sur l’état d’avancement de la stratégie de l’UE sur l’union de la sécurité.[15]

L’EFECC a donc pour but, selon la Commission précitée, de renforcer « (…) le soutien opérationnel apporté aux États membres et aux organes de l’UE dans le domaine de la criminalité financière et économique et (…) encouragera le recours systématique aux enquêtes financières (…) ».[16]

Nécessité de l’EFECC

Dans un monde globalisé où la criminalité fait fi des frontières, est réactive, maîtrise les outils informatiques et dénote d’une créativité sans limite en matière de dissimulation des avoirs mal acquis, les autorités doivent agir rapidement. Or, les réglementations pénales propres à chaque pays constituent des obstacles favorisant la criminalité internationale, d’une part, et ralentissant le traitement des demandes d’entraides judiciaires, d’autre part.

Il est ainsi nécessaire de disposer de plateformes communes régulièrement mises à jour et complétées, qui centralisent les informations dont dispose chaque pays ou entité,[17] de même que d’un bassin d’experts internationaux, provenant d’horizons différents, aptes à répondre rapidement aux besoins de leurs membres.

L’EFECC, qui vise à favoriser la confiscation des avoirs d’origine criminelle est donc destinée à devenir le partenaire incontournable des États en matière d’enquêtes financières internationales.[18]

Objectifs stratégiques et support opérationnel de l’EFECC

L’EFECC soutient et assiste les autorités compétentes dans la prévention et les enquêtes visant des organisations criminelles impliquées dans la criminalité économique et financière, pour autant que les délits/crimes visés concernent un ou plusieurs États membres et qu’ils relèvent d’infractions pour lesquelles Europol est compétent.[19] [20]

Pour ce faire, l’EFECC peut compter sur 65 experts et analystes internationaux[21] (dont un attaché de police de fedpol)[22]. Il mettra à la disposition de ses membres une plateforme de données traitées, analysées et enregistrées concernant des transactions et activités suspicieuses obtenues d’unités financières spécialisées, des rapports sur des mouvements suspects d’argent liquide communiqués par des autorités douanières. L’EFECC apportera des renseignements précis portant sur des enquêtes pendantes devant les douanes, les administrations fiscales ou les autorités policières, sur la criminalité économique et financière.

Il s’attellera également à créer des alliances entre les entreprises publiques et privées, fournir des plans de gestion, des expertises et des conseils concernant des menaces et leur évolution.[23]

Le soutien de l’EFECC permettra de retrouver et confisquer les avoirs provenant des délits et crimes de fraudes fiscales (tax crime), de corruption, du blanchiment d’argent, de biens volés ou mal acquis, de la contrefaçon monétaire et des crimes contre la propriété intellectuelle.[24]

Les figures ci-dessous reproduites, résument les unités de compétences de l’EFECC (Fig. 1), ainsi que les domaines et infractions concernés (Fig. 2) :

Figure 1: organigramme des unités de compétences de l’EFECC[25]

Figure 2 : domaines et infractions concernés par l’activité de l’EFECC[26]

Exemples de fraudes où l’activité de l’EFECC pourra favoriser le gel et la confiscation des avoirs criminels

La criminalité liée à la pandémie COVID

En 2020, Catherine de BOLLE, directrice d’Europol, a déclaré :

« The fallout from the COVID-19 pandemic has weakened our economy and created a new vulnerability from which crime can emerge. Economic and financial crime, such various types of fraud, money laundering, intellectual property crime, and currency counterfeiting, is particularly threatening during times of economic crisis. Unfortunately, this is also when they become most prevalent. (…).»[27]

La crise liée au COVID-19 a démontré que les délinquants et les organisations malveillantes ont su adapter rapidement leurs méthodes et leurs offres : ils ont, notamment, tiré profit du manque de matériel médical et sanitaire lié à des stocks gouvernementaux insuffisants, voire inexistants, tout comme ils ont tiré profit des craintes de la population face aux risques d’infection.

Les besoins en masque ont fait exploser, notamment, le marché des contrefaçons, les ventes non déclarées et la non livraison de matériel commandé, alors même que des acomptes importants étaient versés, d’un pays en faveur d’un autre, complexifiant ainsi les possibilités de récupérer des sommes indument versées.

En Italie, pays particulièrement touché par la pandémie (au 23 janvier 2022, 143’523 morts ont été dénombrés[28]), ce sont des escroqueries portant sur plusieurs dizaines de millions d’euros qui sont en cours d’instruction, allant d’indices de corruption de fonctionnaires et d’intermédiaires pour l’attribution de commandes sanitaires, aux masques et matériel sanitaire achetés et jamais reçus, aux produits contrefaits, de même qu’aux escroqueries financières et cas d’usure commis par des bandes organisées au détriment d’entrepreneurs et de particuliers, rendus particulièrement vulnérables avec la crise du COVID-19. [29] [30] [31] [32] [33]

Les types d’infractions ci-dessus relevés lèsent tous la société car ils font appel à la corruption, à l’évasion fiscale, à la contrefaçon, aux escroqueries financières, à l’usure, etc., ce qui implique du blanchiment d’argent, de la soustraction de taxes et parfois même la mise en circulation d’argent contrefait, étant fait abstraction des impacts humains et médicaux liés à l’exploitation du désespoir des personnes concernées.

Ce sont donc des milliards qui s’évaporent par des opérations impliquant souvent des montages financiers complexes et des mouvements d’argent transnationaux.

La fraude à la taxe sur la valeur ajoutée-TVA

La fraude à la TVA, également appelée fraude carrousel ou missing trader intra-community fraud –MTIC fraud représente une forme de criminalité silencieuse mais hautement rémunératoire.[34] [35] Elle consiste, pour reprendre les termes du gouvernement français, « à obtenir le remboursement, par un État de l’Union, d’une taxe qui n’a jamais été acquittée en amont, ou réduire le montant de la TVA à payer ».[36]

L’une des affaires les plus retentissantes de fraude à la TVA remonte à 2008-2009 et a été nommé « fraude à la taxe carbone » : elle consistait à acheter des « quotas carbone » hors taxe à l’étranger, les revendre ensuite en France, taxes comprises, puis à investir les fonds obtenus dans une nouvelle opération, le tout sans jamais reverser de TVA à l’État français. Les sommes perdues se monteraient à 1.6 milliards pour la France et 6 milliards pour les autres pays de l’UE.[37]

Les procès liés à cette fraude ont abouti à de sévères condamnations pénales et monétaires,

bien que l’on doute que les États concernés récupèrent un jour les montants subtilisés, faute de moyens nécessaires, à l’époque, pour effectuer des enquêtes financières permettant d’identifier, avec précision, la localisation et l’étendue des avoirs criminels. On constate, par cet exemple, que l’EFECC aurait été des plus utiles déjà à l’époque.[38]

Conclusion

Est-ce qu’une plateforme EFECC de données fiables et accessibles rapidement, contenant, notamment, des noms de vendeurs, de fournisseurs, de sociétés et d’entrepreneurs délinquants dénoncés, modus operandi, aurait permis d’éviter des crimes économiques et financiers ? L’on peut répondre affirmativement à cette question, dans la mesure où elle aurait permis de prévenir les crimes et d’agir prestement contre les malfrats. Or, l’EFECC n’a (pas encore) pu accomplir son rôle préventif, compte tenu de sa jeunesse et le temps nécessaire à la constitution d’une base de données.

Selon Europol, les pertes liées aux MTIC frauds oscillent entre 40 et 60 milliards annuels.[39] Ainsi une plateforme de données commune (recensant et listant les sociétés impliquées, les personnes et ayants-droits économiques concernés, les mouvements transnationaux insolites de biens et marchandises effectuant des allers-retours), permettra aux États et aux experts de l’EFECC de mener des enquêtes financières ciblées, afin de prévenir la fraude en amont et de saisir les gains et biens mal acquis en aval.

L’EFECC permettra-t-il de récupérer, de manière effective, les milliards criminellement acquis ? Seul, il ne le pourra pas. Il est donc nécessaire de favoriser une collaboration bienveillante, engagée et professionnelle entre l’EFECC et les États. Ainsi, sur la durée, privé de tout battement, le crime économique s’arrêtera : nous en formulons l’espoir.


[1] SECRETARIAT GENERAL DU CONSEIL DE L’UNION EUROPENNE, 2020 : Résultat des travaux du 17 juin 2020, document 8927/2020, Annexe JAI.1, 17.06.2020, page 4

[2] Europol, 2021 : European Financial and Economic Crime Center – EFECC (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol/european-financial-and-economic-crime-centre-efecc

[3] Europol, 2021 : À propos d’Europol, Contribuer à rendre l’Europe plus sure (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol:fr

[4]Europol, 2021 : European Crime Center – EC3, Combating crime in a digital age (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol/european-cybercrime-centre-ec3

[5] Europol, 2021 : European Migrant Smuggling Center – EMSC, Tackling the organised criminal groups profiting from migrant smuggling (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol/european-serious-and-organised-crime-centre-esocc/european-migrant-smuggling-centre-emsc

[6] Europol, 2021 : European Counter Terrorism Center – ECTC (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol/european-counter-terrorism-centre-ectc

[7] Traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, JOC 191/1 du 29 juillet 1992

[8] Europol, 2021 : À propos d’Europol, Contribuer à rendre l’Europe plus sure (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol:fr

[9] Accord du 24 septembre 2004 entre la Confédération suisse et l’Office européen de police (RO 2006 1019)

[10]CONSEIL FEDERAL, 22.08.2018 : La Suisse et Europol renforcent leur coopération pour combattre la criminalité économique et les crimes contre l’humanité (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse  https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-71887.html

[11] OFFICE FEDERAL DE LA POLICE FEDPOL, 07.09.2018 : La Suisse et Europol – questions et réponses (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse https://www.fedpol.admin.ch/fedpol/fr/home/polizei-zusammenarbeit/international/Europol/Fragen_und_Antworten.html

[12] CONSEIL FEDERAL, 22.08.2018 : La Suisse et Europol renforcent leur coopération pour combattre la criminalité économique et les crimes contre l’humanité (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse  https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-71887.html                    

[13]OFFICE FEDERAL DE LA POLICE FEDPOL, 07.09.2018 : La Suisse et Europol – questions et réponses (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse https://www.fedpol.admin.ch/fedpol/fr/home/polizei-zusammenarbeit/international/Europol/Fragen_und_Antworten.html

[14] SECRETARIAT GENERAL DU CONSEIL DE L’UNION EUROPENNE, 2020 : Résultat des travaux du 17 juin 2020, document 8927/2020, Annexe JAI.1, 17.06.2020, page 4

[15] COMMISSION EUROPENNE, 2020 : Communication de la commission au Parlement européen et au Conseil, Premier rapport sur l’état d’avancement de la stratégie de l’UE sur l’union de la sécurité, COM(2020) 797 final du 09.12.2020, page 25

[16] Ibid.

[17] L’on pourrait illustrer ce point en se référant au système mis en place grâce à Interpol, qui démontre les bénéfices d’une collaboration internationale, par le biais d’informations constamment mises à jour, afin d’appréhender rapidement des personnes recherchées.

[18]Europol, 2021 : European Financial and Economic Crime Center – EFECC (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol/european-financial-and-economic-crime-centre-efecc

[19] Ibid.

[20] Règlement n° 2016/794 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 11 mai 2016, art. 3 et 4 (ligne) (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://eur-lex.europa.eu/legal

content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016R0794&from=en

[21] Le Figaro, La Haye : Coronavirus : l’UE se dote d’une unité de lutte contre la fraude financière. Le Figaro (en ligne). (Consulté le 23.01.2022) Disponible à l’adresse : https://www.lefigaro.fr/flash-eco/coronavirus-l-ue-se-dote-d-une-unite-de-lutte-contre-la-fraude-financiere-20200605

[22] Le Temps, La Haye, 2020 : ETWAREEA Ram, Europol se donne les moyens pour traquer la criminalité économique (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.letemps.ch/economie/Europol-se-donne-moyens-traquer-criminalite-economique

[23] Europol, 2021 : European Financial  and Economic  Crime Center – EFECC (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/about-Europol/european-financial-and-economic-crime-centre-efecc

[24] Ibid.

[25] Ibid.

[26] Ibid.

[27] EUROPOL, 2021 : Entreprising criminals – Europe’s fight against the  global  networks of financial and economic crime (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/publications-documents/enterprising-criminals-–-europe’s-fight-against-global-networks-of-financial-and-economic-crime

[28] Coronavirus Italia, 2022 : Statistiche coronavirus in Italia (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse :  https://statistichecoronavirus.it/coronavirus-italia/   

[29] Il Fatto Quotidiano, Gorizia, 2021 : Mascherine cinesi pericolose, la Finanza di Gorizia ne sequestra altri 50 milioni. L’inchiesta sarà trasferita a Roma (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.ilfattoquotidiano.it/2021/05/06/mascherine-cinesi-pericolose-la-finanza-di-gorizia-ne-sequestra-altri-50-milioni-linchiesta-sara-trasferita-a-roma/6189010/      

[30] Guardia di Finanza, Monza, 202 : Sequestrate oltre 19 mila mascherine importate dalla Cina accompagnate da false certificazioni techniche (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.gdf.gov.it/stampa/ultime-notizie/anno-2020/maggio/sequestrate-oltre-19-mila-mascherine-importate-dalla-cina-accompagnate-da-false-certificazioni-tecniche

[31] Quotidiano nazionale, Roma, 2021 : Covid Roma, inchiesta su 5 milioni di mascherine non certificate: tre arresti (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.quotidiano.net/cronaca/inchiesta-mascherine-lazio-1.6087734

[32]La Repubblica, 2021 : FOSCHINI Giuliano, Sulle mascherine due milliardi di affari  sporchi, Quasi duecento milioni di pezzi sequestrati dall’inizio della pandemia. La Finanza: così il Covid è diventato un business per il crimine (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.repubblica.it/cronaca/2021/09/04/news/sulle_mascherine_due_miliardi_di_affari_sporchi-316537058/

[33] Guardia di Finanza, Torino, 2020 : Associazione per delinquere dedita a usura, abusivismo finanziario, estorsione e truffa (en ligne). (Consulté le 23.01.2022) Disponible à l’adresse : https://www.gdf.gov.it/stampa/ultime-notizie/anno-2020/ottobre/associazione-per-delinquere-dedita-a-usura-abusivismo-finanziario-estorsione-e-truffa

[34] EUROPOL, 2021 : Entreprising criminals – Europe’s fight against the  global  networks of financial and economic crime (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/publications-documents/enterprising-criminals-–-europe’s-fight-against-global-networks-of-financial-and-economic-crime

[35] EUROPOL :  MTIC (Missing Trader Intra Community) fraud (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/crime-areas-and-statistics/crime-areas/economic-crime/mtic-missing-trader-intra-community-fraud

[36] Ministère de l’économie, des finances et de la relance, 2014 : Direction générale des finances publiques,  Fraude TVA de type carrousel (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgfip/controle_fiscal/procedes_fraude/5_Fraude_tva_type_carrousel.pdf

[37] Le Monde, 2017 : PIEL Simon et  ROBERT-DIARD Pascale, L’incroyable histoire  de l’arnaque au carbone : le résumé des cinq épisodes (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/14/l-incroyable-histoire-de-l-arnaque-au-carbone-le-resume-des-cinq-episodes_5172257_4415198.html

[38] WIKIPEDIA, Fraude à la TVA sur les quotas de carbone (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fraude_à_la_TVA_sur_les_quotas_de_carbone

[39] EUROPOL, 2021 : Entreprising criminals – Europe’s fight against the  global  networks of financial and economic crime, page 14 (en ligne). (Consulté le 23.01.2022). Disponible à l’adresse : https://www.Europol.europa.eu/publications-documents/enterprising-criminals-–-europe’s-fight-against-global-networks-of-financial-and-economic-crime